Les Petites marguerites (1966) de Věra Chytilová

Fières et gougnafières

Ah, les gougnafières ! Gourmandes et gourgandines, Marie et Marie se dévergondent. Coureuses et insatiables, elles font courir les vieux cons qui se suivent en payant cher pour trousser la volaille sous les jupes desquelles se cache une virginité aussi inflammable que du papier. Les dévergondées font tout pour faire sortir de ses gonds une société de consommation offrant à la voracité des vieux barbons le con des jeunes filles que le mariage n’a pas encore prostituées. Leur enfance est un attentat anarchiste contre la bienséance, l’insolence des petites filles qui délibérément se tiennent mal en mettant littéralement les pieds dans le plat.

 

Fières et gougnafières, les deux Marie ont la goinfrerie des origines, l’enfance qui reste à faire.

 

Marie I et Marie II détruisent et détruisent encore, elles festoient de la destruction du festin en étant l’une pour l’autre la spectatrice schizo et narcissique d’une fête destructive. En redoublant la destruction, les deux Marie figurent le miroir à deux faces de Věra Chytilová dont la passion créatrice est une passion destructrice.

 

La cinéaste moderne qui, comme Marx, prend les choses à leur racine sait bien que dans la gâterie, il y a le latin vastus qui a donné en français dévastation, il y a waste (le gaspillage en anglais) et Wüste (le désert en allemand), il y a aussi le ventre abritant toutes les gastrites. Les gougnafières sont des guérillères, elles déblaient. Ainsi elles ouvrent la voie et, comme Polichinelle, en chemin elles trouvent une sortie, l’échappée par le milieu qui est interruption, l’origine qui est notre enfance, le seul paradis.

Gougnafières et guérillères

 

 

 

 

 

Ah, les gougnafières ! C’est déjà un premier attentat contre le dictionnaire mais le duo des Marie du formidable film de Věra Chytilová nous y invite avec gourmandise. L’académie nous dit en effet, du ton patriarcal et docte qui lui sied, que gougnafier ne se décline qu’au masculin en qualifiant un rustre, un bon à rien. Le terme, populaire et dépréciatif, a fleuri dans la litière fertile de la paillardise en ayant pour voisin étymologique « gougnafiasse », synonyme de goinfre, qui est également un dérivé de « gougne », autre mot disparu signifiant à la fois prostituée et lesbienne, pute et gouine.

 

 

Le gougnafier est donc un bien drôle de monstre à deux têtes, le féminin s’y débat en grommelant sous le masculin et le mélange de désœuvrement, de grossièreté et de goinfrerie, instable et insatiable, fait un étrange attelage conduit par des prostituées qui n’aiment que leurs sœurs.

 

 

 

Les deux filles des Petites marguerites sont des gougnafiers – mieux, elles sont des gougnafières.

 

 

 

Marie et Marie, la blonde (Ivana Karbanová) et la brune (Jitka Cerhová), sont des bonnes à rien et elles décident de le prouver. Puisque le monde est à la dépravation, elles seront dépravées parmi les dépravés. Mais elles le seront innocemment, dans une innocence au-delà toute innocence qui est l’assomption joyeuse et incarnée d’une culpabilité répondant à une irresponsabilité impersonnelle et masculine, et dont les femmes héritent du legs issu d’une schizoïdie originelle, Lilith et Eve. Les deux Marie qui se font passer pour sœurs escroquent ainsi de vieux messieurs en faisant vibrer leur corde incestueuse, elles se font sortir d’un cabaret qu’elles chahutent après avoir consommé tant et tant sans avoir rien payé, elles alternent les pseudonymes en moquant leurs prétendants au téléphone qui ne savent plus à quel sein se vouer, elles jouissent de foutre la pagaille partout où elles passent et ça commence chez elles, on y revient toujours, vraie fausse tentative de suicide au gaz, guirlandes de papiers et saucisses flambées, bain débordant de lait. Dehors, les travailleurs vont au travail, ils les remarquent à peine, elles font pourtant tout pour se faire remarquer, les gougnafières. Le pompon est atteint quand le monte-charge qui relie un sous-sol à l’orchestre les dépose dans un grand salon offrant un festin qu’elles vont copieusement saccager avant de finir à l’eau sans être repêchées, elles sont impayables, impossibles, inqualifiables, infernales aussi. Elles reviennent pourtant nettoyer ce qui ne peut l’être, le mal est fait, tout est cassé, tout est souillé, puis grimpent dans un lustre et se balancent avant une nouvelle chute à laquelle répond l’explosion d’une mine.

