Luc Moullet en dix longs – un cyclotron

Le cinéma de Luc Moullet démarre quand s’arrêtent les routes goudronnées. Lorsque le pédalier patine, le vélocipède montre alors qu’il tourne dans le vide. La passion des cycles invite à retourner la peau du moderne pour en faire sortir le primitif, qui mouline du vent en tapant sur ses bidules comme sur des os. Les films de Luc Moullet sont des déshabillages, des dépiautages, le dénuement jamais plus intéressant quand il engage au dénudement. Le goût atavique des contrebandes et des petites combines peut ainsi rendre gorge des propensions dépensières et gaspilleuses de l’économie, les petites (l’économie du couple) et les grandes (la mondialisation). Au milieu, on trouvera tous les hobbies, le vélo, la randonnée et la cinéphilie, les petites machines à roulette pour tuer le temps quand il équivaut strictement à de l’argent.

 

 

 

Le cinéma de Luc Moullet, le professeur Nimbus de la Nouvelle Vague ou son Géo Trouvetou, s’apparenterait alors au cyclotron, cet accélérateur de particules qui en propulse le faisceau selon une trajectoire circulaire, en continu. La modernité est une toupie qui fait perdre les pédales à ses usagers. Ses usines productives en déchets radioactifs dont paysages et corps sont jusqu’à saturation encombrés sont partagées entre des enfants qui se croient bêtement des adultes et d’autres qui résisteraient à entrer dans le moule. Luc Moullet leur dédie toutes ses observations, aussi facétieuses que rigoureuses, la fantaisie toujours documentée, entre art brut et arte povera, en ayant réussi à trouver le système D lui permettant de tourner des courts (une trentaine) quand le financement des longs (dix jusqu’à présent) en vient à s’embourber.

 

 

 

L’homme des combines et des roubines est l’ethnographe de nos petites misères de citadins qui ont oublié que leurs parents et grands-parents étaient des ruraux. Le marneur d’origine alpine a la dent dure pour le dérisoire mais c’est pour mieux faire rire. Il travaille à l’os ses contemporains qui se croient plus malins alors qu’ils ne font que casser du caillou. L’humour pince-sans-rire est générosité dans la pauvreté, qui appuie là où l’on se fait pincer par bêtise forcenée. Mais la hantise est réelle et il faut travailler à la conjurer. L’angoisse de l’indigestion des savoirs (Brigitte et Brigitte) et des enfantillages dans le désert (Les Contrebandières et Une aventure de Billy le Kid), du sexe qui ne va plus de soi (Anatomie d’un rapport) et des aliments de base empoisonnés (Genèse d’un repas), du chômage à plein temps (La Comédie du travail) et des passions jusqu’à l’épuisement (Parpaillon et Les Naufragés de la D17), des reconnaissances manquées (Le Prestige de la mort) et des démences peut-être héritées (La Terre de la folie).

 

 

 

En dix longs, le cyclotron du professeur Moullet en dit long sur le risible de nos exaspérations.

 

 

 

 

 

Brigitte et Brigitte (1966)

 

 

 

Petites filles modèles de Bouvard et Pécuchet

 

 

 

 

 

Brigitte et Brigitte marie à la hussarde la carpe des fables de La Fontaine au lapin de la brochure situationniste sur la misère en milieu estudiantin. Un essai d’ethnographie du proche troussé comme une bande burlesque des années 1910 ou une série B fauchée d’Edgar G. Ulmer, avec toute la fantaisie râpeuse que requiert l’épinglage des exotismes de la jeunesse germanopratine. Le vertige de la bêtise transcendantale à portée de gommes et de stylos, un prosaïsme maniaque dans la collecte obsessionnelle des machins choses comme un poème surréaliste de Robert Desnos. La version Nouvelle Vague du Paysan de Paris de Louis Aragon. Les deux Brigitte, la petite et la grande, la pyrénéenne et l’alpine (Françoise Vatel et Colette Descombes), montent à Paris pour y étudier d’austères disciplines et démontent, candides, les petits rituels de la vie moderne et universitaire. Le rituel est un pédalier mais le vélo patine, tourne dans le vide tant les oppositions s’annulent plutôt qu’elles ne se contredisent. La dialectique tant exaltée alors a déraillé, pas de troisième terme possible. Les cours sont autant inaudibles par la langue technique qui s’y professe que par le boucan des travaux d’agrandissement des bâtiments. L’isoloir du bureau de vote est encombré des bulletins opposant le socialiste François Mitterrand au néofasciste Jean-Louis Tixier-Vignancour. Les rivalités cinéphiles et politiques sont des guéguerres d’enfants qui se prennent pour des adultes. D’un côté, Luc Moullet joue pour son premier long les prolongations de l’esprit Nouvelle Vague en étant le contemporain de Masculin féminin de Jean-Luc Godard et du Père a les yeux bleus de Jean Eustache. Tout le monde est là pour s’amuser, Claude Chabrol en cousin cochon et Eric Rohmer en professeur Schérer, Samuel Fuller en plus grand réalisateur de tous les temps et Léon (Claude Melki) qui revient de chez Jean-Daniel Pollet. Sans compter les copains des Cahiers, Jacques Bontemps et Michel Delahaye, Michel Mardore et André Téchiné et même les parents Moullet. De l’autre, Brigitte et Brigitte est le contemporain des premiers travaux de la sociologie de Pierre Bourdieu et Jean-Claude Passeron consacrés à la reproduction des inégalités scolaires et universitaires ; ainsi Les Héritiers (1964) sous-titré Les étudiants et la culture. Brigitte et Brigitte sont en ce milieu des années 60 les descendantes et lointaines petites filles modèles de Bouvard et Pécuchet, des naufragées de la France rurale et provinciale en terres étrangères, labourées par une culture asphyxiante. Dans une société dont l’individualisme démocratique est un idéal qui recoupe la société de consommation en survalorisant le narcissisme des petites différences, les deux Brigitte nous offrent un guide de servie et ce qui les sauve, c’est précisément leur culture d’origine, l’apprentissage des reliefs montagnards et le sens commun des parcimonies ataviques. Ces contrebandières des « Trente Glorieuses » expérimentent ainsi l’indifférenciation de masse et l’équivalence généralisée, sans pour autant céder aux sirènes de la distinction. Leur amitié mord sur l’abstraction de la Française moyenne, déborde l’horizon de la moyennisation. Dès que le nivellement menace, elles nous invitent à la dérive psychogéographique en réinstaurant du dénivelé.

