« J’aime filmer les gens qui regardent, je trouve ça drôle »
(Nazim Djemaï)
Les A-mateurs (http://derives.tv/les-a-mateurs/) sont une série de cinq vidéos m’invitant dans son monde avec la douce fermeté qui est la sienne. 28 minutes et 9 secondes de cinéma figurant des Amateurs d’Art, de cacahuètes et d’oiseaux, de jeux vidéos et de Madonna. Cette femme, ce groupe de trois personnes, ce jeune homme, ces oiseaux, ce chien se laissent prendre ou sont pris en flag par la caméra de Nazim.
En flag : flagrant délit d’amour.
Il aura suffi d’un tiret
Les « A-mateurs » tels que les désigne Nazim ne sont pas des « Mateurs », leur acte ne relève pas d’une volonté d’asseoir un quelconque pouvoir. Par ailleurs ils regardent, ils ne zieutent pas. L’amour dans le mot d'amateur est, sauf lorsqu’il est dit, dilué lorsqu’il est écrit donc lu et vu. Ambivalence. Jeu. Retournement. Et mise en abyme. Le préfixe aura « disculpé » ses sujets et couvert d’opprobre le « mateur », voyeur (deux vidéos montrent des personnages filmés de dos, une troisième un personnage filmé de face et coupé au niveau de la poitrine mais totalement absorbé par son jeu) et un peu chef d’orchestre (les situations semblent prises sur le vif mais sont quelque peu « provoquées »).
S’il n’y avait que le titre...
On aurait souri à l'énième farce d’un ami noceur et joueur qui fait des images et des sons rien que pour assouvir son désir de rigoler. Mais derrière ce désir c’est toute sa grandeur d’âme qui se profile.
Il y a dans cette idée de poser un regard sur de gens qui regardent une sorte de partage égalitaire entre filmeur et filmé. Ce dernier accueille un regard extérieur dans son monde du moment. Un moment intime au cours duquel l’ensemble du corps est en communion avec cet objet d’amour. Ce qui est mis en partage c’est une émotion, un moment de suspens, une expérience du regard. Le don émane du sujet filmé, le contre-don est dans l’intelligence du sens de ce qui est offert et dans le choix qui est fait en termes d’images et de sons pour l’immortaliser. Et dans les limites que s’accorde le filmeur pour rester fidèle à ce moment, à ce regard qu’on s’imagine (sur les deux vidéos où les personnages sont filmés de dos).
À partir de là nulle nécessité de validation par un quelconque dévoilement de l’objet du regard. On ne peut avoir que confiance ! En l’humanité.