Lettre d'informations n°31 : 30/04/2017

Avec cette 31ème newsletter des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog), nous essaierons d'égrainer ensemble les clochettes d'un brin de muguet en ponctuation fragile mais persévérante dans un monde intervallaire n'en finissant pas de s'obscurcir.

Avec tout d'abord notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" :  après avoir composé un panorama non exhaustif et critique de films récents traitant (souvent mal) de la question du terrorisme, nous voulions changer de braquet en décidant de mettre en avant le travail important du cinéaste algérien Malek Bensmaïl, attaché à multiplier les axes d'interrogation afin d'investir toutes les dimensions de son pays natal, à la fois pluriel et singulier.

Trois clochettes s'entremêleront dans notre rubrique "autres texte de cinéma". La première reprend le texte écrit à l'occasion d'une table ronde organisée par l'Alba, école des Beaux-Arts libanaise, sur les divisions du/de la politique en leurs redéploiements cinématographiques régionaux. La seconde clochette fait entendre un autre tintement libanais : il s'agit du dernier film de Sarah Hatem dans la persévérance grave et ludique de ses jeux d'enfance. La troisième et dernière clochette concerne la ressortie d'un film insolite, Les Yeux brûlés de Laurent Roth (co-scénariste du film Trêve de la cinéaste libanaise Myriam El Hajj), qui demande avec les moyens du montage pourquoi la cinégénie des archives de guerre fascine tant le cinéma.

Dans notre rubrique des "bons plans", les trois clochettes auront la senteur des parfums de l'Inde, plus particulièrement de la trilogie d'Apu réalisée par Satyajit Ray et dont nous réfléchirons les inoubliables beautés à la lumière respective de ses trois fins successives.

Si le mois de mai est généreux en fleurs printanières, il annonce aussi l'arrivée du Panorama des Cinémas du Magheb et du Moyen-Orient, avec plus particulièrement la projection du film de Djamel Kerkar Atlal le mardi 09 mai à 20h au cinéma Le Louxor à Paris en présence du réalisateur et du critique Saad Chakali.

Pour conclure ce moment bourdonnant grâce à nos clochettes printanières, notre 31ème sélection musicale fera la part belle aux Fabulous Troubadors comme à la musique de Rameau. Si Quel sera notre futur et Hippolyte et Aricie sont deux compositions si dissemblables, c'est que l'on n'a jamais vu un film de Bruno Podalydès qui savait faire rire il y a 20 ans de la petite comédie électorale quand elle nous attriste tant aujourd'hui. Enfin, la musique de Faust rappelle qu'il y a des rires nécessaires et Everything de Neneh Cherry qu'il y a des mouvements du corps qui font danser les corps les plus transis, le mélancolique Mad World en reprise d'un vieux tube de Tears for Fears pour l'événement de la beauté dans une tristesse qui ne saurait, pourtant, suffire.

PPS : nous tenions également à vous annoncer la sortie du livre Jean-Luc Godard dans la relève des archives du mal par Saad Chakali, disponible depuis le site des éditions de L'Harmattan.

Lettre d'informations n°32 : 29/05/2017

En espérant que cette 32ème newsletter des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog) fasse souffler un peu d'air frais à travers cette canicule venue trop tôt nous assécher - temps de chien-ne en chaleur parfaitement à l'heure des cynismes contemporains.

Avec tout d'abord notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous continuerons nos passages algériens, en nous destinant plus précisément ici au sud d'Alger pour contempler avec Djamel Kerkar et son Atlal les ruines d'Ouled Allal en perpétuelle reconstruction, avec ses vestiges physiques et psychiques considérés dans une poétique des ruines qui se double toujours d'une pédagogie des décombres.

Avec cette nouvelle newsletter, une nouvelle rubrique sort de terre, baptisée "Chinoiseries du moment" où nous vous donnerons nos fragments élus (provisoirement ou non) et issus de la vaste histoire du cinéma, selon des lignes définies. Nous ouvrons ici avec "Une scène d'ouverture" fois deux, duovidu au service des Nouvelles du Front oblige.

