Février est un mois court, qui file à vive allure, qui nous gifle de ses froidures.
C'est pourquoi l'on vous propose avec notre 41ème lettre des Nouvelles du Front cinématographique (site, facebook et blog) de ralentir avec une course de fond en plusieurs relais de choix :
1) Avec le premier relais de notre
rubrique "Des nouvelles du front cinématographique", la course de fond s'appuie sur un témoin privilégié,
Jean-Louis-Comolli, dont la pensée ne cesse pas de passer en travaillant nos pages, et qui est désormais considérée sur le versant de ses prodigues écritures : écrits théoriques et thématiques à
partir de trois axes privilégiés (la ville, l'histoire, la politique) ; et, exceptionnellement, écrit frayé dans le champ littéraire et biographique.
La suite du monde s'écrit dans la réflexion offerte au cinéma contraire relevé dans sa part minoritaire qu'est son versant documentaire, elle se manifeste désormais aussi avec la parution de
Une terrasse en Algérie dans les battements qui serrent le cœur de la mémoire lardée d'un oubli redoublé, dans la perte irrémédiable du pays
natal chéri comme dans celle de l'autre aimée.
2) Avec le deuxième relais de notre
rubrique "Autres texte de cinéma", on note avec L'Insulte de Ziad
Doueiri, candidat sérieux pour l'Oscar du meilleur film étranger, que la réflexologie victimaire parce qu'elle n'a aucune vergogne ne connaît décidément pas de limite, épargnant pour les
vainqueurs de reconnaître les vaincus dès lors que triomphent avec la nuit de la victimologie toutes les nuances de gris. Et les héritiers des phalangistes libanais, parce qu'ils ont du trauma à
revendre eux aussi, ne le seraient pas moins que les réfugiés palestiniens...
3) Avec notre troisième relais proposé
avec "La séquence du spectateur", nous vous invitons à revoir une séquence du grand western de Clint Eastwood, Unforgiven -
Impitoyable (1992),
avec ses cochons de cow-boys et ses héros balafrés qui n'aiment pas moins les femmes que les hommes qui les balafrent, ceci afin de nous
rappeler au bon souvenir d'un cinéaste qui n'aura jamais autant dégringolé dans la subordination du cinéma à la propagande avec Le 15h17 pour Paris (deux sous-titres possibles pour le pire
opus eastwoodien à ce jour : Pitoyable ou Impardonnable).
4) Le sprint final approche,
l'accélération se soutient des "Chinoiseries du moment", petites adjuvants acidulés en diagonale de notre cinéphilie commune, avec
deux scènes aimées dans deux films qui le sont par ailleurs si peu.
5) Les bravas offerts à qui atteint la
ligne d'arrivée de la course de fond ressemblent fort à notre "sélection musicale du moment", en cinq acclamations :
- la première sera en 24 ponctuations en
effet offerte à
la voix de Caroline Crawley sertie des arrangements boisés de Shelleyan Orphan ;
- la
seconde compose un bouquet varié qui tient d'abord, Martin Scorsese
oblige, à conjoindre la "Symphony no.3 (IV. Passacaglia. Allegro Moderato)" de Krzysztof Penderecki avec "T.B.
Sheets" de Van Morrison. C'est aussi la ritournelle techno cramée "Mari" de Martin Rev, âme damnée d'Alan
Vega avec Suicide, qui bouscule les accords plus solennels de Brahms, avant que ne ramasse la mise la perfection pop de "Slow Emotion Replay" par The
The.
Rappelons également aux camarades réalisateur-rice-s et producteur-rice-s qu'il est
encore largement temps pour elles et eux d'envoyer (la date limite est fixée au 12 juin prochain) votre film à cette adresse mail
suivante : programmationrcb2018@gmail.com. La 16ème édition des Rencontres Cinématographiques de Bejaïa aura lieu du 03 au
07 septembre prochain.
Dernière information et non des moindres : nous sommes heureux-ses d'annoncer le
début de notre collaboration avec L'Autre quotidien, revue électronique frottant culture et
contre-culture et avec laquelle nous partageons plus d'un front d'intervention (vous y trouverez quelques-uns de nos textes, parmi la multitude composant
richement la revue).
Que les brins de muguet traditionnellement associés au mois de Mai durcissent en prenant la forme de fleurs de pavés : les foyers de luttes ne s'éteignent pas, ils se disséminent mais leur manque encore de quoi faire constellation afin de sortir Mai 68 des figements de l'histoire pour en rappeler la puissance astrale. La fidélité à l'événement consiste notamment à ne pas céder sur les noces du sensible et de la pensée et c'est bien cela qui oriente, à l'instar de celles qui précèdent et qui suivront, notre 43ème lettre d'informations (site, facebook et blog).
