"Les héritiers symptomatiques" in Arnaud Desplechin : L'intimité romanesque (numéro 52, juin 2013)
Approche transversale
L’héritage en ses dédales, les personnages du cinéma d’Arnaud Desplechin ne cessent de s’y débattre. C’est pourquoi ses films sont autant physiques que prolixes, la dislocation devant alors s’entendre comme une brisure du corps autant qu’une disjonction de la parole. L’héritage est effectivement une guerre interminable qui exige d’éreintantes négociations ponctuant des batailles enragées. Parce qu’il s’impose à leur existence impréparée sous la forme traumatique d’un réel intrusif, l’héritage élit brutalement ses héritiers plutôt que ces-derniers ne le choisissent. Et c’est parce que l’héritage d’abord leur échoit qu’ils peuvent ensuite choisir ce qui doit ou non en être retenu afin d’ouvrir sur la promesse d’un nouvel avenir un présent préalablement paralysé par l’impromptu sidérant d’un passé intempestif. C’est la double injonction de l’héritage selon Jacques Derrida : l’appropriation d’un passé, aussi inappropriable soit-il, est autant l’acceptation de ce qui a précédé que l’affirmation de sa réappropriation, autrement dit sa réinterprétation critique et sélective.
Et c’est en toute logique qu’Arnaud Desplechin, qui se présente comme un cinéaste conscient de ses filiations cinéphiliques (François Truffaut et Alain Resnais, Ingmar Bergman et Claude Lanzmann, la Nouvelle Vague et le Nouvel Hollywood), filme ses personnages en tant qu’ils sont impérieusement convoqués par d’imprévisibles héritages (familiaux mais pas seulement). Car l’héritage s’inscrit moins dans la seule logique codifiée d’une reconnaissance institutionnelle ou contractuelle qu’il fait précéder toute symbolisation rationnelle par l’hystérisation des corps et la diabolisation des esprits.
Ainsi, l’héritage se manifeste d’emblée chez Arnaud Desplechin dans le registre psychosomatique du stigmate, mieux du symptôme. Et il faudrait une symptomatologie susceptible de rendre compte des diverses images-symptômes qui heurtent et trouent, interrompent ou font disjoncter la continuité narrative et filmique de ses ambitieuses fictions.
Des images-symptômes scindant la représentation cinématographique pour des héritiers symptomatiques devant affronter le poids d’impensé propre à des généalogies inconscientes et trop longtemps refoulées.
Pour commander l'intégralité de l'article (2€) : cliquer ici