Dans notre rubrique "autres texte de cinéma", grâce au Panorama des Cinémas du Magheb et du Moyen-Orient, nous avons pu voir enfin sur grand écran le tout premier film de Merzak Allouache, Omar Gatlato, film important en ce qu'il aura inventé il y a 4 décennies un type dont la modernité contradictoire (le relâchement individualiste se conjuguant chez lui avec les archaïsmes d'une masculinité pauvre en féminité) persiste en Algérie et ailleurs à demeurer contemporaine.

L'année 2017 nous annonçait le retour en fanfare d'une série culte qui aura façonné à jamais l'entame de notre parcours de cinéphile (comme d'autres Stromboli ce fut notre chemin de Damas). Nous attendions avec impatience la saison 3 de Twin Peaks. Et nous avions raison tant les auteurs, Mark Frost et David Lynch, auront su se tenir à la hauteur de la promesse qu'ils auront déposée dans la bouche de Laura Palmer il y a de cela un quart de siècle.

Nous vous proposons un dernier texte dans cette même catégorie concernant le dernier de Sylvain George intitulé Paris est une fête, ode à l'adresse généreuse aux mouvements de luttes sociales de 2015 et 2015, en rappel que la politique est le réel dont il ne nous faudra pas manquer à l'heure de toutes les rétrovolutions en marche.

Et enfin, dans la rubrique "Des nouvelles du front social et du reste", on vous parlera de Confiscation, le nouvel essai de Marie José Mondzain qui, dans la foulée du film de Sylvain George, fourbit une éloge philosophique de la radicalité, otage des captures idéologiques et des fondamentalismes mimétiques.

Pour conclure cette newsletter, notre 32ème sélection musicale, il y aura au programme : "Everybody knows" de Leonard Cohen, "I'm The leader Of The Gang" de Gary Glitter, "Gobbledigook" de Sigur Ros, "You Might Think" de The Carrs et "A New" de Little Dragon.

Lettre d'informations n° 33 : 30/06/2017

Avec notre 33ème newsletter des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog), il s'agira de faire quelques bonds dans l'espace, le temps et les formes afin de diagonaliser ce début d'été pour le moins contrasté.

 

Avec tout d'abord notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" récemment happée par la pédagogie des ruines offerte par le film de Djamel Kerkar (Atlal), nous goûtons désormais avec La Sapienza d'Eugène Green aux formes et permanences de l'esprit baroque, sa sapience délivrée à partir de la confrontation dialectique de ses grandes architectures rivales, le rationnel Bernin versus Borromini le mystique.
 
En conséquence de quoi, notre rubrique "Des nouvelles du Front social et du reste" portera sur l'ouvrage sans lequel il aurait été bien difficile d'aborder la question d'un baroquisme valable pour le cinéma, à savoir Le Pli : Leibnitz et le baroque de Gilles Deleuze.
Nous poursuivons notre bonhomme de chemin avec nos "chinoiseries du moment" et la présentation subjective et dédoublée de nos ponctuations mémorables de cinéma. Après avoir avoir lancé cette nouvelle catégorie du site avec "une scène d'ouverture", il nous semblait logique d'en entretenir la lancée avec "une scène de fin".
 
Le mois de juin aura vu surgir aussi la nouvelle édition du Festival Côté Court organisé à Pantin. Une belle occasion alors pour revoir le film de Manuela Morgaine, Another World, commenté dans notre rubrique "Autres texte de cinéma" avec quatre ciné-tracts de Frank Smith qui étaient associés à son essai découvert à la SCAM.
 
Il est un cinéaste majeur de notre cinéphilie : Fritz Lang. Nous avions vu récemment sa "trilogie Mabuse", trois chefs-d'œuvre visionnaires qui brûlent d'une intense actualité. On ne pouvait dès lors pas ne pas leur consacrer nos deux catégories, "Des bons plans" et "La séquence du spectateur", afin d'en déplier eu égard aux présentes déflagrations nihilistes les urgences éthiques et les conséquences politiques, de l'ultime Diabolique Docteur Mabuse à son prédécesseur Le Testament du Docteur Mabuse.