 

 

 

 

 

Les Contrebandières (1967)

 

 

 

Enfantillages dans le désert

 

 

 

 

 

Les longs-métrages de Luc Moullet procèdent par paires, Les Contrebandières en suite montagnarde de Brigitte et Brigitte (1966) comme en prémisses alpines d’Une aventure de Billy le Kid (1971). Viennent ensuite le diptyque Anatomie d’un rapport (1975) et Genèse d’un repas (1978), décharnements jusqu’à l’os de ce qui se cache dans nos assiettes et dans nos lits, avant l’isolé La Comédie du travail (1987) qui répond toutefois au précédent en montrant que les grandes chaînes d’exploitation de la mondialisation peuvent s’acoquiner avec le chômage des cadres des sociétés tertiarisées. Enfin, Parpaillon (1992) et Les Naufragés de la D17 (2002) s’offrent aux accidentés de la modernité qui tournent en rond dans les terres noires, tandis que Le Prestige de la mort (2006) et La Terre de la folie (2009) composent le double autoportrait d’un cinéaste dont la vis comica habille l’os de l’angoisse de la reconnaissance post-mortem et de la démence atavique. Avancer par paires, c’est redoubler d’efforts en renversant les polarités (Paris est décentré en étant satellisé par les Alpes-de-Haute-Provence et ses roubines), c’est aussi jouer du double en misant sur des effets de circularité (pédaler en rond) et de substituabilité (les quiproquos d’identité). C’est la difficulté des Contrebandières qui apparaît aujourd’hui comme un film intermédiaire entre deux plus réjouissantes propositions, Brigitte et Brigitte pour la sociologie facétieuse et précise de la condition estudiantine et Une aventure de Billy le Kid pour l’expérimentation mi-farceuse mi-sérieuse d’un western d’ici. Sur un versant, Luc Moullet trouve dans les marnes et roubines des Alpes du sud des décors naturels impressionnants, prétextes à varappe, escalade et toutes les grimpettes imaginables. Son apologie de la combine est un bricolage opposable aux grandes rapines organisées par l’État et la corruption des corporations syndicales, un essai d’arte povera qui pense fort aux Carabiniers (1963) de Jean-Luc Godard (on retrouve le frangin Patrice Moullet qui se faisait alors appeler Albert Juross), tout en souhaitant prolonger le bel été à trois d’Adieu Philippine (1962) de Jacques Rozier. Seulement voilà, Luc Moullet allonge la sauce avec un filet d’eau amenuisant les saveurs, malgré une narration à trois voix qui épargne le coût du son direct et lappui de quelques belles idées (une consommation de LSD suivie par une mélopée orientale, un faux documentaire sur les autochtones et quelques vues tournées en hélicoptère). L’historique du passage du fascisme à la république s’y voit neutralisé par un panoramique avérant que rien n’a eu lieu, sinon des gesticulations entre groupes adverses dont les antagonismes sont de pur mimétisme. Luc Moullet mouline, lui aussi tourne en rond. Des enfantillages dans le désert. Heureusement, la Brigitte qui reste (Françoise Vatel) et sa nouvelle copine Franscesca (Monique Thiriet), une fois épuisé le jeu truqué des rivalités face au gars Johnny (Monteilhet, ce vrai rockeur vaincu par l’autre Johnny, Hallyday), sauvent la mise du film avec l’enfance insolente de Monika. Un gag récurrent dans le cinéma de Luc Moullet consiste à régurgiter, ici des cerises. Enfantine et boulimique, la cinéphilie rumine ses références pour mieux les recracher en déchets fertilisant d’incongruité.

