MES est en fait le sigle désignant le Mécanisme Européen de Stabilité qui devra se substituer d’ici 2013 à deux dispositifs déjà existants, le Fonds Européen de Stabilité Financière (FESF limité à la zone euro) et le Mécanisme Européen de Stabilité Financière (MESF limité à l’UE) qui devaient normalement répondre à la crise des dettes souveraines ébranlant la zone euro. Le MES consiste en la capacité de lever des fonds sur les marchés financiers à hauteur de 500 milliards d’euros afin d’aider un pays membre en difficulté de régler ses créances. Le problème du MES réside dans les critères de conditionnalité de l’aide financière qu’un tel dispositif peut apporter, qui participent en réalité à réduire davantage la souveraineté des peuples otages des Etats eux-mêmes toujours davantage sous la coupe des marchés.
Décidé en Conseil européen en décembre 2010, voté au Parlement européen le 23 mars 2011 et soumis à la ratification des pays membres de l’UE durant toute l’année 2012, le MES est en fait une organisation intergouvernementale dirigée par un Conseil des gouverneurs (chaque gouverneur sera désigné par les Etats membres) et dont le siège se trouve comme par hasard à Luxembourg, au plus près d’un des nœuds de la finance mondiale. D’après les économistes de la Banque Centrale Européenne (BCE) eux-mêmes, le MES équivaudrait à un super-ministère des finances européennes dont l’indépendance politique, calquée sur le fonctionnement de la BCE, lui assurait en fait d’être complètement dépendant des marchés financiers. En plus, les pays intégrés aux processus du MES se verraient contraints de jouer le jeu des limites du déficit budgétaire, autant pour disposer de l’aide financière promise par le dispositif intergouvernemental, que pour éviter la menace de la mise sous tutelle financière.
Qui soutient à gauche le MES ? Des personnalités aussi diverses que Harlem Désir et Alain Lipietz, Pierre Moscovici et Yann Moulier-Boutang, Daniel Cohn-Bendit et Jean-Paul Besset disent oui au MES sous le beau prétexte de la solidarité financière européenne afin d’éviter à la fois l’extension de la crise qui frappe aujourd’hui la Grèce et la faillite des banques qui entraînerait une crise systémique dont ne se relèveraient pas les autres pays de l’UE. C’est d’ailleurs pour cette raison que, contrairement aux 44 élu-e-s PC, PG et EELV (et 16 PS) qui ont voté contre, 130 député-e-s PS et PRG se sont abstenus lors du vote parlementaire du projet de loi de ratification du traité instituant le MES mardi 21 février dernier (pour information, le MES passera au sénat le 28 février qui, une semaine avant, a voté une motion refusant le projet de « TVA sociale ». Les 261 député-e-s UMP et Nouveau Centre ont évidemment voté d’un même élan pour la « solidarité financière européenne ». Sauf que la solidarité en question se traduit présentement par un déni démocratique vérifié par l’absence de contrôle parlementaire sur les fonctionnaires du MES qui décideraient sans contre-pouvoir de piloter les politiques budgétaires des Etats adhérents au dispositif (et la France s’y engage à hauteur de 150 milliards d’euros). La formule est terrible : l’accord d’une aide financière par ce biais est synonyme automatiquement de mesures d’austérité, le remède étant ici pire que le mal. La conditionnalité de participation à ce fonds monétaire européen se trouve en faitt indexée sur l’adoption en 2013 du projet de Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance européenne (TSCG), que de mauvaises voix surnomment le « traité Sarkozy-Merkel ». Ce Pacte budgétaire européen, arrêté le 30 janvier dernier et ratifié par les parlements à partir du mois de mars prochain pour entrer en vigueur en janvier 2013, prône une « discipline budgétaire » signifiant la mainmise définitive des marchés sur les politiques budgétaires des Etats dès lors condamnés à une cure d’austérité pilotée par la Commission européenne, la BCE et le FMI. Et la cure en question ne sera synonyme de rien d’autre que du siphonage, voire du pillage des richesses produites sous la forme d’un nouveau recul de l'âge de la retraite, de la diminution des salaires et de la réduction des dépenses sociales.
Prenons le terrible exemple de la Grèce considérée comme le laboratoire européen de la nouvelle politique économique des Etats désormais entièrement vendus au capitalisme financier. Jusqu’où les peuples vont-ils devoir subir la ponction dont est victime, après neuf plans d’austérité, le peuple grec ? En Grèce, le salaire minimum a baissé de 22 %, les retraites de 15 %. Sur 11 millions d’habitant-e-s que compte ce pays, trois millions sont pauvres et ils représentent 30 % de la population. 20 % de la population active est au chômage, et ce pourcentage s’élève à 40 % des jeunes entre 15 et 24 ans. Quasiment 30 % des personnes qui se présentent dans les hôpitaux pour se faire soigner sont refusées, et il existe probablement un rapport entre ces refus massifs et les coupes à hauteur de 40 % du budget du secteur hospitalier. Comme il en existe un entre ces données et l’augmentation de la consommation d’héroïne (+ 20 %), des contaminations au VIH (+ 54 %), des suicides (+ 40 %). Si on n’avait pas encore compris que les recettes néolibérales décidées par la bureaucratie européenne sont autoritaires et antidémocratiques, le doublet MES-TSCG confirme nettement cette tendance. Comme le dirait le philosophe slovène Slavoj Zizek, le parlementarisme actuel prépare bien l’avenir à un nouveau totalitarisme.
25 février 2012
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