Abbas Kiarostami

"La décision revient à l'enfant qui vient" in Abbas Kiarostami : Si loin, si proche (numéro 62, juin 2018)

Article sur Le Pain et la rue

 

Un garçon rentre à la maison en tapant du pied dans une boîte de conserve : le sangak sous le bras, pain feuille iranien typique, indique la demande parentale que l’enfant doit satisfaire, tandis que la boîte de fer blanc roule en amont d’un chemin où l’obligation symbolique est déroulée comme un jeu, jouée pour déjouer tout le poids de sérieux attaché à son fondement.

Le devoir filial se confond alors avec le plaisir personnel et les petites libertés que l’enfance autorise en chemin de grappiller, jusqu’à ce que la présence inattendue d’un chien menaçant fasse surgir à l’angle des ruelles quadrillant la vie quotidienne la bête de la dé-liaison. Non seulement le plaisir de l’improvisation ludique s’évanouit aussi sec, mais cette disparition angoissante est d’autant plus paralysante qu’elle oblige à différer l’exécution de l’ordre parental, induisant avec le retard pris le risque de la sanction, cette bombe à retardement.

Telles sont les coordonnées complexes d’une situation simple, à la fois exposées plein cadre et suggérées entre les raccords, dont écope le garçon du Pain et la rue, premier héros d’Abbas KIAROSTAMI qu’une temporalité moins téléologique que rétrospective poserait comme le précurseur de tant d’autres.

Il est beau qu’une œuvre entière se soit ainsi développée en ayant toujours su rester fidèle à son commencement, comme il est beau qu’un adulte ne devienne le gardien de son enfance qu’en mémoire de l’enfant qu’il n’est plus…

 

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