La mobilisation continue malgré un important déploiement policier à chaque manifestation. 500 étudiants ont manifesté lundi 21 février face au ministère de l'Enseignement supérieur. Samedi, la marche d'un millier de militants politiques a tourné à l'affrontement avec la police. Une dizaine de manifestants ont été blessés. Au lendemain de la révolution égyptienne, l'Algérie a fait pâle figure : la manifestation organisée par l'opposition le 12 février n'a pas mobilisée la foule. La police était elle présente en masse : plus de 25 000 agents ont empêché les protestataires de défiler.
Luis Martinez, directeur scientifique à l'école de gouvernance économique de Rabat et directeur de recherche à Sciences-Po-CERI, explique : « Les organisateurs n'ont pas réussi à rendre crédibles ses mots d'ordre. » Le RCD, principal parti à l'origine de la manifestation, n'a pas la confiance du peuple algérien.
En 1991, lors du coup d'État de l'armée, il a décidé de s'allier au pouvoir, dirigé par les militaires : « Durant la guerre civile, il a pris son parti contre les islamistes du FIS et s'est retrouvé prisonnier de la logique de l'armée. »
La ligue algérienne pour la défense des droits de l'homme, ONG qui est restée en retrait des deux camps, a plus de légitimité pour impulser un mouvement de révolte. Mais son président, Ali Yahia, est âgé de 82 ans. "Elle n'a peut-être pas la force de l'impulser."
Depuis l'indépendance du pays en 1962, l'Algérie est gouvernée par les militaires. Toute une ribambelles de présidents ont défilé à la tête du pays, à chaque fois installés par l'armée. La destitution de Bouteflika n'est pas inenvisageable selon Luis Martinez : « Si les manifestations se crispent, les militaires n'hésiteront pas à le sacrifier. Ils ont déjà écarté un président en 1992 : Chadli Benjedid. » Cela ne marquera pas pour autant la fin du régime en place.
La différence avec l'Égypte selon le chercheur, c'est que les Algériens en ont conscience : « Ils savent que le président a un rôle symbolique. »
La journée du 12 février n'était pas la première manifestation contre le pouvoir. Fin janvier, des émeutes violentes antigouvernementales avaient secoué le pays. Dans tout le pays, les jeunes étaient descendus dans la rue. Plusieurs personnes ont été tuées. Le chercheur remarque : « Les émeutes sont fréquentes en Algérie, il y a une banalisation de la violence et de la répression ».
Selon lui, seule la mise en place d'un mouvement pacifique pourrait déstabiliser le régime : « Il est prêt à l'affrontement, entre la lutte contre Al-Qaida dans le sud et les émeutes dans le Nord. Il serait plus inquiété par l'image de pacifiques réclamant des droits et des libertés retransmises par les médias étrangers. »
Des dizaines de milliers de personnes se sont regroupées mardi 22 février pour une marche vers la place de la Perle, l'épicentre de la contestation. Les manifestants ont appelé à la chute du régime. Pour le moment, la manifestation se déroule dans le calme mais un manifestant a été tué par les forces de sécurité lundi, portant à 14 le nombre total de morts dans tout le pays. Le Grand Prix de Barheïn, qui devait marquer le début de la saison de Formule 1 le 13 mars, a été annulé.
Taux de chômage en 2005 : 15 %
Lundi 14 février, des manifestations antigouvernementales ont éclaté dans plusieurs villages du royaume. Le "jour de la colère" a connu une fin tragique : deux jeunes sont décédés lors d'altercations avec la police.
Comme en Égypte et en Tunisie, les manifestants ont protesté contre le chômage, très élevé au Bahreïn. Mais la raison de cette inactivité est spécifique aux pays du Golfe : la majorité de la main-d'œuvre est d'origine étrangère. Au Bahreïn, elle vient principalement de l'Inde. "Plus productive et moins bien payée, elle est préférée à la population locale, qui se retrouve en difficulté économique", détaille Laurence Louër, chargée de recherche à Sciences-Po Paris et auteur de "Chiisme et politique au Moyen-Orient".
