Jean Narboni, La Grande illusion de Céline (éd. Capricci, 2021)

Malaise dans l'identification

Jean Narboni est critique de cinéma depuis plus de cinquante ans. Il l'est même avec une manière d'intensité renouvelée quand il s'attelle aujourd'hui à revoir un classique (La Grande illusion de Jean Renoir, 1937) en l'extrayant de son capitonnage canonique au nom d'une polémique à laquelle le film a été naguère associé et en regard de laquelle n'est pas en reste notre actualité.

 

Avec La Grande illusion de Céline, le retour aux chefs-d'œuvre s'accomplit en réponse aux brûlantes pressions d'un présent qui reconnaît dans les discussions du passé des ressources aidant à éclaircir certains assombrissements du moment. La critique de cinéma est grande quand elle tient les bords de l'historique (le film, son contexte et le texte de ses vies ultérieures) et du contemporain (le présent en tant qu'il est celui de ses divisions, proximité avec l'origine et discordances intempestives).

 

Aidé par une méthode originale, digressive et rhapsodique, le critique de cinéma est alors un vrai contemporain, il est notre contemporain quand il « est en mesure d'écrire en trempant la plume dans les ténèbres du présent ».

Un critique contemporain

 

 

 

 

 

La critique de cinéma fatigue. Plus souvent qu'à son tour, elle se montre incapable de saisir le pouls de l'époque à partir des pulsations du présent qui font le battement des films, les mauvais comme les bons. Critique est un terme dévalué quand la subtile essence du substantif se dissout dans les usages et mésusages des corporations qui s'en réclament en tirant profit de l'institutionnalisation de l'exercice du jugement de goût. Critique, le mot n'en reste pas moins beau quand il est rapporté aux étoilements qui éclatent notre présent ressaisi selon un double versant, à la fois actuel et inactuel.

 

 

 

Critique est en effet l'étoile d'une vaste constellation étymologique (le verbe grec krino signifie tout à la fois trier et trancher, cribler et tamiser, attribuer et apprécier, expliquer et juger, décider et sécréter). Qui rappelle déjà la séparation des grains qu'accomplit avec la récolte le paysan (c'est un geste technique, geste culturel en étant toujours déjà agricole). Qui relie aussi la crise du malade au jugement médical qui diagnostique la maladie (c'est l'interprétation symptomatologique conditionnant l'administration d'un soin et d'une thérapeutique). Qui invite enfin le sujet moderne à penser ce qui le met en crise et qui appartient en vérité à la modernité elle-même (c'est un impératif éthique qui fait la suture entre esthétique et politique). Sans oublier l'un des secrets de la critique (krino a donné le latin cerno), soit le petit grain que l'on garde précieusement par-devers soi.

 

 

 

Jean Narboni a été critique de cinéma. Il entre aux Cahiers du Cinéma en novembre 1963 puis, après Mai 68, en assume la rédaction en chef en rejoignant Jean-Louis Comolli, l'ami du ciné-club d'Alger animé pendant les années 50 par Barthélémy Amengual. Jean Narboni est resté critique, même après son départ de la revue en 1974 quand il laisse alors la main à Serge Daney. Il l'est resté en continuant à écrire à plusieurs occasions pour les Cahiers mais également pour d'autres revues, entre autres la revue de la Cinémathèque et Trafic. Il l'est resté encore en initiant à la fin des années 70 pour les Cahiers une collection de hors-séries suivie par une autre, la collection « Cahiers du Cinéma » accueillie en 1980 par les éditions Gallimard, en participant à la publication notamment de La Chambre claire de Roland Barthes, de La Rampe de Serge Daney et d'Un homme ordinaire de cinéma de Jean-Louis Schefer. Il l'est resté d'une certaine façon aussi comme enseignant, d'abord à Vincennes puis à la Fémis. On devra encore citer sa participation au film collectif L'Olivier (1976) aux côtés d'Ali Akika, Guy Chapoullié, Danièle Dubroux, Serge Le Péron et Dominique Villain, ses livres d'entretiens (avec Samuel Fuller et Luc Moullet), ses directions d'ouvrages (portant sur Ernst Lubitsch), ses éditions de recueils d'articles (de Jean-Luc Godard, de Jean Douchet et d'Eric Rohmer) et ses propres essais (à propos du cinéma de Mikio Naruse et d'En présence d'un clown d'Ingmar Bergman, au sujet du Dictateur de Charlie Chaplin comme du cinéma de Samuel Fuller).

