Autres textes de cinéma de 191 à 200

  • Drunk de Thomas Vinterberg : L'ange fait la gueule (de bois)

 

L'ivresse est à la jeunesse quand la gueule de bois revient aux maîtres qui ne sont plus tout à fait jeunes et pas tout à fait maîtres. L'héritage des années libertaires se solde dans l'actualité bouchonnée de la confusion néolibérale où les vieilles autorités résistent à passer la main tandis que les nouvelles ont du mal à leur succéder. L'autorité l'est au fond si peu, chez soi comme au boulot, qu'il faudrait y remédier. L'alcool est un remède ; c'est un poison aussi pour les maîtres qui doivent se brûler les ailes afin de redonner sens et vie à leur autorité.

 

 

Deux copains tombent par hasard sur une grosse mouche de la taille d'un chien. L'un des deux persuade l'autre de la dresser afin d'en faire plus qu'un animal de compagnie. Le plus drôle est que ça marche mais il n'est pas dit que le plus drôle ne soit pas aussi le début du plus terrifiant.

 

 

L'ours est roublard mais la rondeur hirsute est l'enveloppé de la fêlure, sa fourrure. Nazim Djemaï est un obsessionnel qui tourne autour d’obsessions dont le trou est partout, à la margelle de ses images comme au fond du puits creusé pour y puiser la matière noire et blanche de ses visions.

 

  • Onoda d'Arthur Harari : L'enfer du devoir

 

La grande force d'Onoda tient à ce que son ampleur, rarissime dans le cinéma français actuel, ne vaut pas pour elle-même en ayant l'obéissance pour interrogation de fond et le devoir pour fond sans fond. Si le film d'Arthur Harari frôle les trois heures, c'est moins pour marquer un goût convenu pour la fresque forcément appropriée au genre du film de guerre que pour consigner dans la durée des années passant l'épreuve existentielle d'un homme qui a tenu coûte que coûte à l'enseignement reçu et au code moral qui en constitue le socle. Le devoir est la norme désirable des sociétés fortement autoritaires et hiérarchisées ; c'est aussi un hiatus de la subjectivité, un délire pour qui tient fermement à la loi morale qu'il y a dans son cœur en s'y enfermant comme dans une prison à ciel ouvert, une parenthèse hors de l'Histoire qui est une bulle de temps à l'état pur.

 

 

« L’amour n’aime pas le secret, le désir oui a un jour écrit Anne Dufourmantelle. L’histoire de l’amour et du désir est une histoire secrète ». Y a-t-il un secret dans Une histoire d’amour et de désir, le second long-métrage de Leyla Bouzid ? Il y a déjà une stratégie narrative malicieuse qui consiste à couler dans un roman de formation un cours d’éducation sexuelle. Mais l’école de la chair délivre des cours élémentaires qui virent aux simplismes édifiants d’une approche culturaliste réductrice. Il y a pourtant un entêtement du secret quand il est non plus celui des désirs empêchés mais des amours dont les hésitations et les contrariétés constituent la vérité.

 

  • First Cow de Kelly Reichardt : Le lait de la tendresse humaine

 

L’Histoire est passée par là mais cela ne se voit pas. C’est pourtant ce qu’il faudra voir. Dans First Cow, les paysages ont de l’esprit quand il est celui des morts sans mémoire ni deuil ni sépulture. Les paysages retrouvent leur esprit, celui du pagus quand la paix qui les caractérise dit en fait les pages où l’indéchiffrable qui s’est écrit reste encore à lire.

 

 

Marie Dumora se fait à la fois mémorialiste et archiviste. La documentariste est la narratrice à longue haleine d'un vaste feuilleton populaire mieux qu'une télénovela, celui qui raconte les aventures d'un peuple qui ne ressemble pas à la doxa, à l'opinion que l'on en a. Un peuple qui manque dans les représentations, un peuple de la marge qui ne revient qu'à la marge du cinéma, dans les images qui ont du poids parce qu'elles pensent, images mobiles et vagabondes pour spectateurs heureux de se déplacer en changeant de place sans la prendre à quiconque.

 

 

Depuis quarante ans Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval construisent, au théâtre puis au cinéma, l'un des regards parmi les plus exigeants et intransigeants jeté sur les ténèbres de notre temps. La rétrospective organisée au Centre Pompidou aura permis de vérifier qu'il y a des regards qui sauvent autant qu'il y a des gestes qui protègent.

 

 

Le poète ne devient pas un fantôme après sa mort ; spectral, il l'est toujours déjà, écrivant. Voilà l'une des discrètes beautés dispensées par L'Homme qui penche dédié à Thierry Metz. Une autre beauté du film dévoile dans le manœuvre le paysan qu'il aura toujours déjà été, étant comme poète le gardien secret de la maison du langage et de l'être. Étant aussi bien le témoin d'une condition prolétaire dont l'urgence matérielle a toujours conditionné l'impossibilité pratique de la parole poétique.

 

 

Spider-Man : New Generation se présente comme un parfait Rubik’s Cube qui se distingue radicalement de la navrante politique de l’amnésie hollywoodienne asphyxiée par l’industrie du reboot. L’ambition est enlevée, plus grande que l’opportunisme des cautions théoriques, en poussant la propension schizoïde de l’homme-araignée à s’étoiler dans le labyrinthe quantique des univers parallèles – le multivers.