 

 

 

Dans l’intervalle, les deux Marie auront ri et mangé, elles auront joui que l’infantile soit la parodie d’une faute originelle et féminine. Dans l’intervalle aussi, la machine à écrire tape ses rapports comme on mord dans la chair d’une pomme, et les archives des batailles aériennes de 1945 font monter de la mer jusqu’au ciel les dévastations et ruines d’une victoire des alliés sur les nazis dont on se demande si elle en aura été vraiment une.

 

 

 

Parce qu’il n’y a pas de faute mais seulement une origine, l’origine par où recommencer en partant du milieu qui est interruption dans le cours catastrophique des choses, le paradis dont la consommation organisée est son simulacre désastreux, avant l’enfance qu’il nous reste à faire.

 

 

 

Marie et Marie sont des gougnafières, autrement dit déjà des guérillères qui préfigurent de quelques années celles que décrira Monique Wittig. Elles font déjà en effet ce que les autres affirmeront avec éclat : « ELLES AFFIRMENT TRIOMPHANT QUE/TOUT GESTE EST RENVERSEMENT ».

 

 

 

 

 

La pomme à pleines dents

 

 

 

 

 

Ah, les gougnafières ! Gourmandes et gourgandines, Marie et Marie se dévergondent. Coureuses et insatiables, elles font courir les vieux cons qui se suivent en payant cher pour trousser la volaille sous les jupes desquelles se cache une virginité aussi inflammable que du papier. Les dévergondées font tout pour faire sortir de ses gonds une société de consommation offrant à la voracité des vieux barbons le con des jeunes filles que le mariage n’a pas encore prostituées. Leur enfance est un attentat anarchiste contre la bienséance, l’insolence des petites filles qui délibérément se tiennent mal en mettant littéralement les pieds dans le plat. Prodigues dans la souillure contre laquelle est censé les prémunir le refoulement social de leurs menstrues, les gougnafières sont des vierges abondantes dans la salissure qui est comme le « dripping » de Jackson Pollock : de la peinture jetée sur le voile marial des vertus dont la tradition exige qu’elles doivent être prioritairement féminines.

 

 

 

Gougnafières, Marie et Marie sont des goinfres en ayant la goinfrerie des origines, qui est l’enfance.

 

 

 

Marie et Marie sont les deux visages de Věra Chytilová. Schizoïdie mariale, dès l’enfance. C’est d’abord une éducation catholique sévère avec laquelle la cinéaste tchécoslovaque s’expliquera toute sa vie, maintes fois rejouant au cinéma la scène du paradis perdu, autre enfance, pour en déjouer le stigmate (la faute revient aux femmes) en délivrant du fruit défendu son noyau de comédie (la faute est une déconnade). Il y a de quoi rire en effet quand, relisant la Genèse, on voit que la fin de l’innocence édénique a pour raison l’accès à la connaissance, qui est le choix ou non de la liberté, en étant d’abord la réponse d’Eve à la suggestion du serpent et Adam n’aura fait en l’état que finir bon dernier. Věra Chytilová n’a pas cessé de rire, c’est-à-dire de mordre à pleines dents la pomme de la discorde en s’en mettant plein la lampe, d’abord en étudiant la philosophie et l’architecture, puis en travaillant comme dessinatrice, mannequin et retoucheuse de photographies de mode, jouant même du clap aux studios Barrandov de Prague. La cinéaste y aura puisé ses premières mastications, jouant du ciseau avant de tailler des croupières aux industries masculines faisant commerce des représentations du corps féminin, jouant du clap avant d’entrer dans la forteresse du cinéma tchécoslovaque, citadelle patriarcale. Elle intègre l’Académie du film de Prague (la FAMU), suit les cours d’Otakar Vávra, en sort avec un diplôme de réalisation, le premier obtenu par une femme.