 

Pour conclure cette newsletter, nous vous proposons comme à l'accoutumée notre 33ème sélection musicale. Les compositions marquées du coin de l'enfance de Camille Saint Saëns s'acoquinent avec les bégaiements pop et folk d'Oscar Isaac et Justin Timberlake, tandis que la reprise piano-techno d'un hit de Nirvana par Aufgang se voit drôlement appareillée avec le traditionnel Tsintskaro du géorgien Hamlet Gonashvili comme avec l'univers de fantasy de William Sheller.

Lettre d'informations n° 34 : 28/07/2017

La période serait dit-on celle durant laquelle les juillettistes font place nette aux aoûtiens. Août approchant in and out, il est temps alors de vous proposer la 34ème newsletter des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog).
 
Avec notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous revenons à une cité chère à notre cœur, ce foyer de cinéma électrique que représentent pour beaucoup d'entre nous les Rencontres Cinématographiques de Béjaïa. Nous vous présentons ici la première partie d'un triptyque consacré à l'édition de l'année précédente. Comme un avant-goût des prochaines rencontres dont la quinzième édition aura lieu du 9 au 15 septembre.
 
Notre rubrique "Autres texte de cinéma" est consacré à un premier long-métrage égyptien, Les Derniers jours d'une ville de Tamer El Saïd, porté par une vaillante exigence de modernité consistant à évaluer à l'aune critique de la grisaille post-révolutionnaire le sort cristallin d'images tournées avant les grandes journées de février 2011.
 
"Des bons plans" s'ouvre au salut offert d'évidence à l'un des plus grands maître de l'horreur récemment décédé, George A. Romero, créateur héroïque d'un zombie modernisé, purgé de ses attributs vaudous pour valoir désormais comme la figure du désastre bio-politique contemporain, allégorie décharnée de l'homo sacer dans lequel on reconnaîtrait la figure de l'indifférence trans-générique à toutes les différences de genre, la relève en dépit de tous les particularismes de l'universel en ses restes.
 
"La séquence du spectateur" est pour sa part dédiée à la mémoire aqueuse et amniotique d'un grand film russe, Stalker, d'Andreï Tarkovski, qui arrache à la double catastrophe du communisme étatisé (le Goulag hier, demain Tchernobyl) quelques épiphanies au principe d'une croyance idiote, autrement dit singulière et fondamentale, qui concerne moins un autre monde que ce monde-ci dans lequel, comme le disait Gilles Deleuze, les idiots font partie.
 
Concernant les "chinoiseries du moment", il s'agira dorénavant de rire de toutes ses canines avec deux courts films d'animation tournés par le génial Bill Plympton, portés par des chiens de bonne volonté parmi les plus hilarants jamais croisés au cinéma (on y trouvera notamment une critique moins cynique que kunique au sens diogénique de l'obséquiosité, ce symptôme d'une civilité hystérisée).
 
Pour conclure cette 34ème newsletter, nous vous proposons comme à l'accoutumée notre "sélection musicale" : y entreront en conversation les nappes évanescentes de l'âge atomique, ces chants du Verseau que sont "Hoje" de Taiguara et "Toda Menina Baiana" de Gilberto Gil, un lamento de The Cure et les radiations post-punk de Pere Ubu.

Nous tenions aussi à vous informer également de la parution d'une recension parue dans le Monde Diplomatique du mois d'août écrit par Mehdi Benallal de notre ouvrage paru à L'Harmattan et intitulé Jean-Luc Godard dans la relève des archives du mal.

Lettre d'informations n° 35 : 29/08/2017

Avec cette 35ème newsletter des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog), nous voudrions que la reprise s'entende comme un recommencement : que la rentrée soit chaude en serait l'image, préférable à toute canicule.

 
Avec notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous poursuivons avec son second volet notre triptyque consacré à l'édition 2016 des Rencontres Cinématographiques de Béjaïa. Des éclairs auront surgi de la centrale électrique de la cité kabyle (Dans ma tête un rond-point, F430, Kindil El Bahr), en attendant le retour des hirondelles programmé du 9 au 16 septembre prochains.

Notre rubrique
"Autres texte de cinéma" est un hommage à un génie burlesque, si solitaire et incompris, si peuplé à l'intérieur de lui-même qu'il n'aura cessé de se démultiplier en poussant le cinéma comique dans ses retranchements cartoonesques et modernistes : Jerry Lewis aura été l'un des grands idiots du cinéma qui le sauve des imbéciles, notre enfance lui doit tant.
 