 

 

 

Jean Narboni est critique de cinéma. Il l'est encore et toujours après plus d'un demi-siècle d'exercice. Il l'est même avec une manière d'intensité renouvelée quand, aujourd'hui, il s'attelle à revoir un classique (La Grande illusion de Jean Renoir, 1937) en l'extrayant de son capitonnage canonique au nom d'une polémique à laquelle le film a été naguère associé et en regard de laquelle n'est pas en reste notre actualité, loin de là. À ce titre, La Grande illusion de Céline fait une belle suite logique à ...Pourquoi les coiffeurs ? Notes actuelles sur Le Dictateur (éd. Capricci, 2010) quand le retour aux chefs-d'œuvre s'accomplit en réponse aux pressions brûlantes d'un présent qui reconnaît dans les vives discussions du passé des ressources éclairantes devant certains assombrissements du moment. La critique de cinéma est grande quand elle ne cède pas sur ses propres exigences, en tenant aux deux bords de l'historique (le film, son contexte et le texte de ses vies ultérieures) et du contemporain (le présent en tant qu'il est celui de ses divisions qui sont les nôtres, proximité avec l'origine, antagonismes anachroniques et discordances intempestives).

 

 

 

Le critique est alors un contemporain, vraiment notre contemporain quand, ainsi que le note Giorgio Agamben, il « est en mesure d'écrire en trempant la plume dans les ténèbres du présent » (Qu'est-ce que le contemporain ?, éd. Payot & Rivages, 2008, p. 19-20).

 

 

 

 

 

Une critique contemporaine

 

(Jean Renoir, une bête noire)

 

 

 

 

 

La critique est contemporaine quand elle cerne ce qui dans le passé concerne notre présent saturé en historicité. On aimait déjà beaucoup de choses dans ...Pourquoi les coiffeurs ?. Bien sûr on retrouve la blague entendue dans Une femme mariée (1964) de Jean-Luc Godard qui donne son titre au livre ainsi que le fameux vol de la moustache de Charlot par Hitler évoqué par André Bazin. Mais on découvre entre autres aussi l'hypothèse selon laquelle Charlie Chaplin aurait lu « L'Œuvre d'art à l'époque de sa reproductibilité technique » de Walter Benjamin, la préfiguration troublante de Pompes funèbres (1947) de Jean Genet, l'entrelacs disjonctif des motifs wagnériens et brahmsiens dans la musique du film, l'onomastique chaplinesque qui joue avec les noms des principaux chefs nazis en les plongeant dans le bain d'une lucidité acide. Avec La Grande illusion de Céline, on n'est pas déçu. La moisson est à nouveau généreuse, toute en écarts, parenthèses et digressions, riche en noms, notes et notations. Chaque note est comme un grain entrant en secrète communication avec les autres pour former des constellations qui, non seulement, éclairent la modernité des grands classiques mais révèlent aussi une contemporanéité imprévisible. Après le chef-d'œuvre de Charline Chaplin, celui de Jean Renoir montre que sa modernité traverse les temps. La Grande illusion est moderne pour son époque en le restant pour la nôtre, c'est ainsi qu'il est notre contemporain.

 

 

 