Les mots d'ordre scandés par les manifestants étaient aussi de nature politique. Le Bahreïn est l'un des pays arabes où les habitants disposent du plus de libertés. Une presse en partie libre est publiée, les partis d'opposition et les syndicats sont tolérés. Cette liberté est cependant relative. Ces dernières années, le pouvoir a fermé beaucoup de blogs, des opposants ont été emprisonnés. Les manifestants exigent le retour de la Constitution de 1973, avec laquelle le parlement avait davantage de pouvoir.
Ce n'est pas tout. "Il existe un clivage profond entre la monarchie au pouvoir, qui est sunnite, et la majorité de la population, qui est chiite", explique Laurence Louër. Les Chiites, qui protestent contre la discrimination professionnelle, se plaignent d'être marginalisés au sein des administrations.
Encouragées par les révolutions tunisiennes et égyptiennes, les Bahreïnis ont organisé une marche le 14 février. Ce n'était pas la première. "Depuis 2004, des manifestations, portées par les mêmes revendications, ont régulièrement lieu", précise Laurence Louër.
Pourtant, il n'est pas certain que cela aboutisse à un changement de régime. La solidarité qu'a exprimé l'armée envers le peuple en Tunisie et surtout en Égypte n'existe pas au Bahreïn. "L'armée est essentiellement constitué de mercenaires sunnites, provenant de Syrie, Jordanie, ou encore du Soudan". Les soldats, très bien payés, sont extrêmement loyaux envers le pouvoir.
La présence de la cinquième flotte US risque aussi de compliquer la tâche des manifestants antigouvernementaux. Il s'agit d'une base militaire très importante pour les États-Unis, qui entretiennent une relation étroite avec le pouvoir actuel. "Washington est très méfiant envers les parti d'opposition, dont les principaux sont chiites", affirme Laurence Boër. Une partie de l'opposition est en effet très proche du régime iranien. "Même s'il faut relativiser ce relai d'influence, il est clair que le pouvoir entretient cette méfiance."
Principale réserve de pétrole au monde et géographiquement proches de l'Iran, les pays du Golfe sont surveillés de près par les États-Unis. "L'équation géopolitique est très différente de la Tunisie ou de l'Égypte"..
Vingt jours après la démission du président égyptien, la justice s'attaque à la fortune du Raïs déchu. Le gel de ses fonds et de ses biens a été demandé aux autorités suisses. Cette fortune colossale s'élèverait à plusieurs dizaines de millions de francs suisses. Pendant ce temps, le pays rétablit peu à peu ses relations diplomatiques. Lundi 21 février, c'est David Cameron, le premier ministre anglais, qui était reçu au Caire.
Taux de chômage en 2009 : 9,7 %
Part de la population ayant accès à Internet : 26 %
Encouragé par le succès de la révolte tunisienne, le peuple d'Egypte s'est lui aussi rebellé contre son dictateur. Une dizaine de jour après la chute de Ben Ali, les Égyptiens sont descendus dans la rue pour exiger le départ d'Hosni Moubarak, au pouvoir depuis 1981. Le 25 janvier, plusieurs milliers de manifestants se sont rassemblés au Caire sur la place Tahrir pour le "jour de la colère". Le lieu est devenu l'épicentre du mouvement.
Face à un pouvoir sourd aux revendications des manifestants, les Egyptiens ont tenu bon. Chaque jour, ils ont été plusieurs milliers à occuper la place. Des rassemblements ont aussi été organisés dans le reste du pays, notamment à Alexandrie et Suez.
Au lendemain de la "marche du million", organisée le 1er février et très suivie, le pouvoir a répliqué : des hommes payés par le gouvernement se sont rués sur les manifestants, pacifiques.
Malgré la violence des affrontements, les Égyptiens n'ont pas abdiqué pas
Le 10 février, la situation se débloque : Hosni Moubarak transfère ses pouvoirs de chef des armées aux militaires. Ces derniers ont joué un rôle de premier ordre dans la révolte : dès le 31 janvier, ils ont annoncé ne pas vouloir faire l'usage de la force contre les manifestants. Une promesse tenue. Historiquement, l'armée fait partie du pouvoir en Égypte : Moubarak est lui-même un ancien général. Une partie des militaires s'était cependant désolidarisée du Raïs : l'idée que Gamal, fils d'Hosni, lui succède à la tête de l'Égypte, n'était pas approuvée par tous .
