La Femme de l'aviateur, Die Marquise von O... et La Collectionneuse de Eric Rohmer
Jean-Marie Maurice Schérer est décédé le 10 janvier dernier. Il allait avoir 90 ans. Plus connu sous le nom d'Eric Rohmer, le cinéaste qui fut durant les années 50 l'un des cinéphiles les plus respectés et l'une des plumes les plus pointues des Cahiers du cinéma (il en a été le rédacteur en chef entre 1957 et 1963) a constitué en plus de cinquante années d'activité une œuvre parmi les plus exemplaires que compte le cinéma.
Les Harmonies Werckmeister de Bela Tarr
Grâce au cinéma de l'Espace Saint-Michel, nous pouvons voir ou revoir tout le mois d'août Les Harmonies Werckmeister, premier film du cinéaste distribué à peu près normalement en France (certes en 2003, soit trois années après sa réalisation, alors que son intransigeant et solitaire auteur réalise des films depuis 1977 et Le Nid familial tourné en quatre jours pour le prestigieux studio hongrois Bela Balazs). Avec ce film, Bela Tarr invente et déploie souverainement l'espace-temps nécessaire à la matérialisation du peuple dans l'événement de ses imprévisibles formes et de dynamiques.
Nathalie Granger de Marguerite Duras
Très rapidement, la littérature de Marguerite Duras a rencontré le champ du cinéma. C'est d'abord, assez classiquement, le registre de l'adaptation cinématographique de ces récits qui prime : Un barrage contre le Pacifique de René Clément en 1957 et de Rithy Panh en 2009 (d'après le roman de 1950), Moderato Cantabile de Peter Brook en 1960 (d'après le récit écrit en 1958), Dix heures et demie du soir en été de Jules Dassin en 1966 (d'après le texte datant de 1960), Le Marin de Gibraltar de Tony Richardson (d'après le roman de 1952), En rachâchant de Jean-Marie Straub et Danièle Huillet en 1982 (d'après le conte pour enfants Ah ! Ernesto en 1971), L'Amant de Jean-Jacques Annaud en 1986 (d'après le récit de 1984), L'Après-midi de Monsieur Andesmas de Michelle Porte en 2004 (d'après le texte écrit en 1962).
Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures de Apichatpong Weerasethakul
L'idée géniale de Tim Burton aura été cette année moins de réaliser une version (à moitié satisfaisante) de Alice in Wonderland de Lewis Carroll en 3-D que de remettre au titre de président du jury du Festival de Cannes la Palme d'or à Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures (en thaï, vous obtenez ลุงบุญมีระลึกชาติ) du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (en thaï, vous écrivez อภิชาติพงศ์ วีระเศรษฐกุล).
Des Hommes et des dieux de Xavier Beauvois, Chantrapas d'Otar Iosseliani, The Housemaid d'Im Sang-soo, Homme au bain de Christophe Honoré, Les Amours imaginaires de Xavier Dolan, Un homme qui crie de Mahamat-Saleh Haroun, Kaboom de Gregg Araki, You will meet a Tall Dark Stranger de Woody Allen et Chouga de Darezhan Omirbaev
La fin de l'été aura été marquée par la sortie des trois films qui ont le plus marqué le dernier Festival de Cannes : Poetry du sud-coréen Lee Chang-dong, Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) du thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, et Des hommes et des dieux du français Xavier Beauvois. Depuis l'arrivée de l'automne, ce sont d'autres films qui viennent ou sont venus rythmer l'actualité cinématographique.
Mystères de Lisbonne de Raul Ruiz
Raul Ruiz est un des cinéastes modernes parmi les plus importants de l'époque contemporaine. Pourtant, s’il tourne beaucoup (encore 10 longs métrages entre 2000 et 2010), il n’a pas réalisé un seul film qui aura exemplairement marqué la dernière décennie. La chose est d’autant plus étrange et paradoxale (en même temps, on en a l’habitude avec ce réalisateur) que les années 2000 ont représenté la possibilité pour le cinéaste de revenir dans son pays d’origine (le Chili) qu’il avait dû quitter à la suite de l’assassinat de Salvador Allende et de la prise de pouvoir par le dictateur Pinochet soutenu par la CIA en 1973.
Vénus noire d'Abdellatif Kechiche
En l'espace de quatre longs métrages, Abdellatif Kechiche (né le 07 décembre 1960 à Tunis) s'est aujourd'hui imposé définitivement comme l'un des tout meilleurs cinéastes français de sa génération. Arrivé à l'âge de six ans avec ses parents ayant migré à Nice, ayant ensuite suivi des cours dramatiques au conservatoire d'Antibes, puis joué quelques rôles au cinéma (entre autres Le Thé à la menthe d'Abdelkrim Balloul en 1984, Les Innocents d'André Téchiné en 1987, Bezness de Nouri Bouzid en 1991 pour lequel il reçut le Prix d'interprétation masculine au Festival international du film francophone de Namur), Abdellatif Kechiche décide de se lancer dans l'aventure de la réalisation cinématographique. Bien lui en a pris.
Répulsion (1964) et Rosemary’s Baby (1968) de Roman Polanski
L’habitude critique est de considérer trois des films les plus remarquables de Roman Polanski, Répulsion (1964), Rosemary’s Baby (1968) et Le Locataire (1976), comme s’ils participaient d’un projet commun, sorte de triptyque qui serait structuré autour d’un motif commun : l’appartement.
My Joy de Sergueï Loznitsa et Outrage de Takeshi Kitano
Quoi de commun entre My Joy de Sergueï Loznitsa et Outrage de Takeshi Kitano ? Il se trouve déjà que ces films ont été présentés tous les deux en compétition officielle lors du dernier Festival de Cannes, aux côtés entre autres de Un homme qui crie du cinéaste tchadien Mahamat-Saleh Haroun (qui a reçu le Prix du Jury), Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois (qui a reçu le Grand Prix du Jury) et bien sûr Oncle Boonmee, celui qui se souvient de ses vies antérieures du cinéaste thaïlandais Apichatpong Weerasethakul (qui a reçu la Palme d'or). Outre la proximité accidentelle de leur date de sortie respective (17 novembre 2010 pour le premier film, 24 novembre pour le second), plusieurs éléments permettent d'établir un rapprochement plus significatif entre deux œuvres a priori éloignées sur le plan esthétique.
Lost Highway de David Lynch
« Dick Laurent is dead » : la phrase avec laquelle démarre et (se) retourne (sans jamais se clore définitivement) le septième long métrage de David Lynch n'est pas seulement l'énoncé désignant au héros la mort d'un avatar de cette figure paternelle grotesque qui, comme l'a bien noté Slavoj Zizek dans Lacrimae Rerum. Essais sur Kieslowski, Hitchcock, Tarkovski, Lynch et quelques autres (« l'obscène père-la-jouissance qui représente la Vie excessive, exubérante », éd. Amsterdam, 2005, p. 236), barre le désir de tous les héros lynchiens.