texte tiré de : http://www.alternativelibertaire.org/?Lire-Agamben-Badiou-Bensaid
Eric Hazan a eu la bonne idée de demander à huit philosophes contemporains leur vision de l’idée de démocratie, malmenée ces temps derniers.
Au terme de sept contributions plus un entretien, deux éléments semblent faire consensus, malgré l’hétérogénéité des positions. D’abord la démocratie est un signifiant vide susceptible des plus contradictoires réappropriations (Auguste Blanqui parlait déjà d’un mot « caoutchouteux »). Ensuite ce concept a largement été annexé pour légitimer, via les institutions bourgeoises, la domination et l’expansion du capitalisme.
Alors que Giorgio Agamben insiste sur la nature contradictoire de la démocratie divisée entre les corps politique et technique de gouvernement gestionnaire, Jacques Rancière renchérit sur le fait que la démocratie n’est pas un idéal à atteindre mais un présupposé égalitaire dont le surgissement (« anarchique » dit-il) fait politique. Alain Badiou lui oppose, dans une optique néoplatonicienne pour laquelle la démocratie est identifiée à la jouissance illimitée des marchandises, le communisme comme politique des peuples autonomes de toute subordination étatique. Si Jean-Luc Nancy conserve l’idée d’État dans un souci de séparation du social d’avec la politique, il analyse la puissance auto- créatrice du principe démocratique délesté de tout fondement transcendant.
L’approche léniniste de Daniel Bensaïd légitime la forme parti et la prise du pouvoir étatique afin d’instituer d’en haut plus de démocratie censée fragiliser l’hégémonie des classes dominantes. Si Kristin Ross rappelle que la démocratie est discréditée par l’oligarchie libérale se décrétant son meilleur promoteur, Wendy Brown rend compte des pouvoirs de « dé-démocratisation » que cette même oligarchie impulse pour satisfaire ses intérêts. Enfin Slavoj Zizek juge de la nécessité de la violence des dominés n’ayant pas de compte à rendre à un système anti- démocratique qui les opprime.
L’ouvrage a le mérite de dresser le panorama d’un pôle philosophique radical et anticapitaliste, et de poser la question de la vitalité et de l’avenir de la question démocratique.
Giorgio Agamben, Alain Badiou, Daniel Bensaïd et al., Démocratie, dans quel état ?, La Fabrique, Paris, 2009, 150 p., 13 euros.
03 juillet 2009