Le « nouveau monde » selon Terrence Malick entremêlerait trois réalités : un autre monde pour ceux qui s'en croient les découvreurs (l'Amérique pour les Européens) ; un autre monde arrivant à celui qui aura toujours déjà été là (l'Europe pour les Amérindiens) ; un monde nouveau accouché dans la mise en rapport brutale de ces deux perspectives (la mondialisation, à la fois et contradictoirement globalisation et créolisation). Ce n'est pas l'Europe qui a découvert l'Amérique, mais l'Amérique qui lui a autant permis de persévérer dans l'oubli de son être qu'elle y a trouvé aussi la chance d'une relance rétrospective : l'adoration dans la prière et le jeu, l'enfance et l'amour ; par-delà toute volonté de clôture, la déclosion.
Faire un film comme on envoie une lettre, dans l'urgence des choses écrites et dans le non savoir de leur destinataire. Le cinéma de Chantal Akerman est la poste restante de ses lettres errantes. Des plis à l'adresse des bien-aimé-e-s, connu-e-s et inconnu-e-s. Des messages cryptés, des billets qui n'ont pas de prix. À la lettre, un film attend, parfois longtemps, que nous en soyons les improbables destinataires. Un destin de cinéma, le sien, va à l'errance comme il tient à l'attente, messianique sans messianisme.
Ce qui s'écrit dans le cinéma de Chantal Akerman est une histoire de vent. Moins écrits sur du vent que depuis lui, avec et contre lui, ses films qui doivent tant à l'écriture ont cependant pour scansion les vides illisibles de l'inhabitable.