Dans notre rubrique « Des nouvelles du front cinématographique », il s'agit de vous présenter le deuxième épisode de notre entretien épique avec Sylvie Pierre Ulmann. Nous continuons à ses côtés de filer « le poème épique de l'amitié » qui se soutiendra entre autres de sa participation à l'aventure des Cahiers du Cinéma, notamment lors du virage critique et théorico-politique dans l'après-Mai 68, mais aussi de l'importance décisive du cinéma brésilien incarné en particulier dans l'amitié pour la personne ô combien épique de Glauber Rocha.
Nous vous proposons dans la même rubrique de frayer dans l'interzone vastement déployée par L'Héroïque lande, la frontière brûle de Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval, où le bidonville de Calais fait fuir dans l'intervalle de ses campements humanitaires et de ses violences policières les rhizomes d'une jungle où s'y marronnent de nouvelles formes-de-vie pour demain, dés aujourd'hui. Au moment du vote du projet de loi scélérate "asile et immigration", il paraît plus que nécessaire de rendre justice aux nouvelles formes de résistances qui s'intriquent décisivement au carrefour des marches des États-nations comme des marges du cinéma (pour information, le film sera projeté samedi 2 juin à 18h au cinéma l'Écran de Saint-Denis, en présence des réalisateurs et d'Olivier Pierre, programmateur des Journées Cinématographiques Dionysiennes).
Dans notre rubrique « Autres textes de cinéma », s'est imposé Demons in Paradise de Jude Ratnam, où un premier geste documentaire aura construit sur dix années la possibilité de sortir de la nuit de la guerre civile sri-lankaise en allumant un feu clandestin autour duquel se ressemblent ceux qui, parmi les survivants issus de différents camps, croient encore aux vertus d'une mémoire enfin partagée, moins instituée que constituante.
« La séquence du spectateur » est offert en hommage à une actrice parmi les plus importantes du cinéma français, troublante Stéphane Audran, géniale dans la vingtaine de films tournés avec Claude Chabrol, et dont l'exquise diaphanéité, lancée par la Nouvelle Vague et contemporaine de la modernisation de la bourgeoise française, n'aura eu d'égale qu'une science de la retenue quintessenciée, jusqu'à l'abstraction et la folie.
La rubrique « Des bons plans » salue aussi la mémoire du cinéaste Milos Forman dont l'œuvre, marquée à vif par la répression soviétique du Printemps de Prague, est peuplée de ces trublions excentriques qui font l'expérience d'une puissance libertaire arrachée pied à pied contre le pouvoir des institutions qui la brident, mais parfois perdue aussi dans les braises d'une jouissance compulsive aussi vitaliste que régressive, qu'il s'agisse différemment de R. P. McMurphy ou W.A. Mozart, Andy Kaufman et Larry Flint.
S'agissant encore de notre rubrique intitulée « Des nouvelles du front social et du reste », un texte consacré à la philosophie de Clément Rosset voudrait tout à la fois insister sur l'essentielle distinction creusée entre l'idiotie tragique du réel et la bêtise dramatique des doubles s'efforçant d'en déplacer illusoirement l'impact traumatique, et marquer les limites d'un pessimisme ontologique qui, aussi joyeusement caustique soit-il, peine cependant à se dégager des ornières d'un apolitisme dandy.
Pour conclure cette lettre d'informations, nous vous proposons la programmation musicale n°43, maraudant entre le piano électrique et mélancolique des Strokes, la mélopée synthé de New Order, le folk inusable des Red House Painters, la prière soul de Frankie Valli et l'humour anti-colonial des Kominas.
Cette lettre est également l'occasion de vous informer de la projection du film Atlal de Djamel Kerkar programmée au cinéma municipal de Saint Denis, L’Écran, le mardi 15 mai à partir de 20h en présence de la programmatrice Catherine Haller et de Saad Chakali pour une discussion à l'issue de la projection : hâte de vous y retrouver !
D'autres évènements seront encore à prévoir pour le passage des mois de mai et juin prochains, avec quelques animaux sauvages, nous vous en dirons bientôt davantage !
Dans la lutte contre ce qui nous divise et l'amitié de ce qui nous partage.
Entre deux douches écossaises, les derniers feux de Mai croient encore en la relance incendiaire de juin et, dans l'intervalle, notre lettre d'information des Nouvelles du Front, 44ème du nom (site, blog et facebook), déploie la carte de quelques-uns des foyers entretenant nos embrasements du moment.
