(Bertrand Mandico et Yann Gonzalez, Caroline Poggi et Jonathan Vinel)
En 1962, le pédiatre et psychanalyste anglais Donald Winnicott décrit l'adolescence comme un pot au noir. La métaphore est issue d'un terme de navigation désignant une zone de convergence intertropicale dans laquelle les marins ne savent plus dans quelle direction les vents vont tourner. Jetés dans l’intervalle chaotique des deux hémisphères, ces marins à l’instar de ceux qui ont été inspirés naguère par le portugais Henri le Navigateur se voient obligés de tirer parti d’une situation caractérisée par la plus grande des incertitudes et des instabilités.
Hou Hsiao-hsien a connu plusieurs jeunesses. Mais c'est pour mieux relancer les figures de l'enfance qui, toutes, se vivent et s'éprouvent sur le mode de l'ouverture native et de la rupture fondatrice, dans les battements du commencement et du recommencement. C'est cela, après tout, l'enfance : la relève accomplie après coup par l'adulte de l'enfant qu'il n'est plus mais dