Autres textes de cinéma de 161 à 170

 

Dire que Mehdi Benallal est un cinéaste subtil est une proposition fausse parce que elle est seulement à moitié vraie. L’ancien étudiant de la fémis diplômé en 2003, qui a été assistant de Jacques Rivette sur Va savoir (2001) et Le Streghe (2009) de Jean-Marie Straub, ne le dirait pour sûr jamais ainsi. Auteur d’une demi-douzaine de courts-métrages depuis dix ans, pigiste cinéma pour Le Monde diplomatique depuis 2010, fort d’une expérience de producteur avec Triptyque Films entre 2013 et 2017 incluant La Liberté (2019) de Guillaume Massart, le réalisateur subtil ne l'est en réalité vraiment, absolument, que parce que son souci consiste non seulement à être subtil mais à avoir le subtil pour objet, désir et projet.

 

 

Janvier. On rumine des colères de part et d'autre de la Méditerranée. Avec la cessation des activités des Rencontres Cinématographiques de Béjaïa (RCB), la plus grande manifestation culturelle non étatique dédiée depuis plus de quinze années au cinéma en Algérie, victime d'un acte de censure exercé à l'encontre du film Fragments de rêves de Bahia Bencheikh-El-Feggoun qui devait être projetée en clôture.

 

 

Face au désert algérien, une femme tient un modeste relais routier, elle est seule. On y vient pour boire un thé, pour manger une omelette. Les clients de passage en profitent aussi pour y tailler le bout de gras et palabrer avant de reprendre la route. Le relais routier est une halte, une respiration. Une pause entre deux mouvements sur la route de bitume redoublant de gris la ligne jaune et bleue d’horizon. La tenancière tient en effet. Elle tient bon malgré le désert qui avance...

 

 

Disqualifié qualifie le sportif exclu d'une épreuve en raison d'une infraction au règlement. Disqualifié est ainsi celui qui s'élance avant le coup de feu réglementaire, athlète courant un 100 mètres ou jockey participant à une course hippique. Disqualifié dit en français ce que signifie en tunisien El Medestansi mais, dans la grâce et l'amitié du film qui en porte le titre, disqualifié n'est plus seulement l'adjectif dépréciatif affligeant une existence blessée mais dorénavant nomme un sujet qui a fait de la disqualification un destin.

 

 

La France contre les robots est le nouveau film de Jean-Marie Straub, adapté d'un passage de l'ouvrage éponyme de Georges Bernanos publié en 1944 à Rio de Janeiro, trois ans plus tard en France quand l'écrivain revint de son exil brésilien. Le film est un court-métrage qui existe dans deux versions, la première d'une durée de 4 minutes 56 et la seconde durant 4 minutes 54. Il n'y a pas à opter pour l'une ou l'autre des deux versions mais à choisir la troisième option consistant à les choisir toutes les deux pour les considérer ensemble, dans les pas de leurs ressemblances et les contre-pieds de leurs dissemblances.

 

 

Le premier long-métrage de Yosr Gasmi et Mauro Mazzocchi ne propose pas l’adaptation de la nouvelle de Georg Büchner mais consiste en une lente rêverie infusée par elle. La patiente dérivation de quelques plaques tectoniques rendrait alors au cinéma tout ce que le texte aurait donné à ses lecteurs qui ont fait un film comme un essai de sismographie au ralenti.

 

 

L'actualité de James Baldwin, le réel s'en charge brutalement à chaque meurtre raciste empaqueté en homicide policier, dont le caractère intolérable semblerait impensable si la pensée n’avait pas pour tâche de relever l’impensé qui lui résiste pour le dépasser.

 

  • Yiddish de Nurith Aviv : Reste la langue, demeure survivante

 

Parler est mal parler quand la langue réduit au silence l'autre langue que l'on n'entend pas. Parler se fait aussi en présence des autres langues que l'on ne parle pas. Parler ainsi consiste à entendre cela. Faire un film aurait dès lors pour vocation de rappeler à la présence de la langue parlée le silence parlant de l'autre langue. Il y a une langue – plus d'une langue – et le silence entre elles. Avec le nouveau film de Nurith Aviv, il y a aussi qu'il faille faire entendre avec la langue parlée le silence de ceux qui ne la parlent plus. Voilà ce qui sourd de Yiddish.

 

 

JP le clame sur tous les tons et sur tous les toits : il veut organiser une grande marche de protestation en faveur de la minorité noire, sous-représentée dans les secteurs-clés de la société, en politique comme dans les médias. Et s'il pouvait en profiter pour faire le buzz et ainsi doper une carrière d'acteur qui tarde à démarrer ce serait l'idéal. On croit JP hésiter entre projet politique et plan média mais Jean-Pascal Zadi qui interprète le candide et a co-réalisé le film a définitivement tranché en choisissant sur quel pied danser : la politique comme dissensus compte moins que le club sélect des noirs médiatiques qu'il rejoint parce qu'il leur ressemble comme un frère.

 

 

La crise sanitaire du COVID-19 et le confinement qu'elle a provoqué durant le printemps dernier auraient pu asphyxier ces événements culturels que sont les festivals de cinéma. Il n'en a pas été ainsi comme l'ont diversement montré Visions du Réel à Nyon ou le FID-Marseille qui ont investi les moyens de la connectivité numérique pour déployer et cultiver des espaces autres et temporaires où la virtualité a renoué, bien sûr relativement ou partiellement, avec une liberté autrement captive des obligations d'une actualité drastique.