En premier lieu, Des nouvelles du front cinématographique propose le troisième épisode de notre feuilleton-conversation avec Sylvie Pierre Ulmann à l'occasion décisive de sa traversée du miroir brésilien, où Sergueï Eisenstein se frotte à la culture bahiane et où Glauber Rocha énonce la vérité moins psychologique qu'épique de toute amitié digne de ce nom, pour en ramener un trésor continuant de veiner la vie de celle qui expérimente aussi l'amour du cinéma sur le versant d'une "Internationale chaleureuse et naturelle".
On voudra ensuite faire écho à quelques nouvelles cannoises parvenues jusqu'à nous et d'inégale intensité, d'une part avec En guerre du duo Brizé-Lindon qui réduit une nouvelle fois la scène collective de la lutte des classes à la moulinette symptomatique d'un aristocratisme distinguant le vedettariat des figurants, d'autre part avec A genoux les gars d'Antoine Desrosières qui, à l'inverse, ouvre les vannes d'une jactance appartenant pleinement à ses acteurs non professionnels à l'occasion d'un marivaudage d'aujourd'hui qui les invite à franchir allégrement le mur des stéréotypes raciaux et sexuels auxquels ils sont généralement assignés.
Autre actualité, la rétrospective Rainer Werner Fassbinder à la Cinémathèque française qui s'est close le 16 mai se prolonge encore avec la ressortie concomitante de quelques-uns de ses films par Carlotta : notre rubrique "Des bons plans" insistera alors sur ces fixations fassbinderiennes traquant avec l'amour le poison addictif des dépendances qui en trahissent l'increvable croyance, examinées à l'aune de Prenez garde à la sainte putain, Tous les autres s'appellent Ali, Martha et Le Droit du plus fort.
En toute logique, parler de Rainer Werner Fassbinder aura imposé d'évoquer l'œuvre du romancier Alfred Döblin, l'auteur de Berlin Alexanderplatz dont la lecture fut rédemptrice pour l'adolescent désœuvré qu'alors il était, et qui ne l'aura pas moins été pour tous ceux qui reconnaissent en Franz Biberkopf un frère de malheur ou un double placentaire, celui pour qui les mutilations de l'histoire sont des corrections se doublant aussi d'être des leçons profitables, pour tout le monde et pour personne.
Notre programmation musicale mensuelle fera la part belle aux réinventions nippones des gnossiennes d'Erik Satie, aux inquiétudes mizoguchiennes de Tôshiro Mayuzumi, aux veillées montagneuses d'un prince amazigh, à quelques danses de Provence revenues de l'enfance comme aux bonbons acidulés venues du Brésil.
Enfin, la projection cannoise du très attendu Livre d'image de Jean-Luc Godard nous aura autorisé à évoquer à l'occasion d'un entretien publié par le quotidien algérien Reporters comment un nom propre est devenu le nom commun d'une pensée partagée (que son initiateur, Abdelmajid Kaouah, en soit ici vivement remercié).
Dans la lutte contre ce qui nous divise et l'amitié de ce qui nous partage
Plus que jamais, il nous faut des feux qui brûlent plus longtemps qu'un été, il nous faut des foyers pour incendier la plaine et résister à l'hiver qui dure plus longtemps que les froidures saisonnières : dans les partages de l'amitié en voici quelques-uns composant la fleur de notre 45ème lettre d'information des Nouvelles du Front (site, blog et facebook).
Tout d'abord, Des nouvelles du front cinématographique propose la quatrième partie de notre feuilleton-conversation avec Sylvie Pierre Ulmann, où il sera désormais question d'un passage cévenol et de la création d'un service de communication audiovisuelle, des persécutions contre les protestants et des persécutions contre les juifs, des mérites comparés hors dogmatisme de Holocauste, Shoah et La Liste de Schindler, où il sera question aussi d'une drôle de bestiole nommée "braudélisme dialectique" permettant de tenir le plan en ses deux bords comme trace du présent et dépôt de la longue durée. Et, après le joyau épique des amitiés brésiliennes, l'évocation diamantine de l'amour d'une vie.
Il sera ensuite question de Senses de Ryûsuke Hamaguchi, huitième film mais premier long-métrage distribué en France d'un cinéaste japonais remarqué à Locarno il y a trois ans et en compétition officielle cette année à Cannes : la réclame invite à y découvrir la première "série de cinéma", on y aura surtout reconnu un vrai talent cinématographique, entre le premier Antonioni et le dernier Yoshida, à déployer dans la patience des durées le milieu charnel et relationnel d'une amitié féminine ébranlée par l'événement d'une disparition dont les conséquences seront au principe de toutes les remises en question, sexuelles et conjugales.