Après le refus de Moubarak d'abandonner son pouvoir, la détermination des Égyptiens, frustrés, est à son comble. Le lendemain, ils sont des millions à travers l'Égypte à sommer Moubarak de partir. En fin d'après-midi, leur vœu est exaucé : Omar Souleiman, vice-président, annonce la démission du dictateur. Le Conseil suprême des forces armées prend le pouvoir et promet d'organiser des élections d'ici à un an. Reste à savoir si l'armée, omniprésente dans les structure de l'État, acceptera de lâcher du leste face à des partis politiques à présent déclarés libres.
Les États-Unis, soucieux de préserver les accords de paix conclus entre l'Égypte et Israël, seront attentifs à la transition politique qui s'opèrera dans les mois à venir.
Sept manifestants ont perdu la vie au nord de Bagdad et à Mossoul, pendant les manifestations du "Jour de colère" en Irak. Cela porte à onze le nombre de victimes depuis le début de la contestation dans ce pays. A centre de bagdad, ce sont plus de 5 000 manifestants pacifiques qui se sont rassemblés place Tahrir. Ils se sont confrontés aux forces de la police et de l'armée, massivement mobilisées. Un mouvement dénommé "La révolution de la colère irakienne" a appelé à la manifestation pour exigé "Le changement, la liberté et la démocratie véritable". Des contestations avaient d'ailleurs déjà éclaté dans certaines provinces, tant chiites que sunnites : Al-Anbar, Bassora, Bagdad mais aussi Mounthana ou Mossoul. Suleimaniyé, deuxième ville kurde, ferait déjà l'objet de fortes tensions. Deux morts y ont déjà été déplorés. Le premier ministre, Nouri al-Maliki, a déjà appelé à ne pas manifester.
Taux de chômage en 2009 : 15,3 %
L’Irak est un pays totalement rentier, qui fonctionne pour une très grande partie grâce à l’aide de la communauté internationale.
La politique intérieure semble marquée de nombreux échecs cuisants : la sécurité, d'abord, qui n'a pas vu d'amélioration sensible, mais aussi le chômage massif et le manque de services de première nécessité.
L’état central est autoritaire mais néanmoins faible : tout le pays est traversé par une segmentation importante. Segmentation d’ordre sécuritaire mais aussi politique : il n’est pas impossible que certaines formations au pouvoir rejoignent la rue pour affaiblir le premier ministre, Nouri al-Maliki. La fracture économique, aussi, divise la population. Il existe une classe extrêmement riche, du fait de la corruption et d’un cycle d’enrichissement accéléré lié à la reconstruction du pays.
D'un autre côté, le territoire subit une extrême pauvreté, due pour partie à la guerre qui le traverse depuis 2003 (sans oublier les bombardements de la première guerre du golfe, en 1991, très destructeurs). Mais le pays est aussi confronté à un important taux de corruption. La pratique en est banalisée quelque soit le niveau de la société, cela constitue un réel levier pour une éventuelle contestation.
Le pouvoir a organisé vendredi une "marche de haine et de colère" pour jeter l'opprobre sur les responsables de l'opposition, l'ex-Premier ministre Mir Hossein Moussavi et l'ancien chef du Parlement Medhi Karoubi.
Taux de chômage en 2009 : 11,8 %
Part de la population ayant accès à Internet : 5 %
L'Iran ne fait pas partie du monde arabe, mais les événements d'Egypte ont clairement rallumé un feu qui couvait. A Téhéran, le 16 février, ils ont été des milliers à battre le pavé au nom de la démocratie. Une première depuis la révolution verte durement réprimée en 2009. A la suite des manifestations qui ont suivi l'élection truquée d'Ahmadinejad en juin 2009, le mouvement de contestation s'était calmé.
Lundi, des centaines de personnes se sont également réunies dans le centre d’Ispahan et de Shiraz, villes situées au sud de la capitale.
Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi, principaux leaders de l’opposition, n’ont pas pu se joindre aux manifestants. Sur sa page Facebook, Mir Hossein Moussavi écrit :
“Mir Hossein Moussavi comme Mehdi Karoubi ont été assigné à résidence, et tous leurs canaux de communication ont été déconnectés par le gouvernement.”>
La répression ne s'est pas fait attendre. Les basidjis, faisant partie des gardes de la révolution, ont dispersé la foule à l'aide de gaz lacrymogène :
Les Iraniens ne se sont pas découragés. Malgré les violences, ils ont manifesté de nouveau ce mercredi, lors des funérailles d'un étudiant tué par balle lundi. Des affrontements ont eu lieu en marge du cortège.
Le régime iranien ne semble pas prêt à faire la moindre concession. Il a annoncé l'organisation d'une "journée de la haine et de la colère" vendredi prochain, contre Mir Hossein Moussavi et Mehdi Karoubi...
Vendredi 25 février, les scènes de guerres continuent, en particulier à 50 km à l'Ouest de Tripoli où des barricades ont été dressées pour ralentir l'avancée des révoltés. Dans un quartier de l'ouest de la ville, Djanzour, les forces de l'ordre ont ouvert le feu sur la foule auraient fait au moins cinq victimes. Presque tous les gisements pétroliers, à l'Est de Ras Lanouf, ont été pris par les insurgés. Ils ont déclaré conserver les "contrats légaux" passés avec les sociétés étrangères. Le clan Kadhafi ne désarme pas : retranché dans son bunker à Tripoli, le colonel est protégé par son unité spéciale, comptant 9 000 hommes, des chars et des avions. Son fils, Seif al-Islam, s'est exprimé à CNN : "Nous avons un plan A, B et C." Les trois plans se résument à ces quelques mots : "Vivre et mourir en Libye". Le gouvernement libyen a pourtant annoncé des mesures supplémentaires pour la population (augmentation des salaires, des allocations...), l'Otan a organisé une réunion d'urgence afin "d'aider ceux qui en ont besoin" et de "limiter les conséquences des événements".
Taux de chômage en 2009 : 30 %
Part de la population ayant accès à Internet : 5,5 %
La Libye n'échappe donc pas au vent de la révolte arabe. Depuis la mi-février, des émeutes agitent le pays. Parties de l'Est du pays, elles ont gagné la capitale, Tripoli.
Même si les soulèvements actuels se démarquent par leur ampleur et leur violence, ce n'est pas la première fois que la population se révolte. Depuis les années 1990, le régime libyen est régulièrement confronté à des émeutes. Luis Martinez, directeur scientifique à l'école de gouvernance économique de Rabat et directeur de recherche à Sciences-Po-Ceri, précise : « En 1996, un groupe islamiste de combattants pour le Jihad a par exemple tenté de renverser le régime. »
Les manifestants ont un nombre de griefs importants. Souvent, il s'agit de réclamer la libération de prisonniers politiques, comme en 2008 ou 2009. la répression des opposants, notamment islamistes, a été très sévère. Près de Benghazi, dans l'Est du pays, "il y a eu énormément de violences".
Le régime libyen s'approche davantage du Yémen que de l'Égypte : l'organisation du pays y est tribale. Trois grandes tribus se partagent les secteurs stratégiques de la Libye. Les Kadhafa (dont fait partie, comme son nom l'indique, Mouammar Kadhafi) est la plus importantes. Elle domine la Warhfalla, aussi influente. Elle est notamment présente dans l'armée, même si la tribu a été mise sous contrôle par la Kadhafa, après qu'elle a essayé de prendre le pouvoir. Dernière tribu, la Marhala, se partage la dernière part du gâteau libyen.
Le reste du pays, soit 80% de sa population et les tribus qui la composent, est entretenu par la rente pétrolière que les trois principaux groupes distribuent. En échange de cette distribution d'argent, les tribus font un trait sur leur liberté politiques.
« Aujourd'hui, la Libye est alphabétisée, la population est jeune. Ce qui pouvait tenir avec une population limitée et tribale ne peut perdurer avec 7 millions d'habitants. »>La tribu des Zuwayas, très influente dans l'Est du pays, a ainsi menacé le 20 février de perturber l'exploitation du pétrole si les autorités ne cessent pas « l'oppression des opposants » dans les 24 heures qui viennent. Le jeu des allégeances tribales, qui semble aujourd'hui bousculé, déstabiliserait ainsi Khadafi.>Selon le chercheur, Seïf al-Islam, l'un des fils du dictateur, et qui a fait une intervention télévisée le 20 février, a cherché à réformer le pays entre 2003 et 2009. « Mais il s'est confronté aux 'staliniens' du régime, qui l'ont marginalisé des cercles proches de Khadafi. » Lors de son discours, il a pourtant pris la défense de son père, qui n'a fait aucune apparition télévisée. Seïf al-Islam a imité le style du paternel, accusant les manifestants d'être des "drogués" et l'étranger de fomenter un complot contre la Libye.
