Nouvelles du front de 101 à 110

On l'a dit, la pensée d'Alain Badiou placée sous la condition philosophique de la survenue de l'événement faisant exception au compte réglé des situations et réclamant fidélité des sujets qui en procèdent politiquement a beau insister sur la « désidentification » (comme le dirait Jacques Rancière) de l'émancipation révolutionnaire et la prise de pouvoir étatique comme sur la fin historique du modèle léniniste de la « forme-parti ».


En juin dernier, a été lancé un appel à l’initiative de plusieurs chercheur-se-s en sciences sociales visant à donner ou redonner à leurs disciplines respectives une place de premier plan dans le débat public : celle de critique de l’existant dévolu à la reproduction des inégalités. A la suite de la fondation Copernic, du Réseau salariat et du groupe des « économistes atterrés », « Champ libre aux sciences sociales » représente ainsi le nouvel effort des intellectuels pour constituer l’« intellectuel collectif » imaginé par Pierre Bourdieu après les grandes grèves de 1995.


Résumer le travail de l’historien de l’art Georges Didi-Huberman, enseignant à l’École des Hautes Etudes en Sciences Sociales, oblige à considérer le grand risque d’une lecture schématique ou réductionniste tant ses livres sont nombreux et ses thèmes à chaque fois croisés et recroisés au cours de développements dont la rigueur analytique (ses appareils critiques sont par exemple remarquables de précision) s’expose dans la beauté stylistique d’une écriture constamment attentive à la musicalité et la rythmicité de chaque phrase.


D'abord, l'éditeur et sa maison d'édition : si La Fabrique est une maison d'édition fondée en 1998 dont le catalogue est l'un des plus stimulants qui puissent aujourd'hui exister, Eric Hazan est un homme d'édition (déjà les éditions Hazan), un vrai (qui serait un peu, toutes choses égales par ailleurs, comme le François Maspero des temps actuels). Autrement dit un éditeur indispensable sur lequel peuvent compter tous ceux qui ne se satisfont ni de l'ordinaire capitaliste ni du renoncement à l'hypothèse communiste. 


1/ L’ouvrage d’Étienne Balibar et Immanuel Wallerstein (Race, nation, classe. Les identités ambiguës, éd. La Découverte – coll. Poche, 1997) est la publicisation d’un séminaire qu’ils ont conjointement animé pendant 3 années, entre 1985 et 1987, à la Maison de Sciences de l’Homme de Paris. L’ouvrage consiste en un dialogue entre le philosophe français et l’historien et sociologue étasunien sur la modernité du phénomène raciste et ses implications avec le capitalisme contemporain.


A l'adresse de tous les réactionnaires qui défendent un modèle familial fétichisé au détriment d'une réalité sociale autrement plus évoluée, nous leur proposons l'hymne tordant qui expose leur nullité idéologique : Every Sperm Is Sacred des glorieux Monty Python. 


Paris nous appartient : c'était déjà le titre du premier long-métrage de Jacques Rivette réalisé entre 1958 et 1961, promettant le prolongement cinématographique du programme individualiste ramassé par les mots de l'arriviste Eugène de Rastignac proférés avec le décès du personnage éponyme du Père Goriot (1835) : « A nous deux maintenant ». Devenu depuis « A nous deux Paris », le cri de l'arriviste était alors suivi dans le roman de Honoré de Balzac de la phrase suivante, toute teintée d'ironie : « Et pour premier acte de défi que Rastignac portait à la société, il alla dîner chez la baronne de Nucingen ».


« Qu'est-ce qu'être révolutionnaire aujourd'hui ? » Si la question mérite d'être posée, c'est d'abord et avant tout pour discuter de ce qui viendrait en de tels termes la légitimer ainsi, depuis l'inscription dans ce registre de formulation particulier. Car, de la survalorisation de l'auxiliaire être (répétée deux fois) à la déclinaison adjectivale identifiant l'être de ce que révolutionnaire voudrait dire, on ferait déjà remarquer qu'à la question de la révolution aura été préférée celle de ses acteurs soucieux d'user du nom de révolution dans la perspective d'un opérateur d'identification politique.


Le Grand Palais propose du 5 mars au 21 juillet 2014 la première rétrospective consacrée en France à l'un des plus importants artistes vidéo de notre époque : Bill Viola. Ce sont vingt projections, diffusions et/ou installations qui permettent alors de saisir à la fois l'extrême cohérence formelle de son œuvre et sa forte suggestivité plastique. Mais aussi de réfléchir aux questions diversement impliquées par un geste artistique qui, en reposant primordialement sur la différence matérielle entre vidéo et analogique (la continuité du signal électronique restituant immédiatement en régime vidéo une image qui demande en régime analogique le développement différé de la pellicule), désire travailler directement la matière temps afin d'en offrir sublimement la restitution au spectateur. Au risque que le sublime ne reconduise d'anciens éthers éventés. 


400 pages et 500 entrées rédigées par 215 chercheur-se-s en sciences humaines et sociales (en sociologie et en économie, en philosophie et en droit, en géographie et en statistiques, en ethnologie et en anthropologie, et même en médecine comme en mathématiques) : le Dictionnaire des inégalités écrit sous la direction d'Alain Bihr et Roland Pfefferkorn semble particulièrement bien armé pour faire autorité sur la question.