Concernant "La séquence du spectateur", décision aura été de continuer sur notre lancée tarkovskienne en vous proposant cette fois-ci, après les rêveries amniotiques de Stalker, des séquences tirées des films Le Miroir ou Solaris. Le génie vole haut au risque de se brûler les ailes au soleil de l'ambition démiurgique, il en ramène cependant des visions qui soulèvent d'enthousiasme le cœur, devant tant à la matière élémentaire d'une enfance en relève des défaillances de la science comme des impasses de l'idéologie.
 
Les "chinoiseries du moment" se déclinent dans le couple des séquences à fondre éternellement en larmes : c'est une faim plus forte que tout dans Il était une fois en Amérique de Sergio Leone, c'est une enfance doublement meurtrie dans le Frankenstein de James Whale.
 
Pour conclure cette 35ème newsletter, nous vous proposons l'incontournable "sélection musicale" : tous azimuts, de la pop aux accents french touch et du raï, des imprégnations de horror movies et du folk-rock étasunien, et puis de la fusion marocaine.

Lettre d'informations n° 36 : 29/09/2017

Notre newsetter mensuel vous propose aujourd'hui de souffler rien moins que les 36 chandelles des Nouvelles du front cinématographique (site, facebook et blog). 36 est un bon chiffre, il rappelle que la démocratie partout se discute en se gagnant pas à pas, au travail et chez soi, dans la rue et aussi dans les salles de cinéma.

 

Avec notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", nous concluons avec son troisième volet notre triptyque consacré à l'édition 2016 des Rencontres Cinématographiques de Béjaïa. Des flammes auront hier éclairé Bougie (on se souvient encore des projections de Samir dans la poussière de Mohamed Ouzine, Bienvenue à Madagascar de Franssou Prenant et Foudre de Manuela Morgaine), en promesses d'autres étincellements à l'occasion d'une quinzième édition qui vient de se terminer le 16 septembre dernier.
Notre rubrique "Autres texte de cinéma" voudra justement se consacrer à rendre compte des grands feux du foyer béjaoui de 2017. Ce sont ainsi trois des grands films de l'année confirmant à chaque projection qu'il faut savoir désormais compter sur eux. Trois films qui veillent dans la nuit du contemporain à se ranger du côté des témoins dont le jour ne veut pas : d'un côté Atlal de Djamel Kerkar et The Last of Us d'Ala Eddine Slim, de l'autre Vers la tendresse d'Alice Diop.
 
L'automne s'impose aussi comme la saison endeuillée d'un été cramé par deux disparitions qui affligent le cinéma d'horreur : George Romero et Tobe Hooper, maîtres du carnaval pris au mot. Le capitalisme tardif ressemble en effet à s'y méprendre à un déballage de viandes : après la nuit indifférente et nue de l'épuisé zombifié, on trouvera donc le soleil furieux et anthropophage d'une condition populaire défigurée. Dans les deux cas, le mort saisit le vif et c'est l'occasion d'une fête qui célèbre confusément la fin d'un monde et le début d'un autre. Notre enfance mordue par leurs films ne s'en sera jamais vraiment remise.

Dans la continuité, les "chinoiseries du moment" se déclinent dans le couple en miroir des scènes à frisonner : c'est un cauchemar carnassier dont les mâchoires se fracassent contre l'écran dans un épisode de la série Twin Peaks de Mark Frost et David Lynch en 1990 et c'est la même année un imprévisible fantôme surgissant sans crier gare dans le troisième film de la série L'Exorciste réalisé par William Peter Blatty, l'auteur du roman original.

Pour clore cette 36ème newsletter, notre indispensable "sélection musicale" fera entendre la parole hantée par la révolution de Jean-Pierre Léaud et celle de Vic Chestnutt désolée par le cauchemar floridien climatisé, tandis que les larmes versées avec style par Roy Orbison sauront se prolonger dans les vapeurs éthyliques des Tindersticks, pour finir asséchées sur la rocaille folk roulée par les vieux chevaux de Will Oldham qui ne veulent pas mourir dans les abattoirs du travail subordonné.