 

 

 

 

 

Une aventure de Billy le Kid (1971)

 

 

 

L’alpage d’or du western

 

 

 

 

 

L’attaque d’une diligence, une chasse à l’homme dans les montagnes, des peaux-rouges qui pratiquent le scalp, une vengeance de femme qui avance masquée avant de se renverser en passion cruelle. Une aventure de Billy le Kid est une tentative de western d’ici sous le soleil exactement des Alpes du sud. D’un côté, les archétypes du genre subissent un processus de mise à nu, la canicule exacerbant la tendance aux morsures ludiques des feux du pastiche. C’est un jeu de grands enfants, avec ses postiches ridicules et ses grimaces puériles dans lesquelles Jean-Pierre Léaud excelle. De l’autre, le traitement a la modernité expérimentale, reposant sur l’érudition cinéphile (la traque dans les montagnes lorgne du côté de Raoul Walsh et d’Anthony Mann, la quête vengeresse est langienne en diable) et la vérification d’une intuition géniale (la référence cruciale au cinéma de King Vidor, l’un des cinéastes hollywoodiens préférés de Luc Moullet, partage un naturalisme profond avec celui de Luis Buñuel), bien avant les analyses de Gilles Deleuze au sujet de l’image-pulsion. Loin du maniérisme caractéristique du western italien alors en vogue, les enfantillages bariolés et criards d’Une aventure de Billy le Kid ont trouvé dans un paysage impressionnant de marnes et de roubines le site neutre pour célébrer le mariage païen de Duel au soleil et de L’Âge d’or. Le primitivisme s’abreuve ainsi à une double source, la jouvence godardienne (on pense aux Carabiniers dans lequel joue le frère du cinéaste, le musicien Patrice Moullet, aussi à Week-end et au Vent d’est) et l’enfance de montagnes apparues il y a plusieurs dizaines, voire centaines de millions d’années (on y trouve ces terres noires qui fascinent tant le cinéaste, qui leur a consacré son deuxième court-métrage en 1961, et que l’on appelle aussi des badlands). L’écart est ainsi le plus grand, entre le dépouillement critique de conventions dont l’exhibition est un dénudement frontal et panique, et leur translation dans des lieux exigeant une grande dépense d’énergie juvénile pour s’y mouvoir. Si le traitement des voix est marqué de distanciation et d’étrangeté, une neutralité molle voisinant avec un idiome local inventé et tous les cris possibles, la gesticulation des corps est mise à l’épreuve de la crevasse et d’un soleil qui tape fort. L’épuisement inclura le spectateur, travaillé au corps par un décapage recomposant les dosages du cru (Luc Moullet est un praticien de l’art brut, un cinéaste de la nudité) et du cuit (sauf que la cuisson relève moins de la fiction que de l’astre solaire et sa souveraineté). Le dépouillement du folklore westernien, carbonisé, non seulement débouche sur un ossuaire de clichés dévitalisés, mais aussi et surtout dévoile l’os à ronger : à un bout une histoire moderne d’adolescence dispendieuse en énergie, à l’autre une affaire de passion jusqu’à la folie et la mort. Si Une aventure de Billy le Kid intègre à sa cuisine le sel des remises en cause féministes (la femme ne reviendra plus jamais dans un foyer pour y servir de ménagère), il se conclut par là où il avait toujours commencé (même tout cabossés, vieilliront ensemble ceux qui se sont trouvés). Avant Anatomie d’un rapport (1975), ce film-là comme tous les autres est l’anatomie d’un rapport et la mise à nu d’un lien qui ne va plus de soi consiste alors à toucher à son os – tout un dépiautage.

 

 

 

 

 

Anatomie d’un rapport (1975)

 

 

 

À un poil de cul

 

 

 

 

 

