Champ-contrechamp de 41 à 50

 

Love Affair et An Affair to Remember, l’original et le remake : en contrechamp la reprise qui fait la différence. Le remake avère ainsi qu’avec la reprise il y a un jeu des différences et des répétitions et il y a aussi l’amour qui vient en revenant au même, à chaque fois unique et toujours éternel. L’amour comme éternel retour, moins rengaine que ritournelle.

 

 

La Syrie a mal, on a pour elle le mal d'archive. C'est ainsi que l'on promet de garder son secret, aussi inavouable que la pulsion de mort qui s'acharne à le détruire. On se promet aussi que la Syrie, qui a eu un grand passé en ayant un si désolant présent, a encore de l'avenir, malgré tout. Faire des images de la Syrie : les images du temps de la guerre que rédimeraient les images tournées au temps de la paix ou les images du temps de la paix qui se regardent aujourd'hui comme l'anticipation du temps de la guerre.

 

(Retour à Reims de Jean-Gabriel Périot et Toute une nuit sans savoir de Payal Kapadia)

 

Ceux qui vivent, ce sont ceux qui luttent : le vers hugolien date de 1848, il n'aura jamais vieilli. Qu'est-ce que la lutte fait aux corps qui luttent ? La lutte est un façonnage désiré d'un multiple déjà là, l'événement d'un sujet collectif en émergence, une forme de vie au travail de la réorientation d'un rapport de pouvoir : un contre-pouvoir dont l'horizon est l'auto-émancipation. Passer d'un état d'assujettissement à la construction d'une forme de subjectivation est l'affaire de la vie des gens dont la politique est ce dehors qui devient un destin, inévitablement.

 

 

En 1986, Hollywood s'offrait corps et âme à redonner du lustre à l'impérialisme US écorné par le trauma d'une guerre perdue contre le Vietnam. Le ripolin publicitaire de Tony Scott faisait à nouveau rougeoyer les cieux et Tom Cruise crevait le mur du son. Le poster géant d'une adulescence fringante et triomphante avait alors valeur de propagande pour l'US Navy qui n'en demandait pas tant.

 

(Old de M. Night Shyamalan et Incroyable mais vrai de Quentin Dupieux)

 

Si le gâtisme est la vérité de fond du jeunisme, les enfants grandis trop vite sont des adultes tarés, des monstres privés de leur enfance en étant arrachés aux apprentissages nécessaires de la maturité. L'adulescence a aujourd'hui ses segments de marché qui sont des niches, elle équivaut aussi à l'infantilisation mercantile des adultes ratés.

 

(Le Jardin des Finzi-Contini de Vittorio De Sica et Monsieur Klein de Joseph Losey)

 

Le Jardin des Finzi-Contini (1970) de Vittorio De Sica d'après le roman éponyme de Giorgio Bassani. Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey d'après un scénario de Franco Solinas. On peut apprécier de concert les deux films en les considérant dans la perspective d'un champ-contrechamp critique, autrement dit dialectiquement : concernant le sort des juifs à l'époque du fascisme et du nazisme, Monsieur Klein oppose effectivement un démenti catégorique au Jardin des Finzi-Contini.

 

 

« Terra Australis Incognita » : longtemps en occident on a rêvé de l’Australie. Aristote et Ptolémée à l’époque de l’antiquité nommaient ainsi une contrée hypothétique dont ils supposaient qu’elle devait bien quelque part exister. Le 26 janvier 1788, la colonie pénitentiaire de Nouvelles-Galles du Sud est créée, c’est la première. La date du 26 janvier a été retenue depuis pour devenir celle de la fête nationale en Australie. L’Australie, une utopie ?

 

 

David Gulpilil a eu au fond les rôles qui n'auront parlé que de lui, l'initiateur dont les danses ont fait déboîter les mondes, l'éclaireur ouvrant la nuit de l'homme blanc sur d'immémoriales ombres, le pisteur à cheval entre les univers parallèles. Un être-entre-deux-mondes. Son nom dit son totem, le martin-pêcheur qui se traduit en anglais par kingfisher, le Roi pêcheur qui, dans le cycle arthurien, attend, blessé, la relève dans la garde du Graal.

 

(Il est plus facile pour un homme d'être une femme que pour une femme d'être elle-même)

 

Chez Howard Hawks (Allez coucher ailleurs, 1949) comme chez Billy Wilder (Certains l'aiment chaud, 1959), la comédie règne en n'excluant pas dans les coins qu'il y ait tragédie. Pour l'un, l'égalité des sexes facilite, avec la mascarade des genres, la préférence du masculin pour lui-même – pour le même. Avec l'autre, la parade révèle, avec l'imperfection masculine, qu'il est plus facile pour un homme d'être une femme que pour une femme d'être elle-même.

 

 

Le jour, parfois, n’oublie pas qu’il reste enfant de la nuit originaire, là où les solitudes algériennes abritent tantôt des bêtes schizophrènes, tantôt des machines célibataires. Dans la nuit dédaléenne des cavernes qui tracent en pointillé la sortie des plis du désert, des lignes singulières et irréductibles font l’exception des désœuvrements nécessaires.