Lettre d'informations n° 37 : 30/10/2017

Pour nous, novembre est toujours le Mois du Film Documentaire, manifestation nationale promouvant le cinéma documentaire dans les équipements culturels participant à l’événement. Nous vous communiquerons très bientôt les prochains rendez-vous liés à notre programmation autour de quelques grands films algériens contemporains. C’est aussi le moment de vous faire part du contenu de notre 37ème newsletter (site, facebook et blog).

Pour notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique", l’expression « jamais deux sans trois » n’aura jamais été aussi juste car, après avoir consacré déjà deux textes à la merveilleuse troisième saison de Twin Peaks de David Lynch et Mark Frost (L’éternel retour est un gramophone grésillant et Un Idiot à Twin Peaks), il nous aura paru évident d'y revenir une nouvelle fois au moment de la diffusion des ultimes épisodes : Retour à Twin Peaks - tours, détours insistera à montrer que cette troisième saison est d'ores et déjà l'événement cinéma de l'année.

Notre rubrique "Autres texte de cinéma" fera la part belle à l'actualité des films inégalement préoccupés par deux types de figures, des militants et quelques « Grands Hommes », les premiers généralement si peu et souvent si mal interrogés, les seconds si souvent convoqués mais souvent aussi dans la pire des facilités. D’un côté, nous avons rassemblé deux beaux films qui témoignent des formes d'une subjectivité militante déliée des impasses du renoncement, plus forte que la mort : 120 battements par minutes de Robin Campillo et Une vie violente de Thierry de Peretti. De l'autre, trois films aussi différents que décevants, Barbara de Matthieu Amalric, Le Redoutable de Michel Hazanavicius et Le Jeune Karl Marx de Raoul Peck, voudraient tutoyer la figure humaine trop humaine du génie consacré en sacrifiant pourtant aux clichés du "grand homme" (derrière qui se cache une femme, qui peut l'être plus rarement aussi), à valoriser respectueusement ou à déboulonner par ressentiment, toujours figé cependant dans une inactualité jamais synonyme d'intempestivité.

Pour ce qui concerne "La séquence du spectateur", elle sera consacrée à deux séquences exemplaires de Il était une fois dans l’ouest de Sergio Leone qui, sous ses aspects monumentaux, réservent aux excès parodiques du maniérisme les secrets d'une matière impure malaxée par qui aura voulu rendre avec les mauvaises manières du prolétaire métèque aux mythes qui l'auront tant fait rêver.

Les "chinoiseries du moment" se déclinent pour leur part dans le couple en miroir des plus belles paroles d’amour du cinéma : les retrouvailles longuement différées de Vienna et Johnny dans le film Johnny Guitar de Nicholas Ray s’opposent à l'amor omnia nimbant les adieux de Gertrud à son vieil ami dans l'ultime chef-d'œuvre de Carl T. Dreyer.

Pour clore cette 37ème newsletter, notre indispensable "sélection musicale", entièrement inspirée par le cinéma, commencera déjà par saluer par deux fois le duo formé par Ennio Morricone et Sergio Leone, avec le thème de la horde sauvage combattue par un Henry Fonda vieillissant dans Mon nom est personne et le thème à l'harmonica de Il était une fois dans l’ouest poussé jusqu'à l'abstraction bruitiste par John Zorn. Charles Ives sera aussi de la partie avec The Unsanswered Question, une composition pile entre harmonie classique et dissonances modernes dont la mélancolie profonde imprègne plus d'un film aimé, tourné par Johan Van Der Keuken, Terrence Malick, Arnaud Desplechin et Pablo Larrain. Cette playlist nous permettra encore de refaire un tour du côté de Twin Peaks de David Lynch avec The Voice of Love d'Angelo Badalamenti jusqu'au grand Crash de David Cronenberg et les montages électriques de Howard Shore.