La méthode adoptée par Jean Narboni est la même, digressive et dialectique, pour ainsi dire rhapsodique. Elle puise ses fragments qu'elle coud ensemble à partir d'une histoire en lambeaux qui continue encore de s'écrire de nos jours. Quand la question de la réception des films rejoint celle de l'antisémitisme français et la destruction des Juifs d'Europe, et quand la reconnaissance de leur force consiste aussi en leur résistance face à des opérations d'identification, furieuses et fallacieuses. La méthode qui montre ainsi l'homologie qu'il y a entre l'herméneutique et la symptomatologie se donne désormais pour noyau un irradiant nucléus : la haine de l'écrivain Louis-Ferdinand Céline à l'encontre du Grande illusion de Jean Renoir. Le cinéma, Céline en a d'abord célébré les intensités oniriques dans Voyage au bout de la nuit (1932) avant d'en exécrer « le caveau d'illusions... tout ce miroitement, dans une fosse commune, capitonnée, féerique et moite » (cité p. 12). Parmi les massacres répertoriés dans Bagatelles pour un massacre (1937), le premier des pamphlets antisémites commis par le romancier, il y a le film de Jean Renoir, une bête noire. Si les deux artistes partagent quelques points communs, nés tous les deux en 1894, familiers du quartier de Montmartre et soumis à un même tropisme ursin (l'ours Octave dans La Règle du jeu et la « danse de l'ours » évoquée par l'écrivain), les sépare la figure juive, accueillie avec une disposition favorable par le cinéaste quand elle est honnie par le médecin romancier en guerre contre une maladie, la « juiverie » à laquelle participerait l'auteur de La Grande illusion. Leur rencontre n'y changera rien. Céline en vaillant docteur et vigilant clinicien posté au chevet de la France enjuivée reconnaît dans le film trois figures de la décadence française : le personnage du lieutenant Rosenthal joué par Marcel Dalio en incarnation du bon camarade qui n'en reste pas mois un métèque juif et ceux du commandant von Rauffenstein et du lieutenant Demolder surnommé Pindare en représentants d'une « aryanité » honteusement déclassée. Trois symptômes d'un délire de l'identification raciale révélant qu'il y a en tout raciste des méconnaissances indistinctement idéologiques et pathologiques.

 

 

 

Les faits sont têtus, Jean Narboni le sait. Rien de plus décisif alors que de rétablir les faits. Le juif Dalio agrippe en effet tellement le regard de Céline que celui-ci ne voit pas que le comte von Rauffenstein est joué par Erich von Stroheim, faussaire de sa biographie et fils de chapelier juif à Vienne. Et ne voit pas davantage que Pindare, l'érudit qui aime tant la culture grecque classique, est joué par Sylvain Itkine issue d'une famille juive lituanienne, résistant arrêté, torturé et exécuté par la Gestapo de Klaus Barbie. Jean Renoir est la bête noire de Céline pour autant que son film exaspère la bêtise profonde et noire d'un homme qui se croyait par vanité perspicace et s'engorgeait d'être un médecin de civilisation. On devrait en rire mais l'interdit l'existence de millions de cadavres brûlés au nom de l'antisémitisme. Le diagnosticien est faillible quand le critique pousse loin le poinçon de ses analyses. Ainsi, quand celui-ci voit parmi les livres du commandant von Rauffenstein un volume de Heinrich Heine choisi par l'acteur, il reconnaît dans une phrase du soldat Pindare disant qu'« on n'a pas le droit de brûler les livres » un vers du poète allemand appelé à un terrible avenir : « Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes » (cité p. 70). Heine, ses livres se sont consumés dans les autodafés allumés par les nazis. Parmi eux on pouvait trouver Almansor (1832) d'où est tirée la citation. Almansor comme Almanzor, le nom de jeune fille de celle qui est devenue Lucette Destouches en 1943 quand s'est marié avec elle Louis-Ferdinand Destouches dit Céline.

 

 

 

 

 

Les convictions,

 

démentes et contagieuses, exagérées

 

 

 

 

 

À la différence de La Règle du jeu (1939), La Grande illusion n'était pas le film le plus aimé des cinéphiles renoiriens abrités par la maison des Cahiers du Cinéma à l'instar d'Eric Rohmer, François Truffaut et Jacques Rivette. Jean Narboni qui leur a succédé dans la revue pour sa part n'hésite pas à brosser à rebrousse-poil cette tradition critique. D'abord parce que l'appel humaniste à fraternisation entre les nations belliqueuses et les races qui n'en sont pas aura été recouvert après guerre par la découverte des camps nazis de concentration et d'extermination. Aussi parce que le brouillage des identifications racistes et antisémites constitue l'un des secrets longtemps gardés du film, et qu'il y a de pénibles retours de manivelle avérant l'actualité anachronique des délires racistes et antisémites.