Cinq manifestants sont morts dans l'incendie d'une banque lundi 21 février, au cours des manifestations émaillées de violences à Al-Hoceima dans le nord du pays. On recense également 128 blessés. La veille, 37 000 personnes ont défilé pour réduire les pouvoirs du roi, mais les manifestant ne réclamaient pas son départ. Le Maroc connaît à son tour son appel à manifester « pour le changement » qui circule sur les réseaux sociaux. Mais cette mobilisation, prévue le 20 février, suscite un débat brouillé par le contexte géopolitique et par le fait que le pays est dirigé par un roi, Mohammed VI, et pas par un général. Le Maroc peut-il lui aussi être gagné par la fièvre révolutionnaire, ou est-il « différent » ? L'instigateur de l'appel à manifester sur Facebook, Rachid Antid, 35 ans, est un natif et habitant de Meknès, ville du Nord du pays, licencié en droit privé, formé en informatique et actuellement au chômage. Rachid Antid avance à visage découvert et affirme ne pas craindre la répression.
Ceux qui ont voulu inclure le Maroc dans la théorie des dominos à la suite de la Tunisie et de l'Egypte sont sévèrement attaqués. Y compris Moulay Hicham, cousin du roi, en froid avec le palais, installé aux Etats-Unis, dénoncé pour son interview au quotidien espagnol El País, dans laquelle il estimait que le Maroc « ne fera pas exception » à cette contestation. Des propos qu'il devait reprendre, et nuancer, sur le plateau de France 2.
Sur les réseaux sociaux, la bataille des pro et anti-manif du 20 février fait rage et se poursuivra jusqu'à dimanche. Parfois, c'est fait avec humour, comme avec ce tweet provocateur : « Si vous n'êtes pas contents au Maroc, vous n'avez qu'à vous immoler en Tunisie. »
Plus d'une centaine de Syriens ont manifesté jeudi à Damas contre la brutalité policière, selon le site d'opposition all4Syria.info.
Taux de chômage en 2009 : 9,2 %
Part de population ayant accès à Internet : 1 %
Sous le joug de Bachar el-Assad depuis onze ans, les Syriens ne sont pas moins attentifs aux révoltes qui secouent les pays arabes alentours. Inquiet, le régime a convoqué les responsables des services de renseignements.
Redoutant une contagion des contestations égyptiennes et tunisiennes, il leur a demandé de faire en sorte que les différentes régions du pays ne puissent communiquer entre elles.
Le terrain, propice au soulèvement populaire, est le même qu'en Tunisie et en Égypte : diplômés sans travail, chômage élevé, population extrêmement jeune, libertés brimées.
Pourtant, les appels à la manifestation lancés sur Facebook et rejoints par des dizaines de milliers d'internautes, n'ont pas été suivis dans les faits. Le 4 février, seuls des cordons de policiers étaient présents devant le Parlement à Damas. Les manifestants n'étaient pas au rendez-vous.
Caroline Donati, auteur de 'L'exception syrienne', explique : « Le mur de la peur s'est effondré en Égypte et en Tunisie, c'est différent en Syrie. » Le régime est réputé pour être extrêmement sévère envers ses opposants.
En 1982, la ville d'Hama s'était insurgé contre Hafez el-Assad, père du président actuel. Pour mater les contestataires, le régime avait alors bombardé la ville pendant plus de vingt jours. Un massacre que les Syriens ont encore à l'esprit, selon l'auteur : « L'Égypte et la Tunisie n'ont pas en mémoire de tels massacres, même si aujourd'hui il serait difficile de reproduire une telle répression ; notamment en raison de la circulation de l'information en Syrie et de la médiatisation. Le niveau de "tolérance" de la communauté internationale a aussi évolué.»