Ça devait bien arriver un de ces jours mais il ne s’y attendait pas. Voilà que le sexe ne va plus de soi. Pas pour lui qui fait comme il peut du cinéma mais pour elle qui voudrait changer de film, l’enseignante qui souhaite en effet enseigner à son amant que baiser ainsi ne peut plus continuer comme avant. La remise en question radicale des choses du sexe tient de la critique comme il y a de la critique de cinéma dont la tradition aura été bousculée par les jeunes-turcs des Cahiers du Cinéma et leurs continuateurs, ainsi que de l’autocritique comme elle triomphe alors à l’époque du communisme stalinien ébranlé sur ses bases par la multiplication des minorités gauchistes. On pourrait dire ainsi que toute critique tient de l’anatomie d’un rapport, au sens où celui-ci fait l’objet d’une analyse qui fait moins émerger une question ancienne qu’un nouveau problème. Comme Jean-Luc Godard et quelques autres, Jean-Claude Biette et Jean-Louis Comolli, Luc Moullet est resté un critique en faisant du cinéma et la critique, il se l’inflige à lui-même en mettant en scène l’intrusion d’un tiers entre lui et sa copine – une nouvelle conscience de soi au miroir du discours féministe. L’intrus, c’est un ensemble de mots et de faits nouveaux (la jouissance n’est pas que vaginale et le test de grossesse devient une affaire masculine) et il faut savoir lui faire bon accueil comme à l’enfant qui vient même si la décision consiste à n’en pas vouloir. L’homme qui a produit Nathalie Granger (1972) de Marguerite Duras (on en voit l’affiche sur un mur de son appartement) est ainsi conduit à un autre genre de production, qui rompt tant avec les normes sexuelles qu’avec les obligations à la reproduction. Et c’est une très sérieuse comédie qui joue malicieusement avec la proximité du cinéma pornographique (Luc Moullet se met à poil avec plus de conviction que Marie-Christine Questerbert, déjà vue dans Une aventure de Billy le Kid, qui joue ici un avatar d’Antonietta Pizzorno), tout en proposant une réduction domestique de La Maman et la Putain (1973) de Jean Eustache dont il avait produit Le Cochon (1970), coréalisé avec Jean-Michel Barjol. L’exhibitionnisme moulletien pourrait prêter le flanc au narcissisme qu’éconduit une bonhomie dont la drôlerie se tient à un poil de cul de toute ironie. La cocasserie revient ainsi à celui qui s’adonne maladroitement à de nouveaux essais d’ouverture, avant le court-métrage éponyme de 1988. Longtemps, le sexe a été un steak trop cuit (pour reprendre le titre de son tout premier court-métrage en 1960) et la cuisson est à revoir, c’est aussi une affaire de barres mal ajustées au bas-ventre, pas si éloignées des tourniquets du métro (Barres, 1984). Luc Moullet a compris que la rétivité (phallocratique) à la nouveauté (féministe) est une source de tracasseries qui font rire, des cocasseries dont l’étymologie renvoie au coquard, cet hybride de coq et de faisan. Si le coq a la vision du féminin faisandé, il s’en amande en pariant à l’opposé des réactions épidermiques d’un Bertrand Blier sur une cuisine qui fait rire les papilles, loin des radis dont il est faute d’argent coutumier. Quand le film s’ouvre à la fin à la mise en abyme, c’est avec Antonietta Pizzorno qui renchérit sur les difficultés du projet. Si la critique met à poil, l’autocritique fait du cul un festin.

 

 

 

 

 

Genèse d’un repas (1978)

 

 

 

Le ventre de l’exploitation alimentaire

 

 

 

 

 

C’est le dépiautage le plus effarant de tout le cinéma de Luc Moullet. Le cinéaste travaille à l’os comme jamais et si la comédie pointe son nez, c’est en loucedé, l’humour au fond de la mine, frayant dans les terres noires de l’exploitation mondiale du travail et des chaînes de production alimentaire qui sont un ventre de dévoration du vivant par le capital. La société de consommation est un cannibalisme rationnel et ignoré comme tel, un Moloch gigantesque qui offre au colonialisme de faire peau neuve, réinjecte du sang à tous les racismes et divise l’humanité en la retournant contre elle-même. Rire de toutes ses dents est difficilement possible quand on s’intéresse à ce qui reste coincé entre elles. Même le bridge dans la bouche est carié, entaché de rapports de production dont l’anatomie révèle qu’ils sont de destruction et de mort. Du thon, des œufs, des bananes : Luc Moullet met les pieds dans le plat en disant ignorer ce qu’il se met sous la dent. Demander au CNC de l’argent pour le savoir et le montrer est le préalable d’une enquête magistrale, un sommet de décorticage matérialiste, plus fort que tous les films des Groupes Medvedkine et Dziga-Vertov réunis. Des marchés de Paris au port de Boulogne, de Machala en Équateur, « capitale mondiale de la Banane », à Dakar au Sénégal où les ouvriers mettent en boîte le thon qu’ils ne mangeront jamais, Luc Moullet dresse la plus vaste de toutes ses cartes, le plus sombre de ses badlands un triangle des Bermudes pour tous les appétits. On reste encore impressionné par le sérieux de l’entreprise et la chaîne de tous les problèmes soulevés, la publicitaire mensongère et le néocolonialisme, le travail des enfants du tiers-monde et les injonctions occidentales à la surconsommation, le rôle idéologique de la religion et du cinéma dans la reproduction de rapports de domination et le gaspillage à grande échelle des ressources, l’usage intensif des insecticides et l’écocide auxquels ils participent, le piège des monocultures pour les pays du sud et l’empire mondial des géants de l’agroalimentaire. Tout y est et rien ne manquerait au tableau si le cinéaste n’admettait pas qu’il ne peut justement en brosser l’intégralité, procédant par choix de détails et informations recoupées pour monter en généralités. Aller à l’os fait ainsi et paradoxalement apparaître des couches épaisses de difficultés, autant nichées dans les plis d’aliments de base que dans la conscience individuelle qui s’arme de leur savoir pour appréhender aussi vite son impuissance à changer quoi que ce soit dans le cours ordinaire des choses. Comme dans Anatomie d’un rapport, Genèse d’un repas conclut la critique par l’autocritique mais celle-ci est d’une férocité inouïe comme on peut se mordre la langue. La réalité matérielle du film ne peut décemment y échapper, de la fabrication de la pellicule aux exigences de l’équipe, incorporée au constat général des inégalités dont le capitalisme amplifie la violence en les moulant dans un racisme indécrottable. Seule la beauté des personnes rencontrées à Dakar donne à respirer ce qui étouffe en Équateur. Les motifs courants de la faim, de la contrebande et de la combine trouvent ici leur point de radicalité politique. La vie ascétique, à base de petites économies, est une réponse à l’horreur économique quand son ventre est si glouton en déprédation.

