Deux études sociologiques témoignent aujourd’hui des problèmes structurels que rencontre l’école française.
L’Élitisme républicain de Christian Baudelot et Roger Establet repose sur la lecture des résultats offerts par PISA. Le Programme International sur le Suivi des Acquis des élèves est une enquête tri-annuelle commandée par l’OCDE qui montre que la France certes fait partie du peloton de tête concernant son système éducatif, bien qu’elle souffre de nombreux handicaps. L’approche comparative de l’enquête montre l’effet négatif du redoublement systématisé par le modèle français, et l’importance d’un tronc commun que ce dernier déconsidère. Elle montre aussi la non-corrélation statistique du taux d’échec des enfants d’immigrés et de l’origine de leurs parents. Elle montre enfin que les excellents résultats des filles n’empêchent pas la domination masculine de s’exercer quant aux choix des filières (scientifiques) les plus légitimes. PISA prouve ainsi que plus une société est juste socialement, meilleurs sont ses résultats scolaires, et plus son modèle scolaire est juste, plus grande est son efficacité sur le plan économique. Parce que le modèle scolaire français, à l’encontre de ses pieux élans républicains, « favorise les favorisés et défavorise les défavorisés » (Pierre Bourdieu), il se trouve tributaire d’un élitisme que l’idéologie républicaine ne masque pas tout à fait.
L’analyse de Baudelot et Establet rend également compte de la stratégie opérée par les parents les mieux dotés en ressources sociales, économiques et culturelles, et qui sélectionnent les établissements les plus richement pourvus pour y inscrire leurs enfants. Ce dont témoigne l’enquête intitulée justement Le Sens du placement, et menée par le sociologue Franck Poupeau et le géographe Jean-Christophe François sur la région parisienne. La suppression de la carte scolaire décrétée par Xavier Darcos au nom du libre choix des parents accentue en réalité dans un sens très néolibéral les logiques inégalitaires existantes. Du coup, là où les classes populaires sont contraintes au respect de la carte scolaire existante, la bourgeoisie y déroge constamment, et ainsi participe à renforcer l’écart séparant les établissements (privés mais aussi publics) les plus sélectifs et les autres, moins attractifs, et dans lesquels se concentrent de façon cumulative les difficultés.
Ces deux analyses, qui renouvellent l’approche de la reproduction des inégalités socio-spatiales de scolarisation, prouvent que le modèle scolaire républicain, plus élitaire qu’égalitaire, a fait long feu.
Christian Baudelot et Roger Establet, L’Élitisme républicain. L’école française à l’épreuve des comparaisons internationales, Seuil, 2009.
Franck Poupeau et Jean-Christophe François, Le Sens du placement. Ségrégation résidentielle et ségrégation scolaire, Raisons d’agir, 2008.
07 mai 2009