Juste Nazim

texte de Samir Ardjoum

Je ne sais pas écrire. Je ne sais pas créer du rythme. C'est tellement important la musicalité d'une phrase. On peut tout faire passer, même de la subjectivité. D'ailleurs, il n'y a que cet aspect qui me prenait quand je lisais un texte de (ou avec) le cinéma. Truffaut, un peu Godard, beaucoup (trop) Daney, maintenant du Biette et un peu de ci un peu de ça. Écrire sur le cinéma comme si l'on en faisait. Daney est peut-être le plus grand cinéaste de l'Histoire et son texte réunissant Wenders et Leone, mon film de chevet. Mais très peu de personnes peuvent comprendre cette évaporation de l'esprit. Très peu. Excepté les compagnons. Ils sont discrets, silencieux, paradoxalement actifs et surtout présents. C'est sans doute cela la clé. Le présent. Voir au présent, lire au présent, être présent au présent. Toujours faire en sorte que le monde ne puisse se périmer. Toujours croire qu'à la minute où je vous parle, il y a un ou une qui est en train de filmer son rêve et que ce rêve, je le verrais au présent.


Chaque chose que j'aimerais faire dorénavant c'est cette continuité du présent.


Hier, j'ai perdu une image qui m'était associée depuis 2009. Celle de Nazim Djemaï. Algérien, rêveur, promeneur, sismographe, cinéaste...et ami lointain. Il avait cette particularité de filmer la grâce du présent. Des bouts de vie. Des objets. Des choses anodines, mais finalement le cinéma, celui qui est fondamentalement vivant, c'est la conjugaison de plans sur des quotidiens anodins. C'est cela qui nous donne envie de croire à l'après, c'est cela qui nous donne un aperçu de l'avant et c'est finalement la juxtaposition de tout cela qui donne notre cinéma.


Il est mort, Nazim.
Et moi je suis vivant
Il est mort d'avoir trop recherché ce présent. Il l'a fait pour moi.
Je lui en serais toujours redevable

 

Le cinéma sera toujours ce lieu où l'amitié se partage au présent.


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