 

 

 

 

 

La Comédie du travail (1988)

 

 

 

Le chômage, un emploi à plein temps

 

 

 

 

 

Une économie de l’emploi ne va pas sans sa contrepartie diabolique, qui est la destruction de l’emploi. Dans La Société de consommation (1970), Jean Baudrillard faisait remarquer que si le Moyen-Âge trouvait son assise symbolique dans l’équilibre du Diable et de Dieu, notre époque repose quant à elle sur la balance de la consommation et sa critique. C’est une demi-vérité dont l’autre moitié revient au chômage qui est l’ombre portée de la « valeur travail », un euphémisme pour habiller sa subordination capitaliste. Dans une société où le chômage participe en effet à comprimer le salariat en retournant contre les salariés les gains de productivité auxquels ils auront pleinement contribué, le travail productif se rétracte et ce qui s’y substitue, c’est un activisme à la fois dépensier et improductif. La Comédie du travail n’est pas une ode malicieuse dédiée au droit à la paresse vanté par Paul Lafargue contre son beau-père, Karl Marx, c’est un traité à la soude caustique sur l’occupation de gens affairés à croire qu’ils ne cessent jamais de travailler. L’occupation est triangulée ainsi : il y a Benoît Constant (Roland Blanche), le cadre licencié et suractif à retrouver un poste par tous les moyens en mentant sur sa situation à sa compagne (Antonietta Pizzorno) ; Sylvain Berg (Henri Déus), le resquilleur aux allocations qui lui financent ses escapades à la montagne ; et Françoise Duru (Sabine Haudepin), l’agent de l’ANPE qui, séduite par ce dernier, croit faire son bonheur coûte que coûte en lui cherchant l’emploi idoine. L’occupation de tous devient préoccupante quand la mort du combinard et la prison pour son assassin qui l’exècre récompensent ironiquement les efforts méritoires de l’activiste de l’employabilité. D’un côté, La Comédie du travail est l’un des meilleurs films comiques d’alors, aux côtés de Maine Océan (1985) de Jacques Rozier, Double messieurs (1986) de Jean-François Stévenin et Soigne ta droite (1987) de Jean-Luc Godard. Ses vignettes découpées et collées ont la concision et la netteté acérée du comic strip, du Mondrian sur papier journal pour un monde sans ombre ni relief, en aplat et préfabriqué. De l’autre, la déprime s’épaissit quand la pochade, qui s’autorise autant à pasticher le film d’entreprise que la fragmentation de Robert Bresson, s’offre en pochoir d’une société qui s’est aggravée depuis, saturée en « bullshits jobs » (David Graeber). Luc Moullet fait sourdre du rire la tristesse d’un petit peuple de combinards, occupés à remplir le vide par le rien en oubliant qu’il en va d’un néant dont l’empire s’est si bien étendu qu’il a anéanti l’idée que le travail pourrait émanciper. Les visages sympathiques de Paulette Dubost et Michel Delahaye, de Jacques Nolot et de Jean Abeillé ne peuvent soulager la cruauté sans bavure d’un monde bariolé de publicités et plus administré que jamais. De ce point de vue, La Comédie du travail prolonge Offre d’emploi (1980), le dernier film de Jean Eustache. Les seuls travailleurs, cultivateur de patates et ouvriers de chantier y apparaissent comme des présences saugrenues, des aliens dans un univers de clones interchangeables. La Comédie du travail est aussi à sa façon un film de science-fiction : la science pour observer et la fiction pour la distance nécessaire à rire des pincements de l’observation.

