Per monstra ad astra : c’est plus qu’un jeu de mots ou une facétie d’Aby Warburg, qui aura mis l’histoire de l’art à l’épreuve des montages de son atlas Mnémosyne jusqu’à la folie. Per monstra ad astra est une formula magica, un précieux sésame qui, comme l’a rappelé Georges Didi-Huberman, sert à caractériser la dialectique monstrueuse de la culture.
Relier le traumatisme qui mutilerait la personne de toute activité créatrice essentielle à sa vie subjective, à la création qui s’en ressaisirait comme une relève du sujet consiste à faire de la dépersonnalisation un concept vivant. Vivant, précisément parce qu’il ne cesse pas de se diviser, le concept ne cessant pas d’être divisé en effet par la pensée qui s’en saisit pour s’y confronter en affrontant ses propres secrets.
Alain Badiou dispose son geste philosophique depuis un demi-siècle qui peut aujourd’hui se ressaisir à partir de la question suivante : qu'en est-il du monde expérimenté non depuis sa loi dominante, mais depuis l'exception immanente d'une vérité ? Autrement dit, qu'est-ce qu'une vie digne de ce nom ? Qu’est-ce qu’une vie placée sous la condition de la vérité, qu’est-ce qu’une vraie vie ?
Le champ de recherche dans lequel Frédéric Lordon s'est engagé depuis une dizaine d'années est ce qu'il nomme un « structuralisme des passions ».
Parmi les objets de recherche de Michael Löwy comme autant de passions diversement dédiées à l'or philosophal du communisme libertaire, celle qu'il voue à l'auteur du posthume Thèses « Sur le concept d'histoire » (1940) constitue en effet l'une de ses plus inspirantes, marquée par deux ouvrages fondamentaux, Walter Benjamin : avertissement d'incendie. Une lecture des Thèses « Sur le concept d'histoire » (éd. PUF, 2001) et La Révolution est le frein d'urgence. Essais sur Walter Benjamin (éd. de l'éclat, 2019).
Les meilleurs amis sont parfois ceux que l'on ne connaît pas, mais dont pourtant on savait tout par chansons interposées. Ignoraient-ils, ces fidèles amis, ces Immortels dont la mort nous afflige, que leurs chansons sont moins adressées à tout le monde qu'à n'importe qui, qu'elles nous sont destinées comme les preuves les plus follement précieuses que nous n'avons pas vécu en vain.
L'Éthique de Spinoza nous a bien prévenu de ceci : « l’effort pour faire subir un mal à celui que nous haïssons se nomme Colère ». Et le philosophe au manteau troué de compléter ainsi : « et l'effort pour rendre le mal qui nous a été fait, s'appelle Vengeance ». Pourtant, si la colère nomme la modalité affective d'un désir de haine consistant à faire du mal à une personne haïe de l’avoir déjà commis, il y a cependant des colères dont on ne peut contester la légitimité.
Depuis une dizaine d'années, des actes perpétrés à l'encontre de personnes identifiées par leurs agresseurs comme étant de confession juive et dès lors dignes d'être victimes de leur violence avèrent la virulence d'un antisémitisme avec lequel, décidément, la société française n'a pas fini d'en finir.
Un philosophe a décrit le noir ainsi : c'est un non-couleur tantôt en garde d'un manque, tantôt en marque d'un excès. D'un côté le deuil, l'Afrique esclavagée. De l'autre la piraterie, l'anarchisme. Autrement dit, toujours la nuit. Mais la nuit se divise en deux aussi : il y a la nuit qui tombe sur le jour passé pour en faire le deuil en promettant cependant la relève aurorale du jour suivant et il y a l'autre nuit, celle qui dure en suspendant la succession des travaux et des jours – la dialectique à l'arrêt, le désœuvrement. En effet une non-couleur. Celle du neutre.
La catastrophe est là, depuis longtemps. Sociale et environnementale, elle atteint désormais avec l’anthropocène sa dimension écosystémique et entropique. La catastrophe, nous y sommes confrontés depuis pas mal de temps, nous y sommes entrés désormais comme jamais. Le désastre nomme aujourd’hui la condition d’une époque médusée, sidérée par son impuissance à corriger ses propres excès de puissance. Mais le sait, la sidération doit laisser place à la considération, elle doit céder la place à un sursaut de conscience collective parce qu’il y a, disséminé partout, un désir partagé de vivre une vie décente et digne, qui soit sauve et protégée de la volonté massive à livrer le monde à un final apocalyptique.