 

 

 

Věra Chytilová mord à pleines dents le cinéma en jouant du ciseau plutôt que du tricot de Pénélope. Ses montages sont des griffures, écorchures de fillette, lacérations d’amazone. On y sent le travail incessant des coupes au nom d’un hétérogène rompant avec les continuités supposément naturelles, y compris au cinéma. La gougnafière est ainsi une artisane couturière qui partage une communauté de destin avec les ouvrières du textile de son troisième court métrage, Un sac de puces (1962). Dans son premier long intitulé Quelque chose d’autre (1963), elle est une dialecticienne qui colle côte à côte deux existences parallèles, celles de l’athlète et de la ménagère, pour évaluer ce qu’il y a de sportif mais de non spectaculaire dans le travail domestique, ce qu’il y a de corvéabilité aussi dans le travail de la gymnaste, enfin ce qu’il y a de commun dans l’exploitation masculine du travail féminin, visible et invisible. Avec Self-service Univers pour le film à sketchs Les Petites perles au fond de l’eau (1965), elle montre qu’elle est l’égale des autres participants Jaromil Jireš, Ivan Passer, Jan Němec et Evald Schorm, tous auteurs du film-manifeste de la Nouvelle Vague tchécoslovaque.

 

 

 

Les Petites marguerites sera son manifeste à elle, dédié à ses futurs censeurs qui l’empêcheront de travailler. Nous sommes alors à la veille du Printemps de Prague et son film, comme Au feu, les pompiers ! (1967) de Miloš Forman et La Plaisanterie (1968) de Jaromil Jireš d’après Milan Kundera, est interdit. Les Fruits défendus (1969) produit avec l’aide d’une société belge est une nouvelle variation sur le jardin d’éden, la fable est grinçante, le modernisme poussé à fond pour exaspérer le motif jusqu’à l’épuisement. En 1977, Věra Chytilová arrive à tourner un nouveau film, Le Jeu de la pomme, évidemment. La pomme, elle y aura croqué abondamment, les pépins qui font sur ses lèvres des grains de beauté. La bouche à pleines dents, une rangée avec les collages dada-surréalistes, une autre avec les montages qui sont des démontages anarchistes. On le voit aujourd’hui, Věra Chytilová est la contemporaine des coq-à-l’âne de Jean-Luc Godard et des marabouts de ficelle d’Agnès Varda (et puis ses deux Marie sont les frangines tchécoslovaques des deux Brigitte de Luc Moullet). Elle est aussi l’autrice de « femmages » à l’instar de ceux qui ont été répertoriés par Miriam Shapiro et Melissa Meyer en 1977-1978 afin de valoriser les pratiques hybrides de peinture et de collage inventées dans l’espace domestique par des femmes qui n’avaient jamais été reconnues comme des artistes, et auxquelles il aura fallu rendre « femmage ».

 

 

 

Les Petites marguerites est un film qui tient aussi du « femmage » en avérant à coup de ciseaux, disjonctions et sautes des photogrammes, les liaisons dangereuses de l’anarchisme et du féminisme, des sauteries qui sont des danses explosives, les ballets des boulets d’obus aussi ventrus qu’Ubu.

 

 

 

 

 

Goinfrerie à tous les étages

 

 

 

 

 

