Des nouvelles du front, de 291 à 300

  • Nouvelles 291 : Moullet en dix longs - un cyclotron

 

Le cinéma de Luc Moullet démarre quand s’arrêtent les routes goudronnées. Lorsque le pédalier patine, le vélocipède montre alors qu’il tourne dans le vide. La passion des cycles invite à retourner la peau du moderne pour en faire sortir le primitif, qui mouline du vent en tapant sur ses bidules comme sur des os. Tous ses films sont des déshabillages, des dépiautages, le dénuement jamais plus intéressant quand il engage au dénudement.

 

  • Nouvelles 292 : L'Empire du pire de Bruno Dumont

 

Hautain à l’égard du space-opera hollywoodien au nom des balances éternelles de la pesanteur et de la grâce des terriens que nous sommes, Bruno Dumont retombe pourtant dans les sables du lénifiant – moins Star Wars à l’os de Bernanos que Starcrash dans les dunes. Le prêchi-prêcha du curé monté en chair d’une production spectaculaire martèle avec les pieds la bêtise apocalyptique de l’égalitarisme et les hiérarchies naturelles et incorrigibles de la différence sexuelle. Et il conclut la sarabande par un très mauvais tour démiurgique qui fond dans le même pot un nihilisme de circonstance et le manichéisme gnostique du genre qu’il parodie.

 

  • Nouvelles 293 : La Zerda et les chants de l'oubli d'Assia Djebar (le cinéma, la fantasia)

 

Il n'existe pas d'images si elles sont niées dans leur part d'ombre qui est leur ambivalence native. Quand les images se font le drapeau de l'offuscation même, mutilées d'assombrir ce qu'elles sont pourtant censées éclairer, elles sont malgré tout porteuses encore d'une attente, celle de leur relève, de justice et de dignité pour celles et ceux dont l'exposition par l'archive a eu valeur de profanation, d'outrage et de défiguration. C'est cela le festin, c'est cela la zerda.