Lettre d'informations n° 38 : 30/11/2017

 Décembre c'est demain et ce sera alors le temps de se dire que Des Nouvelles du Front Cinématographique (site, facebook et blog) aura déjà trois ans. Trois années d'exercices critiques ininterrompus courant sur presque 500 textes, au travail des fronts cinématographique, social et du reste. Trois années riches grâce à vous, dans la sensibilité dont témoignent vos adresses, dans les retours amicaux que vous nous faites et dont les rencontres nouées à diverses occasions. Trois années qui, comme dans la nouvelle éponyme d'Anton Tchekhov, obligent en dépit de la tristesse du temps à devoir continuer.

 

Notre 38ème newsletter glisse ainsi à l'occasion de notre petit anniversaire un bouquet d'infinis remerciements.

 

Notre rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" se concentrera sur un film longtemps méconnu de Jean-Luc Godard, un téléfilm diffusé une seule et unique fois par TF1 en mai 1986 : Grandeur et décadence d'un petit commerce de cinéma, c'est l'histoire éminemment godardienne d'une commande deux fois trahie (l'anthologie "Série noire" de Pierre Grimblat d'après la collection de Marcel Duhamel pour Gallimard). Pour prendre acte de la trahison des pouvoirs publics livrant la première chaîne de télévision à l'avidité des intérêts privés (TF1 sera privatisé en avril 1987). Et pour relever, d'un Jean-Pierre (Léaud) l'autre (Mocky), ce qui reste de cinéma à l'époque de son exécution en règle télévisuel (la série noire est en particulier ici celle des producteurs français tombés au champ d'honneur). Le thrène, brechtien et culotté (ah, la séquence-fleuve des chômeurs récitant à la chaîne des fragments d'une citation de Faulkner), pourra être légitimement considéré comme l'un des prolégomènes aux Histoire(s) du cinéma.

 

Notre rubrique "Autres texte de cinéma" voudrait une nouvelle fois insister sur ces jeunes cinéastes qui, dans un pays qui s'appelle l'Algérie, travaillent avec des sensibilités différentes à y inscrire leur désir de cinéma. Deux films, une fiction qui fait l'actualité, En attendant les hirondelles de Karim Moussaoui, et un documentaire au sujet duquel on a encore envie de revenir et qui fait toujours preuve d'un grand sens du contemporain, Bla cinima de Lamine Ammar-Khodja, témoignent de ce qui se joue, pour eux et nous, là-bas, du monde et du cinéma. Tandis que le premier film est un road-movie en trois épisodes comme autant de croisées des chemins ou de carrefours des destins reflétant pour son auteur ses propres choix cornéliens, le second film élit une place populaire comme lieu choisi pour y déployer des figures et des paroles repeuplant en puissance l'abîme avéré.

 

"La séquence du spectateur" sera dédiée à un cinéaste dont le centenaire de la naissance a été célébré en octobre dernier : Jean-Pierre Melville. Des morceaux choisis dans sa dernière période, Le Samouraï, L'Armée des ombres, Le Cercle rouge et surtout Un flic scanderont le dédoublement du trouble dans le genre que son œuvre, aussi épurée qu'elle est peuplée de doubles mimétiques, aura déplié : trouble dans la reprise maniériste confinant à l'abstraction des conventions du genre criminel ou policier, trouble dans le virilisme caractérisant notamment le milieu et repérable dans toute une série d'opérations ou de figures poussant l'ambiguïté melvillienne dans d'étonnantes transgressions des rapports de sexe ou de genre.

 

Après l'évocation précédente des plus beaux mots d'amour, les "chinoiseries du moment" se décident à accueillir parmi les plus mémorables intensités érotiques dont le cinéma aura été capable. Les élections sont toujours subjectives, qui retiennent ici la moite et intranquille séparation des amants de L'Atalante (1934) de Jean Vigo et, autre configuration de la séparation au principe des émois du corps, la visitation caressante d'un souffle de lumière dans Bright Star (2009) de Jane Campion.

En conclusion de notre 38ème newsletter, notre "sélection musicale" sera à la fois planante et lyrique, planante avec Tarek Louati, Edouard Artemiev et Jóhann Jóhannsson, lyrique avec le folk cabossé de Bonnie "Prince" Billy et le post-rock obsessionnel et nervuré de Féroces.

