Des nouvelles du réel, voilà ce que l'on attendra toujours du cinéma qu'il soit de fiction ou de documentaire. Voilà ce qu'il y a à désirer du cinéma dont le champ des images ne tient qu'à ce hors-champ cultivé dans le beau souci du réel qui entraîne dans la suite du monde. Autrement dit, le réel ne l'est qu'à être divisé, double, duplice, écartelé de part et d'autre du cadre, logé dans la faille des images et des sons, dans la nécessité dialectique de la matière et de la forme, dans la dialectisation sans résolution du calcul et de l'incalculable. Rien de moins décisif que le réel, rien de moins politique que le réel.
Les paradis ne valent en effet qu’à être perdus pour être retrouvés, dans les bricolages immanents de l’ici et du maintenant où la déliaison des mythes et des rites donne des récits et des jeux, autrement dit des films profanant le monde pour mieux le désacraliser. Et, ainsi destitué de toute séparation sacralisée, le restituer à l’usage commun des égales singularités.
Le mort-vivant ou zombie était une figure de souffrance qui hier faisait peur, on souffre toujours plus désormais de constater à quel point cette importante figure du cinéma d'épouvante, ce paria annoncé entre autres par le peuple décharné des lépreux du Tigre du Bengale / Le Tombeau hindou (1958) de Fritz Lang, est particulièrement maltraitée de nos jours. Que s'est-il donc passé ?
Jeanne d’Arc est une figure intempestive, elle n’en finit pas de vivre en immortel ses vies ultérieures. Exemplairement au cinéma depuis Domrémy (1899) des frères Lumière et Jeanne d’Arc (1990) de Georges Méliès en passant depuis, et entre autres, par Cecil B. DeMille (Joan the Woman en 1918), Carl T. Dreyer (La Passion de Jeanne d’Arc en 1927), Victor Fleming (Joan of Arc en 1948), Roberto Rossellini (Jeanne au bûcher en 1954 avec Ingrid Bergman, star également du film précédent), Otto Preminger (Saint Joan en 1957), Robert Bresson (Procès de Jeanne d’Arc en 1962), Jacques Rivette (Jeanne la pucelle en 1994), Luc Besson (Jeanne d’Arc en 1997) et Philippe Ramos (Jeanne captive en 2012).
Qu'est-ce qu'une allégorie ? D'abord, rappeler que la figure de style, après sa consécration au profit de la rhétorique religieuse par Philon, Tertullien, saint Jérôme, saint Augustin puis plus tard encore avec Dante, Emmanuel Swedenborg et William Blake, aura longtemps eu mauvaise presse.
Patricio Guzmán est un cinéaste à la mémoire obstinée. Il a d'ailleurs réalisé un documentaire précisément intitulé Chili, la mémoire obstinée (1997), porté par ce savoir que, comme l'aurait dit Paul Ricœur, l'amnésie des uns s'accorde forcément avec l'amnistie des autres. L'homme de la mémoire obstinée parce que déchirée en envisagerait alors autant le devoir (c'est une éthique devenue morale publique) que le droit (c'est, moins médiatique, une politique émancipatrice) : le devoir de mémoire se double toujours déjà pour son dialecticien obstiné d'un droit de (faire) savoir qui est aussi celui d'aller y voir et revoir.
Le cinéma militant, mort ? pas mort ? C'est déjà une longue histoire qui raconte en la déployant autrement l'histoire du cinéma et du siècle de son avènement, comme le montre l'article fouillé que lui consacre l'historien Tangui Perron disponible sur le site web de l'association Périphérie, préalablement issu d'Une encyclopédie du court-métrage français (sous la dir. de Jacques Kermabon et Jacky Evrard, éd. Festival Côté court/Yellow Now-coll. « Côté cinéma », 2004).
Joie renouvelée de cailler en longeant la Savoureuse et se réchauffer en discutant de l’un des 117 films, courts ou longs, documentaires ou fictions, œuvre classique, proposition expérimentale ou film en compétition, tous programmés à l’occasion de la 34ème édition de Entrevues, le Festival International du Film Belfort, qui s’est déroulée du 18 au 25 novembre 2019.