Giorgio Agamben, philosophe

Singulier, quelconque, exemplaire

Pouvoir notre impuissance est une fête, c'est une promesse sabbatique quand l'époque a la passion de l'apocalypse. Penser est une aventure et un divertissement, une trouée pour un échappatoire, une interruption pour une bifurcation. Un pas de côté pour rendre justice aux oubliés, désœuvrer ce qui nous accable et libérer dans de nouveaux usages des puissances insoupçonnées.

C'est ainsi qu'avec Giorgio Agamben nous sommes contemporains en affrontant la division des temps dans chaque présent, et en sauvant la part de non-vécu en chaque instant.

Au début des années 1960, Giorgio Agamben fait une thèse sur Simone Weil. Il a alors pour fréquentations Elsa Morante et Pier Paolo Pasolini. Il joue d’ailleurs pour ce dernier l'apôtre Philippe dans L'Évangile selon saint Matthieu en 1964 avant de participer deux ans plus tard aux séminaires que Martin Heidegger donne au Thor chez René Char. Il a alors 22 ans. Une décennie plus tard, ses amis sont Guy Debord, Italo Calvino et Pierre Klossowski. Il introduit en Italie la pensée du premier et traduit les œuvres de Walter Benjamin, l'un de ses auteurs de chevet. Son premier ouvrage traduit en français est Stanze. Parole et fantasme dans la culture occidentale en 1981.

 

 

 

 

 

 

La règle du droit et la norme de ses exceptions

 

 

 

 


Lecteur assidu de Paul de Tarse et d'Aby Warburg, de Herman Melville et de Martin Heidegger, de Carl Schmitt et de Michel Foucault, Giorgio Agamben est doté d'une érudition philologique qui, mariée à la patience de l'analyse, a renouvelé en profondeur le paysage de la pensée occidentale. Le labeur herméneutique s'est exercé sur plusieurs plans, celui d'une compréhension anthropologique des arts, de la théologie, des usages et des manières, en témoignant d'une rigueur qui fait le sédiment d'une écriture classique, raffinée et au fond peu jargonnante. L'atelier de pensée de Giorgio Agamben aura fini par accoucher progressivement d'une archéologie de la modernité verrouillée autour d'une conception du droit dont le socle théologique demeure largement impensé.

 

 

 

La trentaine d'essais rédigés depuis plus de quarante ans déploient une vaste constellation dont le soleil noir demeure l’irradiant Homo Sacer qui regroupe neuf volumes publiés entre 1998 et 2015 en dépassant les 1.300 pages. Parmi tous les dispositifs existants qui capturent nos puissances, le droit est une machine parmi les plus sophistiquées. C'est en fait une machine de guerre qui, dans la suite des critiques déjà avancées par Hannah Arendt après 1945, divise en chaque individu la vie nue (zoé) et l'existence reconnue politiquement (bios). Exposés à la souveraineté d'un pouvoir qui fait de l'exception sa règle, les individus dotés de droits peuvent à tout moment les perdre en rejoignant la condition de paria dont la vie est superflue, au-delà même du sacrifiable (d'où le terme d'homo sacer qui est une catégorie juridique issue du vieux droit romain).

 

 

 

Parce que le droit fabrique aussi la possibilité du contraire, le camp s'impose dès lors comme un nomos pour la modernité, autrement dit l'un de ses dispositifs privilégiés. Sur ce plan-là, le philosophe italien dont l'ontologie se méfie des sciences humaines rejoint cependant les historiens contemporains comme Johann Chapouteau qui ont autrement démontré qu'il n'y avait pas de rupture juridique fondamentale entre le libéralisme et le nazisme.

 

 

 

 

 

 Contre la volonté et ses devoirs,

 

la puissance de son impuissance

 

 

 

 

 

Face à ce risque continuel que ne cessent d'amplifier les législations d'exception, notamment aujourd'hui en temps de terrorisme et désormais de crise sanitaire, Giorgio Agamben met l'accent sur l'éthique du désœuvrement qu'il reconnaît entre autres dans les communautés franciscaines et la figure littéraire du scribe Bartleby. Mais aussi dans l'amour qui est une zone de non-connaissance sans condition et dans l'amitié qui n'est pas une volonté qui commande des devoirs mais un partage d'avant tout partage, l’ouverture d’une impropriété qui est une passivité fondamentale obscurcie par tous les activismes et tous les volontarismes. Mais encore dans les gestes que recueille le cinéma, surtout muet et burlesque, qui sont moins des actes de communication que les signatures d’une pure communicabilité. Comme dans le poème également, qui délivre le langage de la fonction de communication en vertu du soin donné aux noms.

 

 

 

Autrement dit, le désœuvrement est une forme assomptive d'impuissance parce que, relectures d'Aristote obligent, la puissance de faire se double toujours aussi d'une puissance de ne pas faire. Une puissance de ne pas ne pas faire : « Je préférerais ne pas » comme le dit l'ange Bartleby, celui qui n’écrit « rien d’autre que sa puissance de ne pas écrire ».

 

 

 

Devant l'enfer pavé de bonnes intentions que construisent par volontarisme forcené les activistes de l'économie désencastrée et les sujets de la déception dont ils tirent la passion addictive et toxique de leur ressentiment, le philosophe italien voit notre rédemption dans ce qu'il nomme donc le désœuvrement, à savoir la puissance-de-ne-pas-ne-pas, celle que déploient des formes-de-vie qui ne sont pas des existences réglées par une norme extérieure mais des vies qui coïncident avec leurs formes.

 

 

 

 

 

 

Nudités, 

 

le secret du désœuvrement exposé

 

 

 

 


En dix leçons intempestives, Giorgio Agamben fait sortir de ses gonds le contemporain en le rappelant à sa division originaire, pour laquelle l'actuel est obscur et lumineux l'inactuel. Avec Nudités (éd. Payot & Rivages, 2009), penser l'époque est une fête dédiée à la curiosité en invitant à ne pas coïncider avec elle qui a la passion pour l'apocalypse.

 

 

 

Ici, Venise est un modèle de cité larvaire dont la rumeur est une langue morte, de moins en moins déchiffrable. Là, le K de Kafka est le sujet d'un procès qui ouvre le droit sur un vide consubstantiel auquel répond le désir de celui qui intente un procès calomnieux contre lui-même, moins pour se libérer de la honte que pour délivrer la honte qui manque à un monde sans esprit parce que sans vergogne. Ailleurs, les progrès de la biométrie dissocient l'identité de la personne dont le masque se voit renvoyé aux oubliettes de la culture qui se confond avec une accumulation d’antiquités. La nudité sur laquelle renchérit la pornographie publicitaire est l'exposition paradoxale d'un mystère renforcé, impossible à percer, inappropriable. La profanation ne s'accomplit pas jusqu'au bout tant qu'elle ne se comprend pas comme une restitution radicale à l'usage commun. La fête comme celle du Shabbat est enfin le moment de déposition de l'utile au nom des usages du désœuvrement.

 

 

 

Désœuvrement : le concept est important, déterminant pour la pensée de Giorgio Agamben. Le temps qui reste est, avec la suspension des opérations, une émancipation de leur économie. Le temps qui reste est à la gloire des désœuvrés qui substituent déjà au travail subordonné un libre usage de soi et du monde.

 

 

 

 

 

L'Aventure, 

 

le génie de l'existence (l'événement)

 

 

 

 

 

Une tradition antique fixée par l'encyclopédiste Macrobe explique comment les existences sont soumises à quatre génies tutélaires présidant à leur accomplissement. Le carré des divinités intermédiaires se présente ainsi : Anankè dit la nécessité, c'est la personnification de la fatalité ; Daïmon indique la puissance cosmique et inconnue qui cause en mettant en mouvement, c'est la personnification de ce que l'on nommera plus tard aussi l'inconscient ; Éros nomme un mélange primordial de fougue physique et de fidélité spirituelle, c'est la personnification de l'amour ; Tyché est la contingence devenue chance, c'est la personnification du hasard entendu comme bonne fortune. Quatorze siècles plus tard, Goethe a relu la tradition en proposant d'ajouter au divin carré des divinités tutélaires une cinquième figure : Elpis, personnification de l'espoir et de l'attente.