 

 

 

 

 

Parpaillon (1992)

 

 

 

Les 400 coups de pompe

 

 

 

 

 

Luc Moullet partage une passion avec Alfred Jarry, le vélo. Il s’amuse d’ailleurs à expliquer dans Anatomie d’un rapport (1975) que la pratique du vélo lui procure l’image d’une rectitude des choses, que contrarient les circonvolutions nouvelles de la conscience féministe. L’inventeur de la pataphysique et auteur d’un recueil posthume intitulé Ubu cycliste disait de son vélocipède qu’il était « un prolongement minéral de son système osseux ». On pourrait dire la même chose de Luc Moullet qui a offert avec Parpaillon sa « Passion considérée comme une course de côte », sa « recherche de l’homme à la pompe d’ursus ». Le 25ème rallye cycliste du col du Parpaillon dans les Alpes-de-Haute-Provence qui culmine à 2783 mètres d’altitude est en effet l’occasion d’une foire aux vanités jusqu’aux plus foireuses, un précipité traitant des petites dingueries nécessaires à assouvir la fièvre du biclou. Tous les types de vélocipédistes sont ainsi représentés, jusqu’aux plus invraisemblables et farfelus. Toute une profusion colorée de gags pas vue depuis Jour de fête (1949) de Jacques Tati. Une avalanche encyclopédique de scènes qui font rire et s’époumoner jusqu’à faire coïncider l’épuisement relatif du spectateur avec celui, parfois absolu, du coureur cycliste. Le patron maso (Gérard Courant) se fait doubler par le tricheur indécrottable, le dragueur impénitent n’a aucun regard pour la fille qui a coincé son vélo dans un arbre (Antonietta Pizzorno), un concurrent met à fond « Psyché Rock » de Pierre Henry et Michel Colombier pour envoyer valser ses compétiteurs, un coureur se motive avec la filmographie de John Ford, deux autres jouent des coudes en ressemblant furieusement à Marx et Jésus, etc. Et puis il y a les technocrates pointilleux (Jean Abeillé, copain de Jean-Christophe Averty et Jean-Pierre Mocky) et d’autres qui en profitent pour faire leurs affaires (Claude Melki pour son dernier rôle au cinéma). Impossible d’être exhaustif, Parpaillon est à revoir, une machine célibataire digne de Jean Tinguely. Seul un amateur de vélo pouvait tirer d’un véritable rallye une anthropologie de l’humanité et ses cycles, avec une roue (ou une bobine) pour la netteté documentaire et une autre pour les facéties et la fantaisie. L’épuisement par excès de l’idéologie de la concurrence sportive sert la mise à nu des démences et autres idiosyncrasies qui sont le moteur caché de toutes les motivations, le pédalier forcené de toutes les mobilités. On le voit, l’humanité sur pédales est bien disposée à les perdre. Les décors naturels s’encombrent ainsi de déchets humains, un immense dépotoir de clichés tenaces que la haute altitude réussirait toutefois à filtrer comme un percolateur. Les échappées tuyautées par les rejets polluants des pots d’échappement débouchent à la fin sur l’entrée dans le tunnel du col creusé à flanc de montagne, ce long boyau noir par l’extrémité duquel rejaillirait une humanité peut-être délivrée de ses affres. Le cinéma de Luc Moullet tient du dépiautage (Une aventure de Billy le Kid), du dégraissage (Parpaillon). Ce qui s’y donne, c’est l’os de nos manies, la profonde débilité de nos mobilités les plus technicisées. La modernité est progrès dans la bêtise et son contempteur, un frère humain qui s’amuse et rit de la cocasserie de nos tracas, dissipatives en énergie. Le cycle ? Un zéro.

 

 

 

 

 

Les Naufragés de la D17 (2002)

 

 

 

Un barbecue pour le week-end

 

 

 

 

 