S'agissant d'autres textes de cinéma, l'un des plus beaux films vus cette année est le fait d'un inentamable non-réconcilié, Gens du lac de Jean-Marie Straub, qui possède la grandeur d'âme et l'amplitude d'esprit de capter au miroir lémanique des résistances populaires passées l'imprévisible reflet méditerranéen des persévérances présentes. De son côté, Retour à Bollène, premier long-métrage du jeune producteur Saïd Hamich, se distingue sans forçage dans le paysage étriqué de l'actuel cinéma français en tirant d'une variation modeste et toute personnelle du mythe du fils prodigue un principe fort d'estrangement où la mimétique asymétrique des frilosités identitaires des uns et des fragilités communautaires des autres renvoie la France post-républicaine à une forme de provincialisme étonnamment blédard.
Dans notre séquence dite des bons plans, Grizzly Man de Werner Herzog s'impose entre sidération et considération comme un grand site traversé des vents contraires de la bêtise transcendantale et de l'idiotie fondamentale, l'utopie boiteuse de l'ami des ursidés écartelée jusqu'à la dislocation, le puérilisme anthropomorphique de ses postures heureusement contrarié par l'enfance sauvage de ses images de souhait.
Enfin, notre programmation musicale mensuelle compose un paysage grandement vallonné, et ses verts virant bleu, où les dévastations amoureuses d'Oum Kalthoum rejoignent les douleurs de l'esclavage ruminées par Shabazz The Disciple, tandis que sur un autre versant le style atmosphérique et tintinnabuli d'Arvö Part inspiré par Robert Burns débouchent sur les mélanges techno-orientaux de Joi et de Natacha Atlas présentement possédée par l'esprit de Screamin' Jay Hawkins, dont Shabazz est le disciple.
Dans la lutte contre ce qui nous divise et l'amitié de ce qui nous partage
Que l'été nous assomme, avec sa canicule engraissée des cabotinages élyséens et autres chienneries des favoris d'État. Du vent du vent, parce que l'on étouffe, de l'air avec ces quelques bulles pour respirer et dont l'écume sera brassée, gage de notre persévérance, par notre 46ème lettre d'information des Nouvelles du Front cinématographique (site, blog et facebook).
En premier lieu, Des nouvelles du front cinématographique propose la cinquième partie de notre épique entretien avec Sylvie Pierre Ulmann, où vient Trafic qui nomme une nouvelle aventure d'amitié et de cinéphilie, ouvrant un nouvel espace de liberté et de pensée critique, et suffisamment généreux pour y accueillir entre autres un chien-totem fordien et un texte rare d'Amadou Hampâté Bâ.
Dans notre catégorie portant sur d'autres textes de cinéma, Claude Lanzmann impose sa monumentale figure mais il s'agira à l'occasion de sa disparition de discuter certaines inflexions de sa trajectoire, où le juste s'y confronte avec l'injuste. Si décisive quand le monument se fait "monumanque" comme avec Shoah rappelant à la présence tous ceux qui manquent, la trajectoire l'est tellement moins quand le souci du témoignage malgré l'indicible rompt avec la tradition égalitaire des opprimés et s'impose dans les formes autoritaires du dogmatisme. Il y avait pourtant des moments favorables aux revirements autocritiques, par exemple dans le passionnant Dernier des injustes (2013) qui, malgré sa lourde charge anti-harendtienne, bat de nouvelles mesures entre les époques et les régimes d'images qui y sont affiliées.
Dans notre séquence dite des bons plans, trois scansions appartenant à Simone Barbès ou la Vertu (1980) de Marie-Claude Treilhou insistent à faire de l'ouvreuse orientant les spectateurs d'une salle de cinéma porno une figure d'accompagnatrice originelle comme sortie d'une chorégraphie à la Pina Bausch, gardienne solitaire des âmes désorientées dans l'enfer de la modernité et la pornographie qui y est associée.
La séquence du spectateur revient sur un film de l'été de notre adolescence, Les Dents de la mer (1975) de Steven Spielberg, où le scénario étriqué des amitiés viriles, couturé autour de ce trou noir ouvert par la hantise océanique du féminin, se soutient des "travellings compensés" où l'écrasant triomphe de la surface vaut comme conjuration d'une horreur qui tient forcément à la vérité archaïque de la profondeur.
Avec notre catégorie "Des nouvelles du front social et du reste", le philosophe Adnen Jdey aidera à saisir la pertinence du concept de scène chez Jacques Rancière et la méthode pour y parvenir est l'objet d'une grande discussion à ses côtés. La scène se comprendra alors comme ce moment privilégié où les logiques hiérarchiques et les partages consensuels se défont dans des actes et des paroles qui imposent un nouveau partage du sensible, en vérification que les affaires esthétiques recoupent toujours celles de la politique.