PS : et puis, toujours disponible, Jean-Luc Godard dans la relève des archives du mal chez L'Harmattan.

http://www.editions-harmattan.fr/index.asp?navig=catalogue&obj=livre&no=53114

Lettre d'informations n° 39 : 30/12/2017

2017, crépusculaire, en a presque fini ! S'amorce l'aurore de 2018 ! L'année aura été moche politiquement, inégale cinématographiquement (encore qu'il y eut d'extraordinaires surprises télévisuelles comme on en rendra compte le mois prochain lors de notre bilan 2017) et, comme nous sommes sur le seuil d'une nouvelle année, nous l'espérons pour vous riche en promesses de beauté, de justice et d'égalité (site, facebook et blog).

Tout d'abord, notre habituelle rubrique des "Nouvelles du front cinématographique" rend grâce aux Rencontres du Film Documentaire de Redeyef. Une fois de plus (c'est leur 4ème édition et nous leur espérons d'aussi beaux jours devant eux), nous tenons à remercier nos ami-e-s pour leur invitation à voir des films en leur compagnie. Que ce soit des films récents comme Atlal de Djamel Kerkar ou des films plus anciens comme La Bataille du Chili du cinéaste Patricio Guzman ou Vidéogrammes d'une Révolution de Harun Farocki et Andrei Ujica, qu'il aura été bon d'expérimenter la projection commune de quelques images de la lutte des peuples à l'endroit (le bassin minier de Gafsa) qui fut le chaudron ouvrier de la révolution tunisienne de 2011.

Notre rubrique "Autres texte de cinéma" fait la part belle à un beau court-métrage, Les Profondeurs de Youssef Chebbi qui plonge la figure légendaire du vampire dans une fiction moderne. Henri Langlois disait en effet : Dracula est partout. Et puis il disait aussi : Dracula n'appartient plus à la littérature mais à l'univers tout entier. Le film de Youssef Chebbi prouve que la Tunisie n'y échappe pas.

Dans cette même rubrique, nous avons aussi voulu proposer une recension du nouveau livre de Jean Narboni intitulé Samuel Fuller : Un homme à fables. C'est bien plus qu'un simple jeu de mot. Le witz torpille nos somnolences cinéphiles en nous rappelant à l'essentiel : à la différence de bon nombre de réalisateurs actuels, Samuel Fuller est un cinéaste qui, décédé en octobre 1997 à l'âge de 85 ans (c'était il y a vingt ans, vingt ans déjà, c'est au fond si peu), demeure exactement notre contemporain.

Jamais deux sans trois : nous vous proposons toujours dans cette rubrique, un autre film récent sorti cette année, le prometteur Les Bienheureux de Sofia Djama. La jeune comédienne Lyna Khoudri a remporté le prix de la meilleure actrice dans la section Orrizonti à Venise pour le rôle de Feriel, un nom d'elfe digne de l'univers de Tokien.

Depuis trois ans Noël s'habille dans les habits impérieux de Star Wars. Nous reprenons notre exercice de "ping-porg", autrement dit notre champ-contrechamp à propos des deux derniers volets sortis respectivement l'an dernier (Rogue One : A Star Wars Story de Gareth Edwards) et cette année (Star Wars : The Last Jedi de Rian Johnson), pachydermes lourdement en retrait par rapport au bel effort de J. J. Abrams dans la relance de la saga aux œufs d'or.

Pour notre "sélection musicale, la voix de Antonio Variacoes surgit d'outre-tombe depuis L'Ornithologue de João Pedro Rodrigues (qui était en deuxième position de nos films de 2016), tandis que celle de Mick Jagger accompagne la fureur des héros scorsesiens tandis que le thème de Dirty Harry par Lalo Schifrin fait fondre dans nos oreilles une humeur groovy. Il faudra aussi compter sur les expérimentations de John Frusciante, ancien membre des Red Hot Chili Peppers, ainsi que sur la reprise par Patti Smith du "Pastime Paradise" de Stevie Wonder.

Pour conclure, nous vous donnons des nouvelles de nos différentes publications : tout d'abord nous tenons à remercier Christian Ruby pour sa recension du livre Jean-Luc Godard dans la relève des archives du mal sur le site nonfiction et signaler également la parution du dernier numéro de la revue Éclipses consacrée à M. Night Shyamalan qui compte notre contribution sur le partenariat entre le réalisateur et Jason Blum.