 

 

 

L'antisémitisme est l'identification hystérique du mauvais autre poussée jusqu'au délire identitaire, purificateur et hygiéniste. Céline voyait en effet des Juifs partout, c'en est grotesque. Même parmi les collaborateurs comme le chorégraphe Serge Lifar, l'écrivain dandy Maurice Sachs et le rédacteur en chef de l'Action française Charles Maurras. Même au sommet de Vichy avec Pierre Laval. N'y échappaient pas de l'autre côté du Rhin la propagandiste Leni Riefenstahl et Adolf Eichmann, concepteur de la « solution finale ». Hitler lui-même aurait été remplacé par un sosie juif, Céline en est persuadé, c'est ce qu'il tente de prouver en février 1944 à l'ambassadeur d'Allemagne à Paris, en présence de l'écrivain Drieu La Rochelle et avec la complicité du peintre Gen Paul. L'historien Jacques Benoist-Méchin en a donné le récit que reprend Jean Narboni en l'interprétant ainsi : « Céline vient de raconter à l'ambassadeur d'Allemagne le scénario du Dictateur et Gen Paul d'en jouer la scène immortelle du discours de Hynkel » (p. 84). C'est pourquoi il accorde une place si importante à Patrick Modiano et son premier roman intitulé Place de l'étoile dont la lucidité sur les identifications fallacieuses et les duplicités d'identités a encore réussi à duper ses lecteurs qui s'en crurent les non dupes. En remettant le 23 mai 1968 le prix Roger-Nimier à ce roman, les jurés présidés par Paul Morand ont donné crédit à l'homme qui a mis dans la bouche de son personnage fictif Raphaël Schlemilovitch, inspiré de Maurice Sachs, la phrase selon laquelle les trois plus grands écrivains français sont juifs, Montaigne, Proust et Céline qui rappelle « notre frère de race Chaplin par son goût des petits détails pitoyables, ses figures émouvantes de persécutés... » (cité p. 91).

 

 

 

Rien de plus actuel que l'hystérie contemporaine des mauvaises identifications qui servent aux défenseurs autoproclamés des identités obsidionales et menacées à traquer l'autre qui sape l'intégrité du même, participant ainsi à démontrer le noyau auto-immunitaire de leurs démences réactionnaires. « À la moindre incartade ou divergence, le nom maudit, l'équivalent général de l'insulte, le joker de la haine, peut être brandi par le premier venu contre n'importe qui » (p. 93). Rien de plus actuel, encore, que la dissolution de la raison politique des crimes au nom d'une pathologisation des criminels (p. 94-95). Une critique au critique doit cependant être avancée ici : cela est peut-être vrai de certains crimes incluant des éléments islamistes (encore que s'il pense à l'affaire Sarah Halimi, la cour de cassation a confirmé l'irresponsabilité pénale, une décision certes toujours discutable) ; cela le serait autant d'attentats perpétrés par l'extrême-droite dont il ne dit rien (ils citent quatre néofascistes, Dieudonné, Soral, Ryssen et Benedetti, qui ne sont pas encore accusés de terrorisme) et qui représentent quand même une menace pas moins importante que le terrorisme islamiste (voir à ce sujet la tribune « Djihadistes et terroristes d'extrême droite, des alliés objectifs » de l'anthropologue Scott Atran parue dans L'Obs et datée du 25 avril 2019).

 

 

 

La lucidité, Céline n'en a pourtant pas manqué. Ainsi il fait dire au psychiatre Baryon s'adressant à Ferdinand Bardamu, médecin des pauvres et héros du Voyage au bout de la nuit : « Elle appartient [cette extravagance] m'a-t-il semblé, à l'une des rares formes redoutables de l'originalité, une de ces lubies aisément contagieuses : sociales et triomphantes pour tout dire !... Ce n'est peut-être point tout à fait encore de la folie dont il s'agit dans le cas de votre ami... Non ! Ce n'est peut-être que de la conviction exagérée... Mais je m'y connais en fait de démences contagieuses... Rien n'est plus grave que la conviction exagérée !... » (cité p. 95-96). Un écrivain manque d'être son lecteur avisé.

