Nazim Djemaï, ce qui touche et s'y dérobe

Nazim Djemaï est un cinéaste aussi immense que secret, un artiste à considérer enfin en reconsidérant ce qu'il y a de sidérant chez lui qui a tenu dans la paume de ses films les étoiles d'une incroyable carte de géographie comme une carte du ciel, Russie, France, Algérie.

 

L'amitié qu'il y a dans la sensibilité de ses films et leur hospitalité, c'est l'expérience de l'impropriété radicale, ce don qu'il nous a donné et redonné. L'impropriété est ce dont Nazim Djemaï a pris soin et il lui aura fallu pour cela un tact fou, fou, qui nomme l'approche respectueuse des secrets qui ne seront jamais percés. Un tact qui dit le contact d'un inappropriable, la plus petite distance face à ce qui reste cependant improfanable. La juste distance qui est la juste mesure de ce qui nous touche en se dérobant, toujours.

 

Nawna, je ne sais pas : un mantra.

 

Le tact fou de Nazim Djemaï nous touche tant à toucher ainsi aux franges tactiles du visible et de l'invisible qui est aussi l'inouï, qui est l'impossible et qui est l'impensable.

L'amitié

 

 

 

 

 

Vivre dans l'amitié consiste à répondre à l'appel des amis, un appel qui est une voix pareille à celle qui a toujours précédé la nôtre en nous assurant de la promesse qu'il y a encore à venir.

 

 

 

Quand l'amitié nous fait signe, on y répond avec en tête ceci : l'amitié est une condition de possibilité pour être au monde et tenter de vivre, pour faire du cinéma et faire de la philosophie.

 

 

 

L'amitié est une condition pour la vraie vie – elle en serait comme son étoile transcendantale – et pour en expérimenter la pensée à l'épreuve partagée de la philosophie et du cinéma.

 

 

 

Abbas Kiarostami et Jean-Luc Nancy, les films de l'un et les livres de l'autre racontent des histoires d'amitié dont les tissages font le textile parfois rapiécé de nos existences rhapsodiques.

 

 

 

Nazim Djemaï, certains ont connu l'ami, d'autres le connaissent dans l'amitié de ses films. C'est sous la condition de l'ami et de l'amitié de son cinéma que l'on peut se taire et que l'on peut parler aussi.

 

 

 

Mais l'amitié, qu'est-ce donc ? Un partage d'avant tout partage, le lieu sans lieu qui rappelle à notre être oublieux nos écarts originaires : l'expérience propre d'une impropriété radicale.

 

 

 

Nazim Djemaï est un cinéaste aussi immense que secret, un artiste à considérer enfin en reconsidérant ce qu'il y a de sidérant chez lui qui a tenu dans la paume de ses films les étoiles d'une incroyable carte de géographie comme une carte du ciel, Russie, France, Algérie.

 

 

 

L'amitié qu'il y a dans la sensibilité de ses films et leur hospitalité, c'est l'expérience de l'impropriété radicale, ce don qu'il nous a donné et redonné : impropriété de la naissance qui fait affleurer sous la couche de l'arctique canadien la plaque tectonique de la Russie (Nawna, une cosmogonie, une fata morgana susurrant Zabriskie) ; impropriété des sexes brimés et des sensualités recouvrées dans un jardin de roses clandestin à Alger (La Parade de Taos, un poème médiéval, un blason comme chez Robert Bresson) ; impropriété d'une raison dont la folie représente en son bord extrême la condition (À peine ombre, un oratorio dédié à une communauté sans communauté et l'abri concret de son utopie).

 

 

 

L'impropriété est ce dont Nazim Djemaï a pris soin et il lui aura fallu pour cela un tact fou, fou qui nomme l'approche respectueuse des secrets qui ne seront jamais percés. Un tact qui dit le contact d'un inappropriable, la plus petite distance face à ce qui reste cependant improfanable. La juste distance qui est la juste mesure de ce qui nous touche en se dérobant, toujours.

 

 

 

Toujours se dire Nawna qui veut dire en inuktitut je ne sais pas. Toujours se le répéter ce je ne sais pas, ce nawna qui est comme un mantra.

 

 

 

Le tact fou de Nazim Djemaï nous touche tant à toucher ainsi aux franges tactiles du visible et de l'invisible qui est aussi l'inouï, qui est l'impossible et qui est l'impensable.

 

 

 

 

 

L'ami

 

 

 

 

 

Nazim Djemaï a pu son impouvoir en ayant fait bon accueil et hospitalité à l'impossible. Sa vie en atteste comme une météorite, en témoigne la lumière fossile qu'irradient ses films. Et sa mort qu'il a pris pour aller sur une autre étoile comme, un jour, l'a écrit à son frère Vincent Van Gogh.

 

 

 

Justement, à la fin de Van Gogh (1991) de Maurice Pialat, Marguerite Gachet est comme une veuve de quinze ans et, au jeune peintre la tête déjà farcie de légendes et de mythologies qui lui demande si elle a bien connu Van Gogh, elle répond alors ceci : « Oui, c'était mon ami ».

 

 

 

 

 

10 septembre 2021


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