Une autre peur existe : celle du chaos. La Syrie est un mille-feuille communautaire. Le pays, composé principalement de Sunnites, est dirigé par un président allaouite (branche du chiisme). Au Nord-Est du pays, dans la Djezireh, vit une population kurde. A cela s'ajoutent également une minorité chrétienne et druze. « Avec les exemples du Liban et de l'Irak, que redoutent les Syriens, le régime entretient la peur du chaos communautaire ».
Pour endiguer tout mouvement de révolte, il a distribué de l'argent à la population, a annoncé un plan de 250 millions de dollars pour les pauvres. Et annoncé l'autorisation de Facebook et de YouTube. Des mesures en surface qui cachent à peine la fermeté du pouvoir. Le régime syrien s'appuie en effet sur un service de renseignement tristement célèbre pour son efficacité et qui empêche à toute opposition de se développer.
« Si ces révoltes s'étaient produites au début des années 2000 - à la mort de Hafez el-Assad -, elles auraient pu induire un changement de direction, ce qui est moins probable aujourd'hui : la Syrie, à la différence de l'Égypte, a mené sa transition dynastique », analyse l'auteur. A son arrivée au pouvoir, Bachar el-Assad avait lâché un peu de leste. Mais le « Printemps de Damas » a été vite réprimé : après une rapide ouverture, le régime s'est durci, et a vite renvoyé ses opposants derrière les barreaux. En 2005, la machine coercitive a été huilée. La réorganisation de l'appareil sécuritaire a été achevée en 2009. « Il y a une certaine loyauté envers le président », affirme Caroline Donati. De son côté, l'armée n'a pas le même pouvoir qu'en Égypte. Elle est à présent tenue par des officiers fidèles au président. A un détail près, selon Caroline Donati : « En cas de révolte, il n'est pas impossible qu'une partie d'elle soit solidaire avec les manifestants, car elle partage les mêmes conditions sociales que la population moyenne. » Mais en cas de trouble, le régime ferait davantage appel à une unité d'élite allaouite, fidèle à Bachar Al-Assad.
Le régime fera tout pour étouffer la révolte. Caroline Donati précise : « Dès qu'il y a une brèche, la population s'y faufile, le pouvoir maintient donc sa fermeté ». Depuis six ans, la répression a beaucoup crû en Syrie. Dernière manifestation de son arbitraire : le 14 février, Tal al-Mallouhi, 20 ans et blogueuse, a été condamnée à cinq ans de prison pour avoir "révélé des informations à un pays étranger".
Plus d'un mois après la chute de Ben Ali, le pays reste en ébullition : des milliers de Tunisiens ont manifesté dimanche pour réclamer la démission du Premier ministre Mohamed Ghannouchi et de son équipe. Le gouvernement de transition a annoncé des élections d'ici six mois, mais sans donner de date précise. La montée de l'insécurité inquiète : entre autres troubles la mort d'un prêtre polonais, égorgé dans le hangar d'une école, a marqué les esprits. Plus de 5 500 migrants ont quitté le pays pour rejoindre l'île italienne de Lampedusa ces derniers jours.
Taux de chômage en 2009 : 13,3 %
Part de la population ayant accès à Internet : 18 %
Il aura fallu un mois à la Tunisie pour s'extirper de l'emprise d'un dictateur vissé à son siège depuis 23 ans. Le 14 janvier, Zine El Abidine Ben Ali quitte hâtivement le pouvoir et la Tunisie, direction l'Arabie Saoudite.
Le 17 décembre, la mort de Mohammed Bouazizi a déclenché une révolte sans précédent. Le vendeur à la sauvette, fatigué d'être harcelé et brutalisé par une police corrompue, s'immole. Un symbole. S'en suit des manifestations spontanées, menées par des Tunisiens solidaires de la victime, en qui ils se reconnaissent.
Les jeunes ont transporté la révolte. Diplômés, ils sont souvent contraints d'accepter des emplois sous-qualifiés : si l'accès à l'université a été facilité, les débouchés se font rares.
Au fil des jours, les revendications prennent une teneur politique : les slogans dénoncent la corruption, la main-mise de l'entourage du président sur l'économie du pays.
