Newsletter 94

1922-2022 Nosferatu a cent ans, centenaire du vampire.

 

1922-2022 : Marche sur Rome et Meloni - fascisme fossile.

 

La 94ème lettre d'information des Nouvelles du Front est dédiée à qui, en Italie, parle encore la langue de Dante et de Leopardi, des partisans et de Gramsci, de Rossellini et de Pasolini.

Il y a Juste sous vos yeux de Hong Sang-soo : Mince

 

Hong Sang-soo est un mauvais zen en se complaisant à retourner l'indifférence contre elle-même. L'apurement des comptes l'emporte dans l'épurement des contes, la petite monnaie qui n'arrive même plus à valoir comme petites coupures. Mince alors.

 

 

Il y a Les Enfants des autres de Rebecca Zlotowski : Un cinéma facile

 

Rebecca Zlotowski, un cinéma facile comme on dit qu'il y a des filles faciles. La facilité qui dit l'aisance à faire signifie aussi la jouissance à vivre pour qui tout réussit. Un ruissellement. Une seule réclamation, alors : en faire la publicité, en répéter la réclame.

 

 

Il y a Sans filtre de Ruben Östlund : Film capitalisme

 

Une fois posée l'équivalence communisme = capitalisme, ce qu'il reste, c'est la fiction anthropologique préférée des conservateurs pessimistes depuis Hobbes. Le cynisme des équivalences est viral en n'ayant pas d'autre raison que la conservation de l'existant, si bien résumée par Margaret Thatcher : THERE IS NO ALTERNATIVE.

 

 

Il y a marseilleS de Viviane Candas : Les Deux Marseillaises (entretien)

 

Marseille avec son M minuscule mais dont le S final est une majuscule. Le pluriel du titre abrite les manières de voir à l'œuvre les divisions marseillaises selon un principe dialogique et un autre dialectique, avec d'un côté des différences à cultiver et, de l'autre, des antagonismes à comprendre pour essayer de les dépasser...

 

 

Il y a Adieu au langage et Le Livre d'image de Jean-Luc Godard : Les avant-dernières choses

 

« Selon une ancienne légende juive, il y a dans chaque génération trente-six justes qui soutiennent le monde. S’ils n’étaient pas là, le monde serait détruit et disparaîtrait. Pourtant personne ne les connaît, et ils ne savent pas eux-mêmes que le monde est protégé de la fatalité du fait de leur présence. » (S. Kracauer)

 

 

Il y a Feu follet de João Pedro Rodrigues : Pétard mouillé

 

La maison brûle et João Pedro Rodrigues fait semblant de le savoir alors qu'il regarde ailleurs. Précisément dans le caleçon des garçons où activer les pompes à incendie invite à la culbute des urgences écologiques. Pirouette cul par-dessus tête, juste avant la chute. Le foutre en guise de contre-feu est la douche froide du cinéma, et Feu follet d'être une royale débandade en trouvant des verges aussi pour se faire battre.

 

 

Il y a Saint Genet, comédien et martyr de Jean-Paul Sartre : Qui est Genet ?

 

Jean Genet, fait remarquer Jean-Paul Sartre, écrit pour se tendre à lui-même comme à nous un miroir. Nous nous y contemplons en nous reconnaissant, tous, non coupables des crimes que nous aura imputés la société. C'est une affaire de grande solitude, peuplée des figures carnavalesques des procureurs et des criminels. Une orgie textuelle dont l'érotisme enfièvre et libère l'imagination, en ayant pour frayage les parages fleuris des milieux interlopes, des genres indécidables et des sexualités proscrites.

 

 

Il y a Tori et Lokita de Luc et Jean-Pierre Dardenne : A la foire de l'est, on broie du noir

 

Dans cette version infernale d'A la foire de l'est d'Angelo Branduardi qu'est le nouveau film des frères palmés, une ruée vers l'or à eux tout seuls, si Lokita est la taupe, les Dardenne en sont les seigneur et ange de la mort, en haut de la chaîne dont la loi d'airain, partagée par les ôteurs hautains du cinéma contemporain, dit : si le scénario est du côté des victimes, la mise en scène est du côté des bourreaux.

 

 

Il y a Le Cri du sorcier de Jerzy Skolimowski : Parasite, intouchable, bélier

 

Miroitant et fêlé, Le Cri du sorcier est le récit d'une foi perdue comme un cri qui vient de l'intérieur, l'histoire d'un délirant, peut-être faussaire, dont la folie est un dedans coïncidant avec le dehors qui est chaos, au-delà du vrai et du faux. Le cinéma de Jerzy Skolimowski tient de l'étonnement c'est un tonnerre d'époumonement.

 

 

Il y a Halloween Ends de David Gordon Green : Michael Myers, col bleu du slasher

 

Halloween Ends est le dernier des derniers chapitres - promis, juré - d'une vieille histoire de maltraitance : l'enfant Michael Myers, un quand même notre enfance. Le film de David Gordon Green, qui veut littéralement achever la saga initiée par John Carpenter et Debrah Hill, raconte aussi comment Hollywood finit : de la cuisine à la casse qui est un placard pour la lutte des classes.

 

 

Il y a 11 minutes de Jerzy Skolimowski : Ballet mécanique

 

11 minutes tient de l’exploit quasi-sportif en taillant en 81 minutes chrono un cristal de situations hétérogènes tournoyant autour de la même unité de lieu (un quartier du centre de Varsovie) et de temps (les 11 premières minutes de la 17ème heure d’une journée). Le maître horloger jette toutefois sur son mécano néo-baroque un drôle de regard. La misanthropie est la tâche dans l’œil noir du démiurge, ce précurseur sombre des catastrophes annoncées dont le brio est le doigt qui, même s’il est d’honneur, s’y enfourne jusqu’au bras.

 

 

Il y a Novembre de Cédric Jimenez : La guerre de civilisation ? Les incivilités d'une fiction

 

Novembre, qui est très loin d’annoncer le frimaire du cinéma, préfère donner dans la frime d’un enrégimentement volontaire rabattant la lutte antiterroriste sur le clash des civilisations.

 

 

Il y a Tendres Passions de James L. Brooks : La mort par surprise, la vie qui s'apprend

 

Tendres Passions est absolument merveilleux, d’une délicatesse infinie. Comme si la comédie était un masque de pudeur pour le mélodrame, que l’on n’avait pas vu venir et qui arrive sans crier gare. Alors c’est une vie entière dont la mort précipite l’exemplarité qui en rachète l’injustice. On découvre que le narrateur était en fait un fin stratège, et son film d’être une tragédie rédimée par un stoïcisme qui aura été discrètement enseigné sans jamais avoir été professé.

 

 

Il y a Nosferatu de Friedrich W. Murnau : Centenaire du vampire, leçon du précurseur sombre

 

Le film de Friedrich Wilhelm Murnau, le premier chef-d’œuvre du film d’épouvante, est un joyau éternel où se réfracte la vérité sombre du cinéma, comme on parle en science physique de précurseur sombre. C’est parce qu’il dépose dans ces caves obscures que sont les salles de cinéma le savoir fantastique de ce qu’est le cinéma, vraiment, qui est la visitation hallucinatoire des fantômes. Survivances du passé, les fantômes ont de l’avenir, les meilleurs autant que les pires. Voilà la leçon de Nosferatu, ce grand précurseur sombre.

 

 

Il y a deux autres petites choses, une grosse tache (Athéna) et une immense déception (Eo).

 

 

Il y a enfin notre boîte à musique offerte à brumaire, valse sicilienne et jeunesse folk, fête juive, haut couteau cap-verdien et petites joies floridiennes.