Que racontent les photos goulettoises de Sihem Sidaoui ?
Ces photos sont une manière de dire l’habitude-habitation. Elles nous montrent, en sous-couche, une autre possibilité d’habiter le monde. Comment Sihem Sidaoui se penche matin, midi et soir à sa fenêtre pour traquer les variations, avec un objectif qui réfute l’idée même de l’immuable, de l’invariable. Jour après jour, là où un autre aurait parlé de la même rengaine, de la même scène, Sihem Sidaoui cherche patiemment les nuances, dompte le paysage afin d’en saturer la présence (« Planète rouge », « Brûler »). Car au-delà de l’objet ou du paysage capturé c’est la photo qui prime. L’objet-photo. La couleur qu’on déplace de la nature vers l’artefact en l’extrémisant (« Ailleurs », « De l’autre côté »). L’espace-temps surcoloré, saturé n’en perd pas pour autant de sa dense existence. Au contraire, il semble jouir ici d’un double être : à la fois regardé et regardant. Il se mire dans les yeux de celle qui le contemple, et dans les nôtres après-coup. La mer, l’horizon, l’oiseau, l’arbre, le nuage, l’astre, la planète : tout a une âme et elle est fauve. Elle est rouge. Elle est feu. Elle est bleue. Elle est « éblouissement » et elle est jaillissement. La mer, l’horizon, l’oiseau, l’arbre, le nuage, l’astre, la planète : chaque élément est le reflet de l’autre, son incarnation-autre. Ces photos ne documentent pas un lieu, elles le transfigurent. Elles se font images. Artifices au sens almodovarien du terme. Objets-témoins d’une relation amoureuse bien particulière.