Le remplacement de Nicolas Sarkozy par François Hollande au plus haut sommet de l’État allait-il forcément entraîner une rupture avec l'entreprise capitaliste de pillage généralisé de la société ? Beaucoup à gauche y ont cru, malgré des signes patents délivrés donnés à l'occasion de la pathétique "primaire socialiste" (Rions un peu : les propositions « primaires » des candidats « socialistes »). Quatre mois après, le bilan est d'ores et déjà terrible, résumable ainsi : rien de nouveau sous le soleil brûlant de l'austérité.
Dans le langage technocratique du parti socialiste, l'austérité se prononce « redressement dans la justice ». Un piètre euphémisme pour signifier la perpétuation d'un cure drastique d'austérité payée par des classes populaires qui n'avaient pourtant rien demandé. Nous avons affaire en réalité à un siphonage des richesses sociales que celles-ci produisent afin de renflouer les caisses des banques qui ont sciemment confondu dépôt et spéculation. Sous la présidence Hollande-Ayrault, il ne s'agit même plus d'essayer1 : les habits neufs du néolibéralisme ont beau arborer dans sa variante sociale-démocrate française quelques fétiches symboliques (le « redressement » au sens de sortie de la crise économique, la « justice » au sens du partage égalitaire des efforts à consacrer dans cette sortie), ils ne camouflent en rien la ligne générale d'un régime d'accumulation du capital qui ne repose plus seulement sur l'endettement des ménages mais également sur celui des États. Nombreuses sont les preuves de la reconduction de l'austérité, tel le TSCG prévu à la ratification parlementaire en octobre prochain.
Le TSCG : la « règle d'or » bis repetita
Qui se souvient du pacte « euro plus » ou du « semestre européen » ? C'était seulement il y a un an ( MES ? La messe de l'UE est dite : reculs sociaux pour tout le monde !). La préconisation du gel des salaires et des cotisations sociales, de la diminution du nombre de fonctionnaires comme du recul de l’âge du départ en retraite légitimait la soumission aux institutions européennes (Conseil et Commission) des budgets nationaux, avant même toute délibération parlementaire. La « règle d'or » dixit Sarkozy qui appelle à la constitutionnalisation de l'équilibre budgétaire des comptes de l’État se nomme aujourd'hui Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance européenne. Le TSCG s'inscrit dans le dispositif plus global du « Pacte budgétaire européen » qui prône une « discipline budgétaire » établissant la mainmise définitive des marchés financiers sur les politiques budgétaires des États2. L'adoption par le PS du TSCG va logiquement déterminer la ligne générale en terme de politique économique nationale.
Fiscalité : quelques coups minables
Que propose sinon le couple Hollande-Ayrault, par exemple à la place du projet sarkozyste de « TVA sociale » qui consistait en gros dans l'échange d'une augmentation de trois points de la TVA (11 milliards d'euros) contre une hausse de la contribution patronale au versement des cotisations sociales (Deux nouveaux reculs signés Sarkozy : "TVA sociale" et "accords de compétitivité") ? On se souvient que l'échange consistait pour Sarkozy à troquer au bénéfice des patrons une hausse de TVA (payée par tout le monde puisque c'est un impôt prélevé à la source des marchandises achetées) contre une hausse des cotisations sociales patronales (payées par eux seuls) ! Donc, la réponse des « socialistes » : une augmentation de la CSG ! Créé par le gouvernement Rocard en 1990, cet impôt soustrait à toute logique de progressivité représente en fait la première tranche de l’impôt sur le revenu. Portant sur tous les salaires (retraites comprises), la CSG touche à peine aux revenus du patrimoine (11% sur les 89 milliards récoltés). De la hausse de la TVA à celle de la CSG, la note passerait du simple au double ! Comment voir dans ce recul une politique de gauche ? Avec la CRDS de Juppé créée en 1996, la CSG augmentée ne fera dès lors que renforcer la politique de fiscalisation-confiscation de la protection sociale ainsi arrachée au contrôle salarial (Les inégalités sociales sont aussi des inégalités fiscales).
