Autres textes de cinéma de 171 à 180

 

L'été 2020 après le confinement du printemps est-il au cinéma celui du retour gagnant des auteurs ? Les auteurs sont là, jeunes et plus anciens, français et d'ailleurs, François Ozon et Virgil Vernier, Philippe Garrel et Hong-Sang-soo. Et si tous reviennent avec des films réalisés avant la crise sanitaire, l'été promis laisse cependant place au refroidissement de l'hiver. L'hiver est là en effet, celui de l'auteurisme.

 

 

La catastrophe peut être avérée quand les lieux viennent par deux fois à manquer : les lieux manquent comme espaces habitables viables et ils font défaut comme résidences du sens. Lieu comme locus ; lieu comme loquor : avoir lieu est affaire de logos au sens où le langage signifie poétiquement l'habitation comme agencement d'une situation et d'un nom. L'être au monde relie dans le même mouvement un site et son dire – le monde vécu est littéralement un lieu-dit.

 

 

Un soupçon d'amour donne encore la preuve – once more –, depuis la figure doublement impossible d'Andromaque, que la sentimentalité n'a pas d'autre meilleur contradicteur que la cruauté. La contradiction est l'une des ruses d'un vieux diable pour faire que la réconciliation ne lui vienne jamais.

 

 

Les violences policières, si elles sont filmées, notamment par ses victimes, manquent encore d'être vues. C'est l'invu des violences policières qui invite à parler en les donnant à voir et à revoir et, ainsi, à les penser. Pour cela Un pays qui se tient sage vaut la peine d'être vu quand il essaie d'être face à la Méduse des violences policières l'équivalent du bouclier d'Athéna. Mais la peine aurait pu l'être davantage encore en ne cédant ni sur le recours à des limitations problématiques de la focale adoptée, ni sur le réflexe roué de l'efficacité qui obscurcit l'effort de pensée plutôt qu'il ne l'éclaircirait.

 

 

Quel bonheur quand, sans ostentation ni crier gare, un film a la puissance de battre les cartes d'un jeu apparemment serré en les redistribuant à plusieurs reprises, une fois, deux fois, trois fois. Le spectateur est alors invité à déplacer son regard en fonction des angles de la fiction comme à revoir sa position sur le sens de la narration.

 

 

Maudit ! n'est pas la fiction fantaisiste d'une malédiction cryptique mais une fantastique traversée du miroir, le cauchemar éveillé d'une histoire mal dite. Maudit qualifie celui dont on dit du mal et dire du mal est un mal dire antique dont les rayons ensorcellent, en brûlant en profondeur et  en montant jusqu'au ciel. Le marronnage est un génie hérétique dont il faut célébrer l’éternel retour.

 

 

Sortir du 19ème siècle est un impératif catégorique pour aujourd'hui. La Route de Cayenne en rumine l'exigence politique et, entre la faim qui retourne le ventre des nouveaux prolétaires et l'ivresse qui tourne la tête des vieux bourgeois antiquaires, son chemin est fourchu en impliquant de reconnaître dans le vagabond noir l'enfant maquillé de la chanson, « l'enfant trouvé que vous avez perdu ».

 

 

A Lua Platz documente avec le bidonville à la fois le côté pile du rapport de force et la face subjective de son investissement militant et politique. Le film de Jérémy Gravayat indique ainsi qu’il y a un monde du droit peuplé à foison de sans-droits et qu’il y a aussi un autre monde possible et toujours déjà là dont l’histoire parallèle est une histoire peu vue et mal dite, une histoire française mais pas franco-française de la solidarité et de la dignité bien plus que de la pauvreté.

 

 

Il y a dix ans, Zombies organisait dans les marges ombragées de Low Life une cérémonie secrète dédiée à treize gardiens des trésors communs de l’humanité, amour et résistance, jeunesse et poésie, égalité et différence, insurrection et révolution. Depuis, une décennie a passé, un tunnel qui s’apparenterait davantage cependant à l’Underground Railroad. Zombies revient avec un nouveau montage resserré, aux arêtes plus vives, et un nouveau titre : Saxifrages.

 

 

Remettre au centre du récit celui qui en aurait été le narrateur marginalisé, voilà ce à quoi s'applique Mank qui offre à son personnage éponyme, le scénariste Herman Mankiewicz, un portrait tout en reconnaissance d'un pair derrière lequel se cache un père, Jack Fincher, auteur du scénario que son fils David a mis vingt ans à pouvoir adapter.