Avec Lamine Ammar-Khodja, le regard de l'observateur mêle perspicacité analytique et humour bienveillant, à mille lieues de toutes condescendance ou ironie. Les notations documentaires s'égrènent chez lui sur un mode à la fois impressionniste et ludique pour s'enchaîner entre coq-à-l'âne et marabout-de-ficelle.
Un homme à fables : c'est bien plus qu'un simple jeu de mot. C'est que le witz torpille nos somnolences cinéphiles en nous rappelant à l'essentiel : à la différence de bon nombre de réalisateurs actuels, Samuel Fuller est un cinéaste qui, décédé en octobre 1997 à l'âge de 85 ans (c'était il y a vingt ans, vingt ans déjà, c'est au fond si peu), demeure exactement notre contemporain.
Henri Langlois disait : Dracula est partout. Et puis aussi : Dracula n'appartient plus à la littérature mais à l'univers tout entier. Le vampire ne serait donc plus seulement le reste persistant de l'aristocrate décadent dont le spectre distingué hanterait l'égalitarisme formel et l'individualisme concurrentiel caractérisant les sociétés modernes, mais la survivance séduisante et donc forcément troublante d'une ambivalence cependant de moins en moins tolérée dans un monde toujours plus immergé dans les eaux glacées du calcul égoïste.
Une femme monte un escalier d'Alger. Amal avait une vingtaine d'années lors des journées sanglantes d'octobre 1988, à l'époque où le peuple algérien était descendu dans la rue pour demander la démocratisation du régime, une exigence affreusement sanctionnée trois ans plus tard par la suspension du processus électoral et une guerre de dix ans contre le terrorisme islamiste.
Dans Demain, Alger ? (2011), un jeune étudiant algérien sur le point de partir faire ses études à Paris prépare sa valise, et s'apprête à quitter sa chambre sur les murs de laquelle on reconnaît entre un poster du Che et un autre de Bob Marley quelques affiches de cinéma : The Wall (1982) d'Alan Parker d'après l'album éponyme du groupe de rock Pink Floyd, Blade Runner (1982) de Ridley Scott et Star Wars, VI : The Return of the Jedi (1983) de Richard Marquand.
Un ronronnement enfle sur la bande sonore tandis qu'à l'image la caméra remonte lentement l'armoire à glace qui capture le reflet du vieil Ivan, locataire septuagénaire d'un petit appartement encombré de la banlieue moscovite, concentré malgré sa cécité au travail du tissage de ses filets à légumes : tout en haut, un chat blanc surplombe souverainement la scène. Le plan ouvre Dans le noir (2004) de Sergueï Dvortsevoï, qui compte peu de plans (une vingtaine pour quarante minutes de métrage montées et mixées durant de longs mois).
L'ouverture de Fais soin de toi est un grand moment d'inspiration lyrique, de prise de souffle comme on en voit au fond rarement au cinéma (sauf en y pensant chez Alain Gomis). C'est que cette ouverture expose souverainement l'ambition d'un souffle dont l'ampleur d'inspiration se communique transversalement dans l'épars moléculaire de réalités ordinairement séparées.
Et puis Twin Peaks saison 3 arriva. A plus de 70 ans, un créateur de formes reprend goût en l'acte de création en posant – en imposant une nouvelle fois qu'en 2017 le plus grand cinéma, quand il n'est pas noyé dans l'huile de palme cannoise, se sera trafiqué à la télévision.
Beyrouth, aujourd'hui. A l'occasion d'un chantier de rénovation d'un quartier maronite, Yasser Salameh, un contremaître palestinien, se fait sèchement rabrouer par Tony Hanna, un garagiste militant des Forces Libanaises. Une insulte fuse côté palestinien : « Sale con ! ».
Wajib, l'invitation au mariage est un film qui, sans avoir l'air de se donner pareille prétention, tire du fait binoculaire caractérisant la vision humaine parmi ses plus enthousiasmantes ressources symboliques.