Nouvelles du front de 271 à 280

 

Que les films soient les trajets d'une excentricité native, les spirales d'une existence qui n'en aura jamais fini avec l'enfance, les girandoles exotiques d'un dépaysement nécessaire à protéger sa propre étrangeté. Il y a de la diplopie dans le cinéma de Franssou Prenant, l'atopie (qui dit le désir du dehors) et l'utopie (du possible sinon c'est l'asphyxie), les jeux du double et de la schizophrénie contre l'entropie et ses dévastations partout, Paris et Alger, Beyrouth et Damas, Alep et Conakry.

 

 

L'écriture automatique s'est voulue un ouvroir ludique aux chimères étranges de l'inconscient, ces cadavres exquis rappelant au sens qu'il a pour condition le non-sens. Mais il existe un autre genre de cadavres exquis, ceux que déterre la pulsion, ce chien andalou qui court, frétille de la queue et mord la peau de la civilisation dont bourgeois et bigots se disent les meilleurs à en assurer le gardiennage. L'écriture des cadavres exquis raconte alors la coïncidence des jeux de l'inconscient avec les faux-semblants de l'idéologie. C'est le fil du rasoir qui tranche à vif dans la chair de la réalité, en séparant ce qui tient de l'imaginaire qui colle de ce qui revient au réel qui cogne – lard et l'os.

 

 

Narimane Mari est la cinéaste des tabulae rasae parce qu’elle a mis l’enfance de son côté. L’enfance n’est pas la puérilité qui en est la captivité abêtissante, c’est la capacité imaginaire au plus élémentaire déplacement. L’enfance ouvre sur place des brèches au possible, écarte dans tout lieu des espaces autres – nouvelle aire, nouvelle ère. Avec l’enfance, l’histoire redevient un présent désirable au carrefour des possibles, un devenir saturé d’anachronismes comme un coffre au trésor bourré d’explosifs.

 

  • Si vous cherchez Wes Anderson, il est dans l'escalier (cinéma et conciergerie)

 

La promesse des meilleurs films de Wes Anderson tenait à s’accrocher à un écart décisif entre l'étroitesse du monde des adultes et le petit monde ouvert de l'enfance. Un déplacement avec des élans témoignent d'une grandeur lyrique insoupçonnée, arrachée des balises géométriques d'un cosmos étriqué. Le cosmique n'est envisageable et accessible qu'en partant du micro, même si le charme du riquiqui est un crime quand il conduit au mini.

 

 

On rit beaucoup dans les films de Marco Ferreri, sardoniques à souhait, on s'en est toujours réjouit. Les vagues font cependant monter les larmes discrètes d'un adieu aussi silencieux que le rire philosophique de Michel Foucault. Non des larmes de tristesse mais celles d'une profonde mélancolie parce que passe la figure de ce monde et on ne voit pas pourquoi l'Homme avec une grande hache y résisterait.

 

 

Le cinéma de Jean Eustache multiplie les plis, des pairs qui poussent au triptyque, tous les remaniements de l'autobiographie. Il est plein de trous aussi (et d'emblée avec La Soirée, premier court inachevé) comme est troué le manteau de Spinoza. Ça commence avec deux trous de balles (Du côté de Robinson) avant de finir avec un autre dans le cœur, la balle tirée un jour de novembre 1981.