Comme Genèse d’un repas (1978) fait pendant à Anatomie d’un rapport (1975), Les Naufragés de la D17 continue Parpaillon (1992). On y vérifie toujours ceci : le cinéma de Luc Moullet commence quand les routes cessent d’être goudronnées. C’est alors que l’on pédale dans le vide, les aliments de base remontés le long de la chaîne aberrante de leur production, la routine sexuelle grippée par le grain de sable féministe, le cyclisme forcené et ses chaînes cassées, la toupie des activités humaines qui tournent en rond jusqu’à l’entropie. Produit par Paulo Branco, Les Naufragés de la D17 repasse par les Alpes-de-Haute-Provence pour y projeter un autre précipité d’humanité dont la propension aux ruines est une pente qui n’est surmontée qu’en l’assumant avec un anarchisme joyeux et radical, in extremis. Le cabossage des stéréotypes s’apparente alors à des morsures jusqu’à l’os, à des frottements de silex préhistoriques. Du côté de Majastres, la commune la moins peuplée du département, fleurit un carnaval d’attitudes. Un coureur de rallye automobile tyrannise son assistante (Patrick Bouchitey et Iliana Lolic), un couple d’astrophysiciens se déchire (Sabine Haudepin et Mathieu Amalric), le chef paranoïaque d’une escouade de militaires croit reconnaître dans le tournage d’un western l’invasion des troupes de Saddam Hussein (Jean-Christophe Bouvet), un berger faunesque et renoirien charme les filles de passage (Gérard Duboche), un vacher se débrouille pour enliser les véhicules roulant dans le coin afin de les remorquer, un Japonais observe la farandole de loin avant de mourir d’une balle dans la tête, etc. Le film qui démarre comme un reportage régional, sur le mode sardonique de Foix (1994), ventile les pièces de sa petite comédie humaine sans hésiter à cramer toutes ses cartouches, aussi variées que généreuses. Luc Moullet qui a tant de mal à faire produire ses longs-métrages, en ayant du coup adopté la stratégie des courts-métrages plus facile en terme de financement, profite de l’occasion qui lui est donnée, malheureusement raréfiée, pour les bourrer jusqu’à la gueule d’idées que l’on imagine avoir été longtemps ruminées. Le paradoxe veut que l’encombrement conduise à l’extinction des feux d’une démence collective partagée, psychose obsidionale ou obsession de la gagne. Le documentaire offert à la majesté tectonique des paysages, terres noires et roubines, accueille ainsi les restes carbonisés des micro-fictions dont tout un chacun est saturé, concassées menu, écorchures et épluchures, jusqu’à finir à la casse aux clichés. La pauvreté n’est pas chez Luc Moullet l’antonyme du festin, c’est même le contraire. Les festivités sont anthropophages, c’est ainsi qu’il approfondit ses liens avec le cinéma de Jean-Luc Godard en se rapprochant de celui de Marco Ferreri (on songe à son Y a bon les blancs). La préhistoire de la modernité aboutit enfin à son week-end, celui où les roues de bagnoles tombent dans le ravin et le spectacle de la guerre montre qu’il n’est que du mauvais cinéma. Ce qui vient après le carnaval, c’est le carême, le désœuvrement des vanités après leur déballage carnassier. La grève de la faim des techniciens de cinéma prélude ainsi au feu de joie des totems et fétiches du moderne – un barbecue pour en fêter le week-end.

 

 

 

 

 

Le Prestige de la mort (2006)

 

 

 

Plouc toujours

 

 

 

 

 

Comme Alfred Hitchcock, Luc Moullet est le meilleur publicitaire de lui-même. Voici comme il présente Le Prestige de la mort : « Inspiré du Mort en fuite (André Berthomieu, 1930) et de The Whispering Chorus (Cecil B. De Mille, 1918), ce film se situe à mi-chemin entre la fable et la farce. On découvrira ici, pêle-mêle, une description globale et décalée du paysage audiovisuel français, un regard ironique sur nos polices, l’itinéraire, tragi-comique, d’un héros traqué par le Destin qu’il s’est lui même forgé, la logique des rêves fous, à travers des paysages somptueux et divers : c’est le seul film de l'histoire du cinéma ou l’on trouvera à la fois des calanques, des roubines, des lapiaz, des sengles et des sphaignes. » La présentation engage là où le film déroute moins qu’il ne déçoit, piégé dans des marécages nanardeux dont il ne se dépêtre qu’en y jouant sa peau, la comédie des quiproquos pour dire la vanité des reconnaissances manquées et la vérité des morts qui valent toujours mieux que les vivants. Le Prestige de la mort est après Le Système Zsygmondy (2000) une nouvelle ode aux randonneurs des roubines, que ponctue le rêve d’un film en costumes d’après Remèdes désespérés de Thomas Hardy, en écho au Fantôme de Longstaff (1996) d’après Henry James. L’exercice de trekking tombe malheureusement souvent à plat, qui refait en moins bien le burlesque des Naufragés de la D17 (2002), préparant toutefois à la cartographie plus personnelle de La Terre de la folie (2009). Encore un autre long intermédiaire, après Les Contrebandières. Depuis les années 80, Luc Moullet a trouvé la combine en enchaînant les courts quand le financement des longs est embourbé. Ces cinquante dernières années, il ainsi tourné pour trente courts sept longs. Meilleur dans les petites foulées, Luc Moullet semble manquer d’endurance pour les courses de fond. Il brûle ses maigres cartouches (les parasols Miko éclosent comme des fleurs artificielles en polluant le paysage), faisant long feu de sa meilleure idée (Luc Moullet se fait passer pour mort mais son décès est éclipsé par celui de Jean-Luc Godard). La satire de l’audiovisuel repose sur un piètre jeu de mots (TF « Huns » et France « d’œufs »), tandis qu’Antonietta Pizzorno met un terme à la débâcle de son compagnon jetlagué dans le retour au bercail de sa propre identité d’une balle dans la tête. Peut-être taille-t-il à coups de serpe dans le lard de sa propre légende, qui tient à la fois du nanar assumé et du vieil enfant aux manières grossières. Comme s’il fallait s’auto-parodier pour rendre à revers l’aiguillon de la demande de reconnaissance. C’est le côté rageur et punk du Prestige de la mort, qui rue dans les brancards en tirant à hue et à dia, mal fagoté et furibard, fier de ne pas rentrer dans le moule, cultivé mais rétif à finir dans un musée en préférant tout casser. Plouc toujours. En réalité, Luc Moullet trompe son monde en voulant se tromper lui-même, désirant fuir le trou qu’il est en multipliant les chausse-trapes à deux balles et les crevasses d’un territoire dont il ne sortira pas. Ses suiveurs seront plus précautionneux, plus bourgeois, Serge Bozon, Alain Guiraudie et les frères Larrieu. Luc Moullet, lui, est un arnaqueur, le contrebandier qui l’est d’abord de lui-même. La fiction de sa mort ratée intrigue bien moins que le documentaire sur la terre de sa folie.