Fières et gougnafières, les deux Marie ont une passion créatrice, la destruction, qui a plus à voir avec l’anarchisme de Mikhaïl Bakounine qu’avec Joseph Schumpeter et son éloge du capitalisme. Une troisième gougnafière se joint à elles en formant un triangle féministe, Věra Chytilová qui machine sa schizophrénie à tous les étages, les collages pop d’Andy Warhol et les tartes à la crème de Mack Sennett, les clowneries de Charlot et les photomontages de John Heartfield, le montage des attractions de Sergueï Eisenstein et l’humour des films de marionnettes de Jiří Trnka, les timelapses psychédéliques et les collages de photogramme en accéléré confinant à l’abstraction, au pré-cinéma et donc à l’animation (l’époque est, après Jiří Trnka, aux débuts de Jan Švankmajer). On imagine encore la cinéaste éberluée par la séquence du début de Pierrot le fou (1965) de Jean-Luc Godard, la fameuse soirée chez Monsieur et Madame Espresso, avec ses filtres monochromes et ses tableaux frontaux, ses citations publicitaires et sa bataille de gâteau suivie par un feu d’artifices nocturne. Sans oublier Marianne Renoir dont le désœuvrement (« Qu'est-ce que je peux faire ? Je sais pas quoi faire ») est un hymne à la paresse (voir un droit préconisé par le neveu de Marx, Paul Lafargue) repris par les deux Marie qui en ont ras-le-bol de travailler, marre d'être exploitées.

 

 

 

Les Petites marguerites est un fête qui culmine dans un festin, une goinfrerie jusque dans la forme. La sororité des voracités est la béance d’un trou féminin avalant du masculin pour en excréter les boudins. La gâterie des sociétés du capitalisme avancé, à l’est comme à l’ouest, est un gaspillage éhonté, c’est une économie de guerre dispendieuse qui a eu pour précédent la Seconde Guerre mondiale en ayant pour nouveau développement une consommation massive et ostentatoire vérifiant que le soviétisme aura moins été un communisme réalisé qu’un réel capitalisme monopoliste d’État.

 

 

 

Věra Chytilová montre un culot sans pareil. Ses deux marguerites s’effeuillent en se dévergondant elles touchent ainsi aux limites de la représentation, qui se montre comme telle à coups de regards-caméras et de raccords facétieux en exposant également qu’il y a des interdits de la représentation comme la jouissance infantile à détruire la nourriture. Et le scandale dans le gaspillage alimentaire s’en double d’un autre quand il l’est moins que la guerre, son archive et sa représentation spectaculaire. Le pari esthétique de Věra Chytilová, qui est un défi politique toujours actuel, tient dans la radicalité du caractère destructeur caractérisant la modernité. L’artiste moderne a la hantise du négatif, il voit partout s’accumuler les ruines, la destruction est ce qu’il assume et la rejeter dans la sphère de l’art au nom de consensus aussi vieux que les barbons et autres vieux cons devrait induire logiquement son rejet dans les autres sphères de la vie humaine. Hors, ce n’est pas le cas.

 

 

 

Les Petites marguerites est une ode au caractère destructeur comme Walter Benjamin en a si bien parlé, ce caractère « qui ne connaît qu’un seul mot d’ordre : faire de la place ; qu’une seule activité : déblayer. Son besoin d’air frais et d’espace libre est plus fort que toute haine ». Les gougnafières sont jeunes et enjouées, détruire qui est leur réjouissance les rajeunit en leur permettant notamment d’effacer les traces de leur âge (comme infantiles, elles sont l’origine du monde, l’enfance qui est un paradis d’avant le paradis). Les dévergondées ne souhaitant pas être comprises, le malentendu est pour elles un destin qui s’assume, une provocation qu’elles imposent au nom d’une méfiance insurmontable devant le cours ordinaire et désastreux des choses. On peut aussi se fier à elles qui s’empressent de constater à chaque instant que tout peut mal tourner. Rien n’est durable pour les guérillères qui voient des chemins s’ouvrir partout, c’est pourquoi elles déblayent, grossièrement souvent, non moins noblement. Elles démolissent en effet « non pour l’amour des décombres, mais pour le chemin qui les traverse ». Leur caractère destructeur « n’a pas le sentiment que la vie vaut la peine d’être vécue, mais que le suicide ne vaut pas la peine d’être commis ».