 

 

 

Comme un corps sain se comprend au Moyen-Âge par la composition subtile d'humeurs fondamentales, le sens d'une existence se juge à l'aune d'un carré divin haussé en quinte à l'époque romantique. Le génie d'une existence tient donc dans les rapports mouvants de la nécessité et de la chance, de l'inconnu et de l'amour, de l'espoir aussi bien. L'existence est tumultueuse et plurielle en étant ainsi tributaire du montage complexe, mobile et conflictuel de son génie dont l'un des aspects, qui est un visage autant qu'un masque, est ce qui mérite d'être davantage honoré en fonction des plis et tournants que prend l'existence. C'est pourquoi l'existence se comprend aussi comme une aventure quand elle est disposée à faire accueil à ce qui vient, imprévisiblement.

 

 

 

L'existence a le génie de l'aventure quand lui arrive l'événement.

 

 

 

De la tradition antique à la tradition médiévale et leurs relectures romantiques, Giorgio Agamben montre dans L'Aventure (éd. Payot & Rivages, 2016) une inspiration philosophique continue qui a pour station contemporaine déterminante le stoïcisme deleuzien en plaçant l'existence sous la condition éthique de l'événement. L'événement ne désigne pas un contenu substantiel mais une manière d'être, un type d'ethos. L'événement se distingue ainsi de l'accident : l'imprévu qui se produit est une chose, l'imprévisible qui arrive à quelqu'un en l'obligeant à en tirer des conséquences en est une autre. L'événement invite ainsi aux bifurcations subjectives. Avec les contingences contre-effectuées en hasards nécessaires, la fatalité se voit retournée en destin. Giorgio Agamben ne peut alors s'éviter de citer la grande formule de Gilles Deleuze frottée aux lectures profondes de la poésie de Joë Bousquet : « L’événement n’est pas ce qui arrive (accident), il est, dans ce qui arrive, le pur exprimé qui nous fait signe et nous attend ».

 

 

 

Ce qui arrive m'arrive et ce qui fait alors signe à mon existence me sollicite en m'incitant à y répondre en en portant témoignage avec mon existence.

 

 

 

Giorgio Agamben peut dès lors s'autoriser à réécrire la formule deleuzienne ainsi : « Vouloir l’événement signifie simplement le sentir comme sien, s’y aventurer, c’est-à-dire se mettre intégralement en jeu en lui, mais sans qu’il soit besoin de quelque chose comme une décision ». On saisira mieux ici la qualité d'une pensée qui accorde à la passivité un rôle essentiel en lui donnant une nouvelle force conceptuelle avec le concept de désœuvrement. L'existence désire l'événement, elle y répond en s'y aventurant, expérimentant avec son indétermination ses puissances et ses possibilités. L'éthique est le champ philosophique qui rappelle aux questions existentielles qu'elles ont pour réponses circonstanciées des formes expérimentales exigeant leur langage propre, des bricolages pas que symboliques qui se jouent aux quatre coins d'une antique tradition dont les instances (Ananké et Daïmôn, Éros et Tychè) sont les faces du génie auquel, tardivement, le romantisme a ajouté l'espoir.

 

 

 

Le génie serait alors comme le polygone étoilé des existences dont les événements font les bifurcations qui sont les conséquences que l'on peut dire et penser, même à l'épreuve de l'indicible et l'impensable. Même quand l'événement est innommable. Une grande série contemporaine a proposé à cet égard des images inoubliables de ce polygone étoilé des existences traversées par l'événement qui les dépasse : The Leftovers (2014-2017) de Tom Perrotta et Damon Lindelof.

