Les plans, les plantes
(photo-synthèse-cinéma)
Il n'y a pas d'histoire qui ne soit pas cosmologie. Il n'y a pas de cinéma qui ne soit pas cosmogonie. Les harmoniques d'un film peuvent par exemple tenir de la botanique. Les plans ont alors rapport intime avec les plants, avec les plantes. Au bord du monde, leur fouillis fait l'écriture folle d'un paradis dont le centre est nulle part en étant au milieu de tout.
D'un côté, on renoue avec le vitalisme perceptif et synaptique de Jonas Mekas. Le filmage est nerveux, le montage vibratile. Les plans clignotent comme des lucioles, papillotent comme des battements de paupières. L'éden est un jeu d'enfants dont l'enfance peut être retrouvée, celle de Camélia et Nahla, doubles imaginaires de Nour Ouayda et sa complice rivettienne Carine Doumit.
De l'autre, l'herbarium est une histoire de science-fiction, le journal secret d'une créature magique. C'est l'éden, insituable, un lieu hors localisation disséminé partout – le paradis du sens de Novalis. Au milieu, un impressionnisme post-apocalyptique. Photo-synthèse-cinéma.
Le don granulaire de l'air
(foliation et pollinisation)
Nous qui crevons de la civilisation quand elle rime avec déprédation végétalisons quand la pellicule offre ainsi de telles palpitations, des rouges et des vertes, des peaux et des plantes, des feuilles et des ailes. Pépiements et foliation, pollinisation et poudroiement. Le leitmotiv de l'invasion pousse la catastrophe à sortir de la répétition pour être recommencement verdoyant.
Ce qui peut nous sauver des ravages apocalyptiques de l'anthropocène, c'est une chose bien plus ancienne que lui, plus ancienne que notre histoire même : c'est le phytocène. Après demain les chiens (Clifford Simak) : demain les plantes (Nour Ouayda). Le vert de la terre brillera à nouveau pour nous quand nous reconnaîtrons aux plantes le don granulaire de l'air qu'elles nous font.
22 février 2023