Le cinéma se porte bien même quand des films qui s’en veulent les emblèmes font bruyamment accroire le contraire. Au chevet d’une condition ouvrière à l’agonie dont il braque les scènes héroïques comme un gauchiste sans révolution braque une pharmacie, Making of hystérise la représentation d’une conscience sociale parce qu’elle est tout ce dont le film de Cédric Kahn n’a aucun désir, sinon de préserver les hiérarchies. Prenez garde à la feinte putain quand elle s’agite, criant que tout va mal alors que pour elle tout va bien, merci.
Le diapré prédispose aux diamants de l'ambivalence, qu'il taille en les arrachant à l'affront gangué des crapauds et des clichés. Le diapré de la manière de Todd Haynes, avec ses reflets irisés, ses surfaces miroitantes et la palpitation de ses lumières intermittentes, ne tait jamais que la réverbération a pour radical secret la verge, la baguette ou le fouet. Ce qui chatoie est un attrape-regard (l'œil-de-chat capture bien des désirs). Ce qui scintille sait l'incandescence de ses foyers (le jaspe à l'origine du diapré doit ses couleurs variées à ses lignes d'impureté).
Si ses ailes de géant l'empêchent l'albatros de marcher, le plomb qui les afflige est l'entrave dans sa capacité de voler. Eurêka qualifie à l'origine la joie dans la trouvaille de hasard d'Archimède, le savant qui, sorti de son bain, courut nu dans les rues de Syracuse pour y porter la bonne nouvelle des lois de l'hydrostatique.
L'errance de la lettre par où le souffle des mots se faufile a des inflexions déterminées selon la langue, et dans la bouche d'étonnantes bifurcations et butées. La lettre R a un spectre de couleurs qu'examine la poétique synesthésique de Nurith Aviv, offrant à la consonne tout ce que Rimbaud avait déjà pu offrir aux voyelles.
Un film n'existe qu'à demi, une fois réalisé. Il n'existe pleinement qu'en vertu du regard de son spectateur, ne serait-ce que d'un seul. Au spectateur revient en dernière instance la possibilité qu'un film existe réellement, parce qu'il aura été vu. Les films ont besoin de spectateurs, et rien n'est moins vrai pour Les Nuits d'été, plus que jamais.
Le cinéma hollywoodien a le penchant des poursuites parce qu'il a la passion des persécutions. Le road-movie en est un genre plébiscité, désaxant destinations toutes tracées et vocations bien établies pour les dérouter. Et ouvrir ainsi au désert, celui inaugural des Rapaces (1924) d'Erich von Stroheim, où tout recommence d'un rapport aussi fondamental qu'initiatique à la violence - le degré zéro de l'arithmétique mentale étasunienne.
Tous les garçons s'appellent Hamlet, toutes les filles ont pour nom Ophélie. Voilà ce à quoi l'on avait pensé après avoir découvert Low Life (2011) de Nicolas Klotz et Élisabeth
Perceval. Un film de jeunesse-forteresse, tourné à Lyon redevenu pour l'occasion capitale de la résistance à l'heure du retour de Pétain, lézardé de courses et de traboules, hanté par Jacques
Tourneur et Heiner Müller, peuplé de chamans et d'animaux totémiques. Avant Hamlet en Palestine, dédié six ans après à la voussure des ébénistes répondant aux fossoyeurs de
Palestine.
Le film-annonce du film qu'il n'y aura pas est la présentation d'hiver de ses divers matériaux, découpés-coloriés, collés-gribouillés, empâtements de couleurs, rouge vif, noir profond. Une annonciation dédiée à tous les enfants mutilés et les militants désorientés, offerte à qui prend part et partie quand tout dans le monde fait bande à part, du côté des vaincus sans jamais plus qu'il n'y ait de vainqueurs. La joie des causes plus grandes que soi promet dans la nuit le bleu du ciel et, pour l'oncle de cinéma alors en partance, c'est une dernière bouffée d'enfance.
Art et Patrick sont copains comme cochons et le court de tennis est pour eux la surface de jeu d'une amitié virile dont l'homosexualité est l'infranchissable filet. Quand Tashi arrive dans leur vie, le plus dur est à venir : alors que le tennis compte jusqu'à deux, il va leur falloir apprendre à pousser jusqu'à trois. Elle est la blessure entre eux, l'opératrice de triangulation d'un double messieurs.