 

 

 

 

 

La Terre de la folie (2009)

 

 

 

Une géographie de la violence

 

 

 

 

 

Une anecdote familiale découverte sur le tard en 1980 autorise Luc Moullet à se jeter dans une enquête qui est peut-être la plus cinglée qu’il ait jamais eu à mener. À cette occasion, il y découvre qu’il existe dans un petit périmètre des Alpes-de-Haute-Provence ce qu’il appelle un « pentagone de la folie ». L’exercice rigoureux de cartographie criminelle en terre gavotte passionne jusqu’au vertige. L’évocation par le truchement de témoins directs ou indirects d’une quarantaine de meurtres dresse une inventaire à la Prévert de faits divers dont certains ont défrayé la chronique, comme les affaires Didier Gentil / Richard Roman et Gaston Dominici, et les cas de démence et autres affaires irrésolues. On tente des explications, ainsi le vent qui rend fou et que désigne le syndrome de Tarifa. L’analyse des atavismes ruraux caractéristiques des Préalpes du sud fera immanquablement penser à Terre sans pain (1932) de Luis Buñuel, avec sa tératologie et sa galerie de goitreux auxquels répondent des débordements thyroïdiens accentués par le passage du nuage de Tchernobyl. Même s’il est né à Paris, Luc Moullet est un gars du coin et sa géographie de la violence le concerne en plein, qui explique encore une fois à quel point les terres noires, ces badlands entrent en profonde résonance avec les westerns préférés de sa cinéphilie. Il en serait cerné et la hantise de cette violence héréditaire et atavique, le film voudrait la conjurer en entretenant un trouble persistant à son sujet. D’un côté, la géographie de la violence étend ses cercles analytiques en incluant l’ethnographie d’une ruralité encore rétive aux représentants de l’ordre et de l’État, l’histoire du grand banditisme marseillais qui a trouvé refuge à Manosque et la critique des affaiblissements de la psychiatrie. De l’autre, le recours à la rhétorique télévisuelle, avec plans subjectifs et bouts de reconstitutions (un suicide par voiture, une auto-immolation par le feu), tord les perspectives en y ajoutant le grain d’un humour pince-sans-rire, qui peut éclater devant le pragmatisme inapproprié d’une buraliste ou une interlocutrice au débit ultra-accéléré. Il est quand même question ici de morts violentes, au couteau ou à coups de fusil, parmi lesquelles une petite fille violée et assassinée et un homme qui a réussi à mettre en déroute un fou qui a voulu poignarder sa compagne. Pourtant on rit – mais d’un rire jaune devant tant de noirceurs incluant l’aveu par l’auteur d’une dépression qui a failli le conduire au suicide. Le trouble est une question de perspective dans l’ordre du rire quand il se veut conjuratoire, et d’écarts parallactiques quand l’enquête sérieuse s’autorise à pasticher les mauvaises façons de la télévision. Surtout, elle fait lever le doute insistant d’une pétition de principe, considérant comme admis ce qui doit être démontré. Parce qu’après tout, ces géographies de la violence sont nombreuses, il suffit d’habiter la région parisienne pour le savoir. Comme à la fin d’Anatomie d’un rapport (1975), Antonietta Pizzorno joue la mouche du coche en mettant en cause la focale adoptée. Luc Moullet qui se décrit comme un inadapté ayant trouvé dans la culture un moyen de compenser se met toujours à nu mais il le fait ici comme jamais. Si le rire dépiaute, c’est en réponse d’une angoisse réelle, l’os d’un frère humain redoutant d’être un crétin des Alpes.

 

2-12 février 2024