Nouvelles du Front social, d'ailleurs et du reste de 161 à 170

 

Jean Narboni est critique de cinéma depuis plus de cinquante ans. Il l'est même avec une manière d'intensité renouvelée quand il s'attelle aujourd'hui à revoir un classique (La Grande illusion de Jean Renoir, 1937) en l'extrayant de son capitonnage canonique au nom d'une polémique à laquelle le film a été naguère associé et en regard de laquelle n'est pas en reste notre actualité.

 

 

Où en est Emmanuel Todd, avec les femmes et avec le féminisme ? Des premières, l'anthropologue dit qu'elles ont accédé à une égalisation historique des conditions qui suscitent chez elles de nouvelles contradictions, anxiété, ressentiment, anomie.

 

 

Il y a critique parce qu'il y a crise. La crise est la condition de possibilité de la critique, le transcendantal de tout jugement esthétique. Avant d'être la faculté de juger à partir des conflits entre la raison et la sensibilité, critiquer est un geste de soin dont l'origine est paysanne puis médicale, c'est un diagnostic qui consiste à passer au crible.

 

 

Les anges passent, un ange est passé, la vie a changé.

Dans l'air, une voix demeure, inouïe. Alors tout se tait.

L'ange est elle et sa voix de sirène a déverrouillé nos secrets : Julee Cruise.

 

  • Saint Genet, comédien et martyr de Jean-Paul Sartre : Qui est Genet ?

 

Jean Genet et Jean-Paul Sartre, les deux hommes se connaissent. En 1948, le philosophe intervient avec Jean Cocteau pour éviter à l'écrivain la prison à perpétuité. Genet demande aussitôt à Sartre une préface à l'édition de ses poèmes et ses romans.

 

 

Que comprend-on quand Sun Ra dit que « space is the place » ? Le sorcier qui s’est donné comme double nom, anglais et vieil-égyptien, le soleil est le porteur d’une incantation, l’Ange Noir d’une annonce astrale, une promesse mythique dont l’afrofuturisme est l’arche poétique : l’outre-espace est le lieu imaginaire d’une réinvention du vivant qui ne sortira de la fin programmée du monde que dans la connaissance que la fin du monde a déjà eu lieu. En Afrique avec la traite et l’esclavage, comme matrice du capital qui, d’emblée, naquit racial.

 

  • Pinocchio de Giorgio Agamben : Notre enfance, un mystère

 

Pinocchio : on croit connaître l'histoire du pantin de bois qui devient à la fin le gentil garçon de son créateur, Gepetto le sculpteur. Mais la connaît-on vraiment ? Les affadissements puérils de Walt Disney et consorts invitent à y replonger le nez, qui s'allongerait comme celui de Pinocchio quand il est pris en flagrant de délit de mensonge. Alors on découvrirait que le récit facétieux et métaphysique de Carlo Collodi, où règne l'archétype de la mort et de la renaissance, est doté d'une profondeur ésotérique insondable, et peut-être même intolérable.

 

  • 2023, on ne battra pas en retraite

 

Faire advenir le salariat : avec la pension de retraite comme salaire continué qui démontre que nous pouvons produire en étant libérés du joug du marché du travail, des employeurs et des emplois, des investisseurs, de la finance et des banquiers, nous pouvons émanciper la création monétaire, libérée de la marchandise et de la propriété lucrative, fondée sur la qualification des salariés, les seuls producteurs de richesses.

 

 

« En même temps » : la locution adverbiale est devenue la signature rhétorique du nouveau consensus, celui de l’extrême-centre, ses formules et ses sophismes. « En même temps » tient du « ninisme » qui est censé réfuter les extrémismes au nom de la seule autorité qui vaille : l’autoritarisme du capital. « En même temps » sert en réalité à ne surtout pas dire : « de deux choses pas l’une ». D’inspiration godardienne, cette locution alternative a pour enjeu de penser les rapports sociaux dialectiquement, qui sont des contradictions antagoniques que dénie la formule consensuelle du « en même temps ». Contre l’idéologie de la dénégation, la dialectique est à l’épreuve des antagonismes dans les rapports entre les mondes sociaux, et que les synthèses, provisoires et précaires, et encore à venir, s’essaient à symboliser malgré tout.

 

 

Un livre peut être comme la rose dont la valeur emblématique rayonne pour tout cinéphile marqué par Citizen Kane et son fameux sésame : Rosebud. Le livre est une fleur qui s’ouvre en béant de fièvre. La rose comme le livre qui s’y dédie offrent deux côtés, comme deux lèvres : un côté pile qui tombe un peu trop pile poil et un côté face qui fait tomber le masque, l’auteur à poil en révélant que sa cinéphilie est un jardin intranquille où ont poussé des fleurs du mal.