Lettre d'informations n° 40 : 28/01/2018

Ça y est, 2018 s'est imposé au calendrier, à nous alors d'en faire un événement calendaire accordé au postulat égalitaire. On en profitera déjà pour vous souhaiter en ces derniers jours de janvier une heureuse année, avec beaucoup de bonnes nouvelles du front cinématographique et des autres (site, facebook et blog).

a) Notre rubrique "Autres texte de cinéma" est une moisson dévolue à trois cinéastes et deux séries télévisées :

Trois courts-métrages d'Amin Sidi-Boumédiène où il sera posé que travailler, peaufiner et raffiner les rythmes
drone ambient du bourdon algérien consiste à extraire d'une inquiétude circonstanciée un bourdonnement essentiel offert à la voix maternelle de la nation algérienne dont l'amour fusionnel se vit aussi comme une blessure.

Dans le noir
de Sergueï Dvortsevoï où il sera dit qu'un fil qui passe et qu'à deux déroulent un vieux Russe et son chat afin d'en faire des nœuds aura glissé au chas des plans d'un film dont les tramages appellent des tressages jusqu'aux plus sublimes accrocs.

Fais soin de toi
de Mohamed Lakhdar Tati où il sera question de la carte du Tendre de la précieuse Madeleine Scudéry et de "Comizi d'amore" de Pier Paolo Pasolini, de parataxe du côté de Jacques Rancière et de pharmacologie du côté de Bernard Stiegler, sans oublier la voix de baryton d'un bourdon cher à Rosa Luxemburg en prison.

Twin Peaks et The Leftovers où il sera déclaré que vienne la vieillesse et qu'au plus loin elle nous emporte.

b) La
rubrique "Des nouvelles du front social et du reste" accueillera également la recension d'un ouvrage ainsi que le compte-rendu d'une pièce de théâtre :

Le spectateur est celui qu'il faut défendre, constamment disputé qu'il est, incessamment soupçonné de nombreux maux dont celui, coupable, d'une passivité irrécupérable. C'est pourquoi il faut au contraire défendre sa capacité à s'émanciper. En lisant par exemple le nouvel ouvrage de Christian Ruby, 
Devenir spectateur ?, qui s'inscrit dans une réflexion ouverte depuis plusieurs années et offerte à un spectateur affirmatif, pensé comme un sujet dissensuel dans la construction de son champ différentiel et la généalogie de ses archipels.

On a bien aimé aussi dans 
From the Ground to the Cloud, la nouvelle mise en scène théâtrale d'Olivier Coulon-Jablonka à partir d'une enquête documentaire d'Eve Gollac consacrée à la naissance du big data, que le plaisir du jeu soit toujours aussi communicatif. Y compris jusqu'à assumer de frayer en collages et glissements, citations et courts-circuits dans les parages ambivalents d'une implication par la connivence rieuse, cependant toujours compliquée par la distance sérieuse de l'analyse didactique.

c) Comme chaque année, nous vous proposons également notre résumé ciné de l'année écoulée. Dix titres à retenir pour 2017, mais avant toute chose deux séries en leur troisième saison à la fois respective et conclusive,
The Leftovers et Twin Peaks. Pour les vieux fourneaux qu'un jour nous serons, que déjà nous sommes, la morale de 2017 s'impose ainsi en somme : vieillesse, en avant !

d) Pour notre "sélection musicale", la playlist du mois se sera dédoublée en raison de tristes circonstances :

1) c'est une première série où "Love At First Sight" de The Gist côtoie "Craklin' Water" par OP8 et Lisa Germano tout en faisant signe vers "N.I.T.A." de Young Marble Giant, tandis que l'innocence du "Petit clown" du
Roi et l'oiseau de Paul Grimault se voit bousculée par les riffs libidineux de "It's So Easy" de Willy DeVille.

2) et puis c'est une seconde dédiée à Mark E. Smith de The Fall, génie atrabilaire de Manchester dont la verve crachée en jets d'acide par une voix souverainement à côté de la plaque n'aura jamais cédé un poil sur la ligne de front de la lutte des classes.

La guerre contre l'intelligence est loin d'être finie, la colère aussi.