 

 

 

L'événement d'une existence quelconque, cette existence même en soutient le dire qui, singulièrement, expérimente avec la passivité essentielle la face ou le côté impersonnel de l'événement. Ce n'est ici pas un moi qui veut et décide impérativement ce qui doit lui arriver nécessairement quand il m'arrive quelque chose, imprévisiblement, quelque chose qui m'arrive et me dépasse, infiniment. Je ne suis qu'en devenant ce qu'il m'arrive.  Entre « je » et « il » il y a un écart, une division interne qui est une césure éclairée par l'écriture poétique. Être digne de ses événements consiste ainsi à s'en remettre à l'ouvert. Vivre dans l'attente (Elpis) qu'il m'arrive quelque chose, c'est vivre l'imprévisible (Daïmôn) qui est l'excès pensable dans l'intervalle des contingences (Tyché) et des nécessités (Ananké). Le génie de l'existence se confond ainsi avec la dignité de ses événements.

 

 

 

Être digne de ses événements c'est, enfin, être digne de l'amour (Éros) qui demande à ses aventuriers de le suivre même s'ils ignorent la voie empruntée, pareille au chemin du poème d'Antonio Machado que le marcheur invente et trace seulement en marchant.

 

 

 

 

 

« Là où il y a catastrophe, il y a échappatoire »

 

 

 

 

 

Polichinelle a un secret que Giorgio Agamben a récemment rappelé à l’occasion de la publication de l’un de ses ouvrages les plus singuliers, Polichinelle ou Divertissement pour les jeunes gens en quatre scènes (éd. Macula, 2017, 108 p.). C’est comme une repentir tardif mais décisif, une confession philosophique écrite à l’heure où, souvent taxé de pessimiste radical n’ayant d’yeux que pour l’apocalypse qui viendrait moins qu’elle serait déjà là, le penseur de l’état d’exception voudrait désormais que ses derniers travaux « ne fussent point trop lourds, mais joyeux et teintés d’un air de plaisanterie » parce que, après tout, « la comédie est plus ancienne et plus profonde que la tragédie » (p. 7).

 

 

 

Quel est donc le secret du valet napolitain Pulcinella, fainéant et moqueur, joueur et indifférent, insolent et innocent, difforme et mangeur de gnocchis, qui doit alors attester la joie de teinter désormais la philosophie d’un air de plaisanterie ? « Le secret de Polichinelle est que, dans la comédie de la vie, il n’y a pas de secret, mais seulement, à tout instant, une échappée » (p. 92).

 

 

 

La vie n'est pas la tragédie sanctionnant des destins fautifs, c'est un carnaval qui parodie les procès qu'on lui intente. La vie est une comédie qui repose moins sur un secret que sa vérité se tiendrait sur la ligne d’une fuite, une bifurcation en guise de raccourci, diagonale ou transversale. « Dans la vie des hommes tel est son enseignement la seule chose importante est de trouver une sortie. Vers où ? Vers l'origine. Parce que l'origine est toujours au milieu, elle ne se donne que comme interruption. Et l'interruption est échappatoire » (p. 34). Le divertissement se voit ainsi pris au mot, comme un avertissement à l'adresse des jeunes gens sur la nécessité des sorties et des fugues, des échappées belles et des chemins traversiers l'origine retrouvée au milieu dans ses puissances d'interruption.

 

 

 

Giorgio Agamben propose un montage digne de ses maîtres Aby Warburg et Walter Benjamin, où l’analyse des dessins et tableaux du peintre vénitien Giandomenico Tiepolo (agrémentés entre autres de ceux de son père Giambattista Tiepolo) s’apparente à une promenade iconologique croisant la fugue évocatrice personnelle, le dialogue imaginaire entre la figure de la commedia dell’arte et l’hommage au vieux peintre au moment de la chute de la République de Venise en 1797 couchée devant Bonaparte. C'est en pensant à Polichinelle comme à un frère considéré depuis les dessins et fresques de Venise ou Zianigo qu’il lui dédie dans son Divertimento per li Ragazzi. Polichinelle rappelle au peintre mélancolique et à sa suite le philosophe qui ne l’est pas moins, le second qui regarde le premier considérant Polichinelle qui contemple son masque, qu’il y a à rire et à s’échapper malgré tout. Rire pour interrompre l’état des choses et le cours du temps. Rire pour fuir en diagonale les servitudes dentelées de l'action imposée et du caractère hérité.

