Michael Powell

"Histoire d'un œil" in Michael Powell : A la lisière du monde (numéro 53, décembre 2013)

Article sur Le Voyeur

 

« La force éjaculatrice de l’œil » : ce fragment tiré du recueil d’aphorismes de Robert Bresson pourrait légitimement prétendre à formuler idéalement ce qui, dans Le Voyeur (Peeping Tom, 1960), n’a jamais cessé de troubler ses spectateurs. Certes, est maintenant bien connue l’histoire d’un film dont la réception catastrophique a porté un coup quasi fatal à la carrière de l’un des cinéastes anglais comptant pourtant parmi les plus respectés, et qui aura été relevé (le film comme son auteur) par le généreux effort de cinéphiles de première importance (Bertrand Tavernier et Martin Scorsese). Certes, le film est souvent considéré comme le meilleur de Michael Powell mais ce rétablissement dans l’ordre d’une histoire du cinéma scandée de ses immortels chefs-d’œuvre ne doit surtout pas contribuer à diminuer la puissance de dérangement que Le Voyeur continue d’exercer.

Il suffira d’interroger la seule séquence d’ouverture du film à la lumière dialectique de sa totalité pour saisir comment un cinéaste impose d’emblée, et en quatre minutes, un climat de malaise tout en contractant essentiellement l’intelligence de son propos. La puissante densité esthétique de cette séquence introductive vise une dialectisation perverse des procédures cinématographiques elles-mêmes. Comme une diabolisation de ses moyens symboliques, si déstabilisante en ses effets puisqu’elle invite le spectateur à un double mouvement d’avancée (en termes d’identification à la subjectivité malade du protagoniste) et de retrait (en termes de recul réflexif concernant la manière dont le film impose objectivement cette identification). Il s’agit pour le film d’impliquer le spectateur tout en dépliant cette implication subjective sur une complication technologique, l’impliquant comme voyeur tout en lui refusant les vains plaisirs du voyeurisme par la monstration même de la cécité relative à son déni.

L’analyse de cette implication technologiquement compliquée permettra notamment de tenter quelques hypothèses concernant les raisons profondes du refus premier du film, comme de comprendre son influence déterminante sur d’autres cinéastes soucieux de traverser le miroir du consensus pour atteindre l’infréquentable zone du cinéma en ses limites impensées.

 

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