 

 

 

Marie et Marie détruisent et détruisent encore, elles festoient de la destruction du festin en étant l’une pour l’autre la spectatrice schizo et narcissique d’une fête destructive. En redoublant la destruction, les deux Marie figurent le miroir bifrons et biface de Věra Chytilová dont la passion créatrice est une passion destructrice. La cinéaste moderne qui, comme Marx le lui a appris, prend les choses à leur racine sait bien que dans la gâterie, il y a le latin vastus qui a donné en français dévastation, waste (le gaspillage en anglais), Wüste (le désert en allemand), il y a aussi le ventre abritant toutes les gastrites. C'était déjà celui de Pandore, (première) femme offerte par les dieux à Épiméthée, réduite à son ventre insatiable et ses propensions au gaspillage. C’est pourquoi Věra Chytilová est une artiste radicale qui mord à pleines dents dans la viande de toutes les contradictions, économie de guerre et le consumérisme qui en est l’inavouée continuation, consommation et la prostitution qui en représente le versant patriarcal et incestueux, capitalisme occidental et sa version orientale et mimétique qu’aura été le capitalisme monopoliste d’État, archives des ruines de la guerre et ruine à venir du film pressenti par son autrice qui anticipe la guerre de la censure en le dédiant « à ceux qui s'énervent sur un seul lit de laitue piétiné ».

 

 

 

 

 

De la destruction comme élément de l’histoire naturelle

 

 

 

 

 

Où est le scandale, alors ? Dans le gaspillage des Petites marguerites ou dans celui dont le film de Věra Chytilová offre anarchiquement la parodie ? Parce que la comédie dont les accents burlesques nous font rire de toutes nos dents a, logé au fond de la gorge, un noyau de sérieux qui est le réel insupportable d’un capitalisme planétaire et autophage, le réel d’un auto-cannibalisme sans limite.

 

 

 

Il faut revoir Les Petites marguerites et se redire comment la destruction a été le ventre d’une passion pour la destruction de la destruction ayant caractérisé les années 60, et le cinéma moderne tout particulièrement : autophagie partagée dans Week-end (1967) de Jean-Luc Godard, Porcherie (1968) de Pier Paolo Pasolini et Macunaïma (1969) de Joaquim Pedro de Andrade, cuisine saccagée et suicide au gaz à la fin de Saute ma ville (1968) de Chantal Akerman, explosion de la maison moderne en paradigme de la société de consommation pour le finale spectaculaire de Zabriskie Point (1970) de Michelangelo Antonioni, pellicule brûlant à la fin de Persona (1966) d’Ingmar Bergman (et il y est déjà question de schizoïdie féminine), du Départ (1967) de Jerzy Skolimowski et de Macadam à deux voies (1971) de Monte Hellman, suicide par indigestion des bourgeois de La Grande bouffe (1973) de Marco Ferreri, etc.

 

 

 

« De la destruction comme élément de l’histoire naturelle » : c’est le titre d’un ouvrage du romancier W. G. Sebald qui, à la suite de trois conférences prononcées à Zurich en 1997, a tenté d’approcher un tabou littéraire, celui des bombardements ayant frappé la population civile allemande à la fin de la Seconde Guerre mondiale, et dont les traumatismes sont restés verrouillés par le poids d’une faute dans la responsabilité d’une guerre incombant au régime qu’elle aura soutenu. Penser la difficulté à évoquer des atrocités au risque de relativiser et banaliser les horreurs perpétrées par les nazis a été considéré par certains comme un scandale, pour qui penser est en soi toujours déjà scandaleux. Toutes choses égales par ailleurs, le film de Věra Chytilová a scandalisé aussi pour avoir organisé une parodie de scandale (le saccage enfantin, ludique et cathartique d’un festin bourgeois) aux yeux de ceux qui, y étant impliqués, ne veulent évidemment rien entendre des rapports existant entre guerre économique et guerre tout court, dépense militaire et dépense somptuaire, consumérisme et militarisme, consommation et prostitution, à l’est comme à l’ouest.

 

 

 

Il faut revoir Les Petites marguerites en pensant évidemment à leurs sœurs de Céline et Julie vont en bateau (1974) de Jacques Rivette. En pensant aussi à leur grand frère, Polichinelle, à l’école de qui nous avons appris que si la vie est une comédie, parfois féroce, le secret pour la supporter est de trouver une sortie, une échappée par le milieu qui est interruption – vers l’origine qui est l’enfance.

 

 

6 septembre 2022