 

 

 

Le sens de la première exergue du Polichinelle de Giorgio Agamben ne se comprend qu'à l'aune de sa seconde exergue. Oui, la vie est toujours disponible à la philosophie, Plutarque a raison de le dire, mais seulement aussi parce que Polichinelle en incarne la vérité : « Ubi fracassorium, ubi fuggitorium là où il y a une catastrophe, il y a une échappatoire » (pp. 5 et 34).

 

 

 

Rire est un soulèvement, le désœuvrement de nos actions pour une vie nouvelle. Une nouvelle éthique ouverte au possible, une forme de vie qui donne à nos corps des usages qui ne sont plus ceux de la vie naturelle ou du droit. Le rire de Polichinelle est une langue inconnue, une voix inouïe qui touche au noyau d'incommunicabilité logé au cœur du langage. Son rire est un pas de côté (une parabase) et ses lazzis une interruption pour une échappée vers l'origine devant nous, au milieu. Rire pour tracer un chemin de traverse comme un masque de bouffonnerie parce que la comédie est plus profonde que la tragédie, et si proche de la philosophie au point de se confondre avec elle.

 

 

 

Le secret de Polichinelle est qu’il n’y a pas de secret. Sa vie est la nôtre, nous qui ne vivons pas parce que, seul, Polichinelle peut vivre. Il n’y a pas de secret, seulement l’échappée de la comédie de la vie. On reconnaît le rire de Polichinelle dans le cinéma de Claude Chabrol quand, dans Les Bonnes femmes (1960), le serveur d’un restaurant répond à qui demande un mystère qu’il n’y en a pas. La vie vécue ainsi, dans l'indistinction de sa possibilité et de son impossibilité, en-deçà comme au-delà des paroles et des actions, dans le désœuvrement du caractère dénaturalisé en étant assumé comme apparence et facticité. Ce reste de vie non vécue qui n'est ni la tragédie d'une assomption ni la comédie d'une imitation mais le masque indifférent de leur coïncidence. Vivre sa biographie comme un divertissement. Vivre sa vie, ainsi, « simplement, immédiatement, immémorialement en la contemplant, pour ainsi dire, les yeux fermés. » (p. 92).

 

 

 

 

 

La communauté qui vient, 

 

singulière, exemplaire, révolutionnaire

 

 

 

 


L'historien de l'art Georges Didi-Huberman et l'économiste Frédéric Lordon ont entre autres proposé des critiques légitimes au projet philosophique de Giorgio Agamben. Le premier en insistant à raison sur la radicalité du pessimisme ontologique du philosophe italien au point de réduire le champ des possibles. Le second en montrant qu'il y a en effet des soustractions et des retraits dont le dandysme qui participe à renforcer une vision de l'émancipation anarchiste mais élitaire révèle une impuissance qui se dépossède elle-même de la puissance nécessaire à abattre les dominations massives et concrètes de l'État et du capital.

 

 


Il n'empêche, la communauté qui vient ne sera pas composée d'individus réduits à la somme de leurs marques identitaires, biologiques, nationales ou culturelles, mais peuplée des singularités quelconques qui ne seront exemplaires que d'elles-mêmes,
des êtres tels que nous importera leur quel. Seules les singularités quelconques ont, à l’enseigne de Polichinelle, l'entière garde de notre humanité parce qu'elles peuvent notre impuissance. En divisant les temps dans chaque présent pour rendre justice aux oubliés, et en sauvant la part de non-vécu en chaque instant, les singularités quelconques battront les premières mesures de la révolution à venir, du communisme qui est déjà là mais reste encore imperceptible.

 

 

 

C'est à cet égard que Giorgio Agamben est un philosophe contemporain, réellement contemporain. Exemplairement. Parce qu'il « perçoit l’obscurité de son temps comme une affaire qui le regarde et n’a de cesse de l’interpeller, quelque chose qui, plus que toute lumière, est directement et singulièrement tourné vers lui. Contemporain est celui qui reçoit en plein visage le faisceau de ténèbres qui provient de son temps » (Qu'est-ce que le contemporain ?, éd. Payot & Rivages, 2008, p. 22).

 

 

 

 

4 août 2021


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