Quant à notre programmation musicale mensuelle, le hasard objectif y fera en toute hétérogénéité se côtoyer un chardon de sagesse folk et un gospel de fin du monde, des boucles hypnotiques taïwanaises et un ours polaire paumé en Allemagne.
Dans la lutte contre ce qui nous divise et l'amitié de ce qui nous partage.
Méditerranée dit aujourd'hui la mare nostrum profanée, le cimetière marin ceignant une forteresse européenne dont la promesse de paix perpétuelle ne cesse d'être liquéfiée par son racisme obsidional. Il y a des vagues qui sont comme des tombeaux. D'autres vagues montent cependant, qui mènent par exemple aux lucioles se rassemblant pour danser autour d'une bougie, ce phare algérien de cinéma auquel on dédie notre 47ème lettre d'information des Nouvelles du Front cinématographique (site, blog et facebook).
Des nouvelles du front cinématographique trouve ici à se décliner selon deux versants spécifiques. Il s'agira d'une part de proposer le sixième et avant-dernier épisode de notre conversation-feuilleton avec Sylvie Pierre Ulmann dont le poème épique de cinéma et d'amitié se poursuit désormais avec l'évocation de Jean-Claude Biette en parfumeur d'un genre singulier. Ses subtiles distilleries se doublent d'explorations géologiques concernant quelques-unes de ses pierres d'angoisse dont il a extrait de délicats parfums déposés sur le papier de l'exercice critique et les écrans de la pratique cinématographique.
Il s'agira d'autre part de considérer l'actualité de deux films étasuniens sortis cette année, le blockbuster Ready Player One de Steven Spielberg et l'indépendant Under the Silver Lake de David Robert Mitchell, au tamis d'une figure inactuel et mythique, le Roi Pêcheur, afin de sonder les terres infertiles ou vaines de la culture pop contemporaine dont les fantasmagories cryptiques mènent, pour le meilleur comme pour le pire, aux cryptes du consumérisme.
Dans notre catégorie portant sur d'autres textes de cinéma, c'est un chemin de cinéma à travers la jungle qui se fraie, par exemple avec les films d'Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz, pour ne pas en sortir mais y constituer au contraire une forêt d'émeraudes comme autant d'images-boucliers, entre le documentaire et la fiction, entre la danse et le chant, restituant contre les forces de la destitution la dignité des figures de notre humanité profanée.
De part et d'autre de cette rubrique et de celle des bons plans, ce sont deux moments exemplaires de la puissance de Shôhei Imamura dont le cinéma a expérimenté la relève vitaliste du naturalisme. Du côté de la bête humaine et serpentine de La Vengeance est à moi comme du côté de l'héroïne métamorphe de La Femme insecte, il y a une énergie pour raconter la vie de quelques êtres infâmes, l'un dont la bêtise meurtrière contracte un fond pulsionnel exacerbant les convulsions modernisatrices de la société japonaise, l'autre dont la persévérance l'emporte à la fin contre le plomb du déterminisme comme une endurance autorisant la légèreté d'une certaine liberté.
La séquence du spectateur est dévolue à l'analyse d'un diamant de cinéma, la séquence du massacre de L'Argent de Robert Bresson, cet emblème allégorique de la vérité mortifère du fétiche-argent qui expose l'esprit quintessencié du cinématographe tout en délivrant l'os du fétichisme de la marchandise monétaire, celui des cadavres de ses victimes.
Pour conclure, notre programmation musicale mensuelle commence légère, pop et primesautière, happy jack et fille-arc-en-ciel, pour s'infléchir en son milieu en rave sud-africaine avant de pénétrer la zone tropicale où d'oubliées chasses à l'enfant auront été au principe dialectique de tant de rébellions à venir, toutes vêtues de noir.
La rentrée est chargée, la force des choses qui est l'affaire du désir aura décidé de ne pas
chômer. On ne s'en plaindra pas, il faut travailler et le plus librement, c'est-à-dire à distance des charges aliénantes du travail subordonné. C'est ainsi que se fourbissent les Nouvelles du
Front cinématographique, dont nous vous proposons aujourd'hui la 48ème lettre d'information (site, blog et facebook).