 

 

 

 

 

« Aux Narbonoïdes dégénérés »

 

 

 

 

 

La Grande illusion de Céline est un petit livre incroyablement peuplé, très dense en personnages comme un roman de Patrick Modiano. Au premier chef, Jean Renoir et Louis-Ferdinand Céline, aussi Marcel Dalio et Sylvain Itkine on l'a dit, et puis encore et sans exhaustivité l'acteur collaborateur Robert Le Vigan et l'actrice Dita Parlo amie du gestapiste Henri Lafont, l'éditeur Robert Denoël et les critiques Robert Brasillach (à droite) et Robert Desnos (à gauche), le vichyste Pierre Laval et l'écrivain Maurice Sachs, les écrivains droitiers Paul Morand, Jacques Chardonne et, donc, Patrick Modiano. Un sombre trio s'en distingue quand Céline se voit rejoindre par deux amis : Georges Montandon et Armand Bernardini. Le second est un spécialiste d'onomastique à l'Institut d'étude des questions juives et ethno-raciales. Ses jugements seraient si infaillibles qu'ils n'épargneraient ni Robespierre (qui cache un Rubinstein) ni Racine (qui masque un Rosen). Le premier est médecin, explorateur et escroc, ethnologue féru de racisme scientifique et obsédé par la question ayant donné le titre à son ouvrage Comment reconnaître le Juif ? Ceux qui incarnent pour l'écrivain « deux maîtres à débusquer » le Juif se seraient réparti les tâches ainsi : « les corps pour Montandon, les noms pour Bernardini ». Et Céline d'être l'Esprit (on a bien du mal à écrire saint) d'une « sombre trinité » ayant terminé, avait-on cru, dans les poubelles de l'Histoire (p. 110-111).

 

 

 

L'horrible Montandon est le spectre qui hante l'ouverture, inoubliable et glaçante, du kafkaïen Monsieur Klein (1976) de Joseph Losey, inspiré par un certain Marius Klein évoqué dans Le Chagrin et la pitié (1971) de Marcel Ophuls, et peut-être plus implicitement par la figure introuvable de Georges Kaplan dans le déjà très kafkaïen La Mort aux trousses (1959) d'Alfred Hitchcock. Le médecin qui traque dans les visages et dans les corps les signes d'une judéité fautive a donc eu pour compagnons gémellaires et experts en « extirpation de la race filoutaire » (cité p. 123) le romancier et le spécialiste en onomastique qui se veulent d'autres médecins en civilisation chrétienne et blanche mais malade d'être enjuivée. De tels spectres hantent Jean Narboni, inquiet des avatars contemporains d'un nouveau racisme, celui des racisés telle Houria Bouteldja qu'il ne nomme pourtant pas en permettant seulement de la reconnaître par la mention d'un « amour révolutionnaire », titre secondaire de son livre intitulé Les Blancs, les Juifs et nous : vers une politique de l'amour révolutionnaire paru en 2016 aux éditions La Fabrique. On se demande pourquoi tant de précaution, sinon par l'inquiétude de thèses qui mériteraient cependant d'être davantage précisées pour être ainsi mieux critiquées (p. 125-126). Les mêmes spectres hantent encore Jean Narboni personnellement quand il mentionne la dernière conférence donnée par Montandon au Cercle aryen le 24 février 1944 portant alors sur les cimetières juifs parisiens et franciliens, ceux de Pantin, Thiais et Bagneux où, écrit-il, « mes parents sont enterrés » (p. 123).

 

 

 

« Aux Narbonoïdes dégénérés », telle est la dédicace de La Grande illusion de Céline. L'image vient de Céline lui-même quand il décrit la zone sud « peuplée de bâtards méditerranéens, de Narbonoïdes dégénérés, de nervis, Félibres, gâteux parasites arabiques, que la France aurait eu tout intérêt à jeter par-dessus bord. Au-dessous de la Loire, rien que pourriture, fainéantise, infect métissage négrifié » (cité p. 77). Cette dédicace est un signe de reconnaissance ésotérique (Jean Narboni se reconnaît Narbonoïde en s'appropriant ainsi le stigmate). Son grain contient aussi l'adresse secrète d'un ralliement. On pense alors à une chanson parmi les plus populaires de la Commune, « L'Éveil de la classe ouvrière » composée par Jean-Baptiste Clément et Joseph Darcier. Elle a pour scansion fameuse et épiphore le vers suivant : « C'est la canaille / Et bien j'en suis ». C'est pourquoi nous conclurons notre lecture du livre de Jean Narboni ainsi : la canaille des Narbonoïdes dégénérés et des gâteux parasites arabiques, et bien nous en sommes aussi.

 

 

 

15 octobre 2021


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