Quant à la taxation (provisoire, le temps du désendettement) des riches qui a fait frémir jusque dans les pages du Figaro, le binôme Hollande-Ayrault a revu à la baisse son ambition de taxe sur 75 % des revenus supérieurs à 1 million d'euros annuel pour un célibataire, puisque seuls les revenus d'activité seront concernés. Il s'agirait en fait moins d'ajouter une nouvelle tranche que de créer une surtaxe sur le modèle de l'ISF qui, incluant la CSG et la CRDS, passerait du coup à 67 % ! Le fait que les revenus du capital soient épargnés par cette taxation n'a pas empêché Bernard Arnault, le capitaliste le plus riche de France (1 million mensuel), de demander sous prétexte d'exil fiscal la nationalité belge. A l'autre bout de l'exploitation, entre 8 et 11 millions de personnes survivent la tête sous le seuil de pauvreté3.
« Priorité à l'emploi » = précarisation du salariat
Entre la version faible du retour à 60 ans comme âge légal de départ à la retraite puisqu'elle ne concerne seulement que les salarié-e-s aux carrières longues et la venue le 20 septembre de l'intersyndicale de PSA Aulnay à l'Élysée ayant débouché sur la promesse de négociations tripartites (syndicats, direction, État) mais sans engagement sur un gel de la fermeture de l'usine, que reste-t-il pour faire une politique de gauche qui soit de gauche ? L'arrêt promis de la Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) qui autorisait depuis 2008 la suppression annuelle de plus de 20.000 postes de fonctionnaires ? Sauf que c'est une RGPP bis qui se profile, proposant de sacrifier certains ministères considérés comme non-prioritaires au profit de l'éducation, l'intérieur et la justice. Restent également maintenus pour les fonctionnaires le gel du point d'indice concernant leur traitement ainsi que le ralentissement de leur avancement de carrière.
Quant au projet de création de 150.000 « emplois d'avenir » d'ici 2014 au nom de la « priorité à l'emploi » (Michel Sapin), on y retrouve déguisé le principe des « emplois jeunes » cher à Martine Aubry ! Le 24 août dernier, le Conseil supérieur de l’Éducation (CSE) a été consulté sur un article du projet de loi sur les emplois d’avenir concernant le pré-recrutement de jeunes issus de milieux modestes souhaitant préparer des concours d’accès aux métiers de l’Enseignement (les « emplois d'avenir professeur »). On ne peut pas dire que les organisations syndicales sont satisfaites, même si elles considèrent légitime le fait de prêter attention aux propositions visant à aider les jeunes issus de milieux sociaux défavorisés à accéder aux métiers de l’Enseignement en instaurant un pré-recrutement. Mais pas en substituant l'impôt (le financement est assuré à 75 % par l’État.) au versement des cotisations sociales (dont les patrons seront une nouvelle fois exonérés), ni en fragilisant le statut du fonctionnaire par l'élargissement de la norme capitaliste du contrat. Et encore moins en considérant la jeunesse comme un handicap dans l'égal accès au monde professionnel.
En regard d'une politique économique qui perpétue l'entreprise de pillage par l'Etat des richesses sociales au bénéfice de la rente financière et au détriment des classes populaires bafouée dans leur dignité, on constatera, guère étonné, que la gauche de gouvernement fait à peine moins pire que la droite. Le mouvement social, loin de se satisfaire de cette alternance politicienne, doit alors tout mettre en œuvre pour élaborer une alternative politique instituant la rupture avec l'ordre capitaliste.
1 Cf. le dossier « Quand la gauche n'essaie pas » in Regards, n°25, septembre 2012.
2 Cf. L'article « Autoritaires et austéritaires » in Alternative Libertaire, n°220, septembre 2012.
3 http://www.inegalites.fr/spip.php?article1639&id_mot=30#nb2
11 octobre 2012
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