Des nouvelles du front cinématographique rend public le septième
et ultime épisode de notre conversation épique avec Sylvie Pierre Ulmann. C'est une joie
et c'est une tristesse, nous aurions tant voulu poursuivre avec elle le feuilleton d'une cinéphilie habitée. Ici qui égratigne le cinéma de grand-papa (Carné-Prévert et Gérard Philipe), là qui
raconte à l'inverse des petits-enfants aimer rester au générique des films de la saga Star Wars,
plus loin encore qui reconnaît du talent dans l'écriture comique du Sens de la fête. Mais le terme
s'est imposé avec une grâce infinie, qui tient en un constat (le cinéma auquel il aura été tant demandé aura beaucoup donné), un postulat (c'est celui qui aime le film qui a raison), et la
réserve d'une ponctuation finale qui touche le cœur.
Que Sylvie
Pierre Ulmann à qui l'on dédie la présente newsletter soit infiniment remerciée pour l'extrême qualité de ces quelques passes échangées au-dessus du filet en toile
d'internet.
Dans notre catégorie
portant sur d'autres textes de cinéma, nous voudrions déjà
commencer par pointer les limites du BlacKkKlansman de Spike Lee dont l'une d'entre elles, et non la moindre, consiste à faire du travail policier le meilleur véhicule supposé à l'antiracisme à l'heure où, autrement plus fidèle à la
pensée de Stokely Carmichael, Black Lives
Matter combat le racisme institutionnel caractérisant
la police aux États-Unis.
Nous voudrions également rendre grâce aux Rencontres Cinématographiques de Béjaïa dont la seizième édition aura permis la confrontation de films ambitieux mais inégaux
(Occidental et son allégorie fumeuse sur les gaz toxiques de la paranoïa identitaire
contemporaine, Pastorales électriques et sa vision au long court d'un Maroc berbérophone abritant une nouvelle défaite d'Atlas
terrassée par le démon de l'électricité). Avec l'interdiction du film de clôture (le fragile Fragments de rêves, frémissant entre stratigraphie des combats passés et échographie des luttes à venir), la censure administre une nouvelle
preuve d'un gâtisme d'État qui rend l'avenir incertain, mais sûr déjà ceci : Le cinéma se fait à l'électricité, son désir s'éclaire à la bougie.
Avec notre rubrique des bons plans, nous voudrions saluer Marceline Loridan-Ivens qui, alors qu'elle s'appelait encore Marceline Loridan,
un jour dans Paris marcha au pas d'une parole inouïe dont l'événement demeure le dehors d'une nuit tombant en plein cœur de la Chronique d'un été de Jean Rouch et Edgar
Morin.
La force des choses caractérise encore notre programmation musicale mensuelle, qui se partage entre voix féminines et folk, cannibales et zombies. Elle se
dédouble également en raison d'une blessure qui a pour nom Rachid Taha, l'un des plus grands chanteurs rock français, égal d'Alain Bashung et Christophe, incarnation d'une
arabbia dont la rage au ventre aura fait de la France un pays désirable dans la seule mesure où il
ne ressemble pas à lui-même, désirable seulement comme dépays.
Et puis, le grand bonheur de deux bonus circonstanciés :
1) Un nouveau front ouvert grâce à l'alliance cinéphile nouée avec les amis belges de la revue de cinéma Le Rayon vert, qui se déploie entre les coin-coins du carnaval national et la merde noire et intergalactique du fétichisme de l'identique.
2) La sortie de notre ouvrage chez L'Harmattan,
intitulé Humanité restante
et consacré à The
Leftovers : la série y sera notamment pensée
comme allégorie contemporaine offerte à l'événement pensable depuis l'écart d'un double régime, comme sens (l'événement dont le réel fuit en tout sens parce qu'il est l'insensé) et comme vérité
(l'événement dont le réel oblige à en construire subjectivement les conséquences éthiques).
Dans la lutte contre ce qui nous divise et l'amitié de ce qui nous partage.
Le froid veut plus tôt que prévu nous faire la peau, le fascisme aussi qui vient de tailler une peau de serpent à nos ami-e-s brésilien-ne-s. Plus que jamais, il nous faut des armes pour agir contre les réactions qui nous désarment. Que l'on se donne alors des forces et toutes les bonnes ressources seront disponibles, sur le front social comme sur celui du cinéma. Toutes choses dont voudrait une nouvelle fois témoigner la lettre d'information du site Des Nouvelles du Front, 49ème du nom (site, blog et facebook).
1) Des nouvelles du front cinématographique propose pour ce mois-ci et les deux suivants de revenir sur la série télévisée The Leftovers, en publiant sous la forme de fragments les bonnes feuilles issues de notre ouvrage consacré à la série de Tom Perrotta et Damon Lindelof, Humanité restante. Penser l'événement avec la série The Leftovers, publié le mois dernier aux éditions de L'Harmattan. En considérant la série saison après saison et épisode par épisode, et en commençant logiquement avec la première saison, on voudrait ainsi rendre hommage à l'une des œuvres de télévision parmi les plus passionnantes et émouvantes de ces dernières années. L'une des plus contemporaines aussi, en ce sens qu'elle aura été puissamment sensible à la pensée de notre contemporanéité catastrophée.
2) D'autres textes de cinéma trouve à s'articuler en trois moments différenciés : selon les contradictions d'une épopée révolutionnaire qui l'est si peu dans les formes mêmes de sa représentation (Un peuple et son roi de Pierre Schoeller) ; selon les inépuisables images de rêves d'une Ophélie d'aujourd'hui qui est la plus belle dormeuse de toute l'histoire de la télévision et dont il ne faudrait surtout pas troubler le sommeil d'or sous peine de réveiller de terribles brasiers (Twin Peaks de Mark Frost et David Lynch, saisons 1 & 2) ; selon, enfin, qu'une permanence d'accès aux soins de santé d'un hôpital neuf-troisien soit un site d'hospitalité ouvert à la dialectique de ce qui passe comme de ce qui ne passe pas par-dessus le filet des inégalités sociales (La Permanence d'Alice Diop).
3) Notre rubrique des bons plans tentera également de rappeler, contre l'actuelle politique hollywoodienne d'épuisement catastrophique des filons, les réelles qualités du premier Predator réalisé par John McTiernan il y a tout juste trente ans. Commençant sous les plus horribles hospices (l'action-movie reaganien), le film a la beauté de s'aventurer dans la jungle tropicale d'un renversement swiftien de positions, obligeant le parangon musclé de l'américanisme conquérant à préférer le devenir-minoritaire pour se rendre imperceptible à la traque bestiale d'un chasseur plus raciste et impérialiste que lui. Et Arnold Schwarzenegger alors jamais plus touchant qu'à se faire oublier en se fondant dans le milieu environnant, à l'enseigne du nègre marron, du soldat vietnamien ou du guérillero sud-américain.
4) Notre 49ème programmation musicale mensuelle ne craindra pas la mobilité, allant à un bord vers les radicales dissonances pendereckiennes en hommage aux disparus de Hiroshima et à un autre vers les arrangements martiens et sautillants du jumeau de Richard D. James, qui s'en va sur un axe rejoindre la tristesse infinie de Riz Ortolani et sur un autre tend vers la mélancolie eastwoodienne des derniers feux du western, avant que le dub ne fasse de la résistance ouvrière contre le racisme policier en clashant du côté de Brixton.
Enfin, la joie non feinte de deux suppléments d'actualité :
1) On continue d'alimenter un nouveau front ouvert grâce à l'amitié belge et cinéphile de la revue de cinéma Le Rayon vert., avec trois nouveaux textes respectivement consacrés aux Frères Sisters de Jacques Audiard (où l'utopie de la camaraderie masculine finit brûlée par le rappel à l'ordre de la pulsion virile), Amin de Philippe Faucon (où l'utopie amoureuse indifférente aux inégalités raciales se dissipe dans le rappel à l'ordre des obligations sociales à ne pas changer de place) et The House that Jack Built de Lars von Trier (où le démiurge n'aimant rien tant que contrarier la tâche du spectateur se contrarie lui-même dans l'épuisant rappel à l'ordre consistant à vérifier en actes sa infernale puissance créatrice, jusqu'à la parodie).
2) On revient un mois après sur la sortie de notre ouvrage chez L'Harmattan, intitulé Humanité restante et consacré à The Leftovers (cf. les deux pièces jointes). La série de Tom Perrotta et Damon Lindelof y sera notamment envisagée dans la pensée de l'événement qu'à lui-même il est et qu'il représente pour nous, pensable dans l'écart décisif d'une parallaxe, à la fois comme sens (l'événement dont les restes se distribuent en touches sensibles) et comme vérité (l'événement dont le vide inaugural est une invitation à préférer aux comblements dramatiques des trous le point d'une fidélité conséquente et persévérante à rester au bord du trou).
La cinquantième ! On ne l'aurait jamais cru, on ne l'aura jamais programmé. Avec la cinquantième lettre d'information du site Des Nouvelles du Front (site, blog et facebook), il est temps de marquer ce qui ne cesse pas de persévérer ici, dans l'appareillage d'une petite machine d'écriture fourbissant ses armes à l'épreuve constituante des images du réel et du réel des images, là où les conjonctions de l'esthétique et de la politique accueillent au-delà toute attente l'incommensurable événement faisant disjoncter la mesure policière des rapports imposés.
1) Des nouvelles du front cinématographique propose de revenir à nouveau à la série The Leftovers, avec la publication sous la forme de fragments des bonnes feuilles issues de notre ouvrage consacré à la série de Tom Perrotta et Damon Lindelof, intitulé Humanité restante. Penser l'événement avec la série The Leftovers et publié en septembre dernier aux éditions de L'Harmattan. Avec la deuxième saison, saison intervallaire s'il en est, on verra qu'au Texas se rejoue la scène préhistorique de la proximité critique entre Axis Mundi et Anus Mundi, avec un faille sismique en guise d'ombilic, avec le cordon d'un pont qui relie la cité se croyant intouchée par l'événement à sa ban-lieue qui se presse à ses frontières comme celles d'une forteresse, avec la descente dans le souterrain d'un homme qui doit pénétrer le labyrinthe de ses entrailles pour y affronter ses démons, avec l'intérieur caverneux des oreilles appartenant aux parents qui se refusent à entendre qu'il y a pour les enfants des manières de rompre le cordon qui valent comme des déchirements intérieurs ou des tremblements de terre.
2) 1918-2018 : le tracteur des rituels républicains laboure le champ des commémorations subordonnant l'histoire de la Première Guerre mondiale à l'idéologie de l'agenda gouvernemental. Sur le versant dialectique d'un contrechamp radicalement critique, on trouvera des images comme des fleurs rares poussées çà et là sur la terre grosse des cadavres ensevelis aussi par l'archive militaire. Ces images constituent le cœur blessé de grands films documentaires dont les montages avèrent que la guerre de position s'est prolongée dans la tranchée des images, le mal d'archive ouvert à l'avenir intempestif des regards de fait partagé par L'Héroïque cinématographe (2002) d'Agnès de Sacy et Laurent Véray et Premier Noël dans les tranchées (2005) de Michaël Gaumnitz. L'occasion aura été donnée aussi de réfléchir à la manière dont s'est imposée dans l'histoire du cinéma la figure de style du travelling avant et arrière afin de relayer la sensibilité du soldat dans la tranchée, jusqu'à entrer dans ce no man's land où la perspective filmique déployée par le champ de la caméra bute sur la longue vue des viseurs du fusil.
3) On voudrait avec la disparition de Bernardo Bertolucci repenser à son œuvre boiteuse et contrariée, partie si fort au milieu des années 1960 pour se perdre malgré quelques éclats dès les années 1970 dans une manière de renoncement à laquelle n'échappe pas la légende dorée du Dernier tango à Paris, en insistant en particulier sur son ultime et beau film, Moi et toi (2013), comme un second film au fond où la jeunesse de l'ex-enfant terrible aura enfin été retrouvée comme ce renfrognement au principe d'un retrait qui est moins une retraite qu'une soustraction décisive face aux dévastations politiques que nomment Berlusconi hier et Salvini aujourd'hui.
4) Et puis une lecture roborative offerte avec le nouveau livre de Marc Scialom, Pourquoi ? Conte avec mort inopinée de son auteur, qui continue d'envisager la littérature comme un atelier de déconstruction des autorités et des identités nécessaire à creuser des galeries ouvrant notamment sur un pan ignoré de l'enfer du Jardin des délices de Jérôme Bosch, cette blessure qu'indiquent un nom et une date (Bizerte, 1961) et dont l'écoulement incessant fonde la non moins incessante relève d'une crypte et de l'écriture cryptique allant avec.
5) Notre 50ème programmation musicale mensuelle ose quelques entrechats en glissant entre les pattes de la mélancolie tintinnabulante et cinéphile de Jean Bart et du hip-hop cocaïné de Grandmaster Flash, de l'humeur océanique de Max Richter et de la pop faussement nostalgique des Buggles, jusqu'à finir par tomber sur ce diable de Jackie Wilson et sa sorcellerie de matou R'n'B.
On conclura la cinquantième avec un double bonus :
1) Des Nouvelles du Front se joue aussi sur d'autres fronts, dans les amicaux relais de la revue de cinéma belge Le Rayon vert qui accueille un nouveau texte consacré désormais à Inherent Vice (2014) de Paul Thomas Anderson et de L'Autre Quotidien qui édite notre texte consacré à Bernardo Bertolucci.
2) C'est également la sortie de notre ouvrage chez L'Harmattan, intitulé Humanité restante et consacré à The Leftovers (cf. les deux pièces jointes). La série de Tom Perrotta et Damon Lindelof s'y comprendra notamment comme allégorie de l'événement qui en constitue le vide inaugural, pour que l'événement soit pensé comme ce qui s'excepte de la rivalité mimétique des incrédules blasés et des crédules abusés, comme ce qui refonde la croyance en notre monde dont l'amour est une condition nécessaire pour l'existence de ceux qui restent.