Malgré la répression du pouvoir, la mobilisation de la société s'est avérée payante. Dans un pays déserté par la police, les Tunisiens, solidaires, se sont organisés. Des comités de défense ont été créés dans les quartiers pour défendre la population contre les attaques de bandes violentes. Par dizaines, des jeunes menacent les habitants, détruisent les bâtiments publics, effrayent la population. Selon les responsables de ces comités, il s'agirait de prisonniers libérés ou de jeunes misérables payés par le pouvoir pour effrayer les manifestants et étouffer la révolte.
L'armée, présente dans les rues du pays durant les émeutes, ne s'est pas retournée contre le peuple. Elle a même, à certains moment, empêché les affrontements en protégeant les manifestants contre les attaques de la police.
Depuis la chute de Ben Ali, les libertés sont nettement plus nombreuses : le premier ministre Mohamed Ghanouchi a promis d'organiser des élections libres, le parti de Ben Ali, le RCD, a été suspendu. La liberté d'expression n'est plus brimée. Des purges ont eu lieu dans les administrations, notamment au ministère de l'intérieur, dont le personnel avait été nommé et formé par le clan Ben Ali. L'opposition autre fois interdite, est a présent autorisée. Moncef Marzouki, fondateur du Congrès pour la République et Rached Ghannouchi, leader d'El Nahda, parti islamiste, sont rentrés en Tunisie.
Si les Tunisiens apprécient leur liberté, le doute ne s'est pas complètement estompé. Le nouveau gouvernement est composé à majorité d'ancien cadres du RCD. La méfiance persiste envers les chefs de police complices de l'ancien régime, toujours en place dans certaines villes. Des troubles persistent, à Kasserine et à Kef notamment.
Malgré cela, les Tunisiens, heureux d'être enfin libéré de l'étau Ben Ali, croient en la démocratie. Et font rêver les autres pays de la région... Dernière minute : on apprend, dimanche 27 février, que Mohamed Ghannouchi a jeté l'éponge et n'est donc plus chef de l'Etat provisoire de Tunisie.
Un grand sit-in pacifique devant l'université de Sanaa : c'est l'action choisie ce lundi par 3 000 opposants au président Abdullah Salleh. Mais dans une déclaration, ce dernier affirme qu'il ne cèderait pas "à l'anarchie et aux tueries", mettant au défi les manifestants de mettre fin au régime "par les urnes". Depuis jeudi, les troubles à travers le pays ont fait 12 morts.
Taux de chômage en 2009 : 35 %
Part de population ayant accès à Internet : 2 %
De nombreuses manifestations ont rassemblé depuis janvier des milliers de Yéménites à Sanaa, capitale du pays.
Face au mécontentement d'une partie de la population, le président Ali Abdullah Saleh a reporté les élections législatives prévues en avril 2011 et a promis de ne pas se représenter en 2013. Les raisons qui légitiment une révolte sont nombreuses : la guerre de Saada, dans le Nord du pays, n'est pas achevée, les revendications sécessionnistes au Sud également : la légitimité du pouvoir est faible. La souveraineté du Yémen a été discréditée par la publication de câbles révélés par Wikileaks, montrant que la guerre mené par le Yémen contre Al Qaida est téléguidée par les États-Unis. A cela s'ajoutent une crise économique et le chômage.
La fin du régime en place n'est pourtant pas acquise. L'opposition, qui a initié le mouvement de révolte, n'est semble-t-il pas assez mobilisée pour faire durer le mouvement de révolte. Les principaux partis qui la composent (les socialistes et al-Islah, parti islamo-tribal) ont déjà gouverné. Peu crédibles pour réformer la société, ils ne fédèrent pas les protestataires. Les étudiants, très nombreux à manifester, ne sont pas acquis à leur cause.
Autre point important : la dimension tribale du Yémen, qui n'est pas sans conséquence. Le président a passé des alliances temporaires avec des tribus, qui répriment les manifestations "pro-démocratiques". Il n'est pas impossible que la confrontation entre tribus ayant fait allégeance aux camps adverses (pro-démocratie-pouvoir en place) entraîne un bain de sang.
[D'après le site Rue89 (http://www.rue89.com/ : link)]
27 février 2011
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