Elvis (2022) de Baz Luhrmann

Love Me Tender (de poulet)

Du style hyperbolique de Baz Luhrmann à l'hyperglycémie fatale au King, friture sur toute la ligne. Avec l'archive qui se substitue aux prothèses cosmétiques de la fiction, le faux dégorge à la fin du vrai : la friture kitsch a ses toxicos et la culture saturée, ses diabétiques souffrant d'obésité.

Les omelettes du king créole

 

 

 

 

 

45 ans après sa mort, trente millions pensent encore aux Etats-Unis que Elvis Presley est toujours vivant. Avec son nouveau film, Baz Luhrmann n'a pas cherché à les détromper, seulement à montrer que le mythe reste d'actualité. Comme d'habitude, l'auteur de Moulin Rouge n'y va pas par le dos de la cuiller, cassant à qui mieux mieux les œufs avec les spatules d'un style toujours hyperbolique. Elvis est déjà une icône fêlée dont les bavures mélangent le blanc et le jaune, Gatsby et Faust. Le chanteur de Love Me Tender est aussi un super-héros qui a fait le joint entre les publics et les musiques, noirs et blancs, country et rythm and blues.

 

 

 

Le king du rock'n'roll est un super-héros tombé du ciel et adopté, un demi-dieu créole : Superman ou Docteur Manhattan en vrai.

 

 

 

L'homme au déhanché qui à distance provoquait des orgasmes a mérité un autre surnom : Elvis le pelvis. Le magicien des sortilèges pelviens n'en est pas moins resté un enfant à la bouche en cœur qui n'a jamais pu faire le deuil de sa maman quand elle-même n'aura jamais réussi à faire celui de son frère jumeau mort-né, Jesse Garon. Il est resté également la gagneuse captive de son autre mère poule, le colonel Parker, manager et maître du manège, dresseur et bonimenteur, gras comme Elvis finira.

 

 

 

Comme dirait l'autre : à force de couver l’œuf, on le casse et l'homme à la voix d'or finit alors en omelette.

 

 

 

 

 

Colonel Sanders

 

 

 

 

 

L'omelette est baveuse en effet quand elle en profite pour sauver l'escroc à qui est alloué le droit de donner son point de vue explicitant ce que l'on supposait : la poule aux œufs d'or était d'abord droguée au mandat que quelques prêtres d'une église gospel lui avaient confié, celui de faire du rock un nouvel office planétaire, créole et païen. L'omelette l'est autrement en contredisant ses amorces critiques (l'hôtel International, cette prison dorée, cette friteuse comme on le verra) en reconnaissant dans les strasses de Las Vegas un sanctuaire originaire.

 

 

 

La vitrine d'orfèvrerie dédiée au Dionysos du rock a tout du déballage d'une verroterie kitsch, une camelote pailletée pour enfants gâteux et gâtés. La gâterie n'en finit pas alors d'épuiser tout son potentiel politique (Elvis en contemporain de Martin Luther King et Bobby Kennedy) et érotique (Austin Butler ne peut faire oublier tout ce qu'il doit à son écurie d'origine, celle du Disney Channel).

 

 

 

Quand un lapsus vend la mèche : à la fin d'un concert, Elvis remercie son manager en l'appelant non pas Parker mais Sanders. Le colonel Sanders est le héraut d'une chaîne de fast-food spécialisée dans le poulet pané. Le lapsus est assumé par l'acteur, Tom Hanks, qui s'était déjà amusé à imiter le colonel Sanders dans le remake oubliable de Ladykillers par les frères Coen. Ce lapsus pousse la fêlure de la coquille à libérer toutes les bavures possibles, dont celle-ci : la poule aux œufs d'or aura fini en poulet frit.

 

 

 

Du style hyperbolique de Baz Luhrmann à l'hyperglycémie fatale au King, friture sur toute la ligne. Avec l'archive qui se substitue aux prothèses cosmétiques de la fiction, le faux dégorge à la fin du vrai : la friture kitsch a ses toxicos et la culture saturée, ses diabétiques souffrant d'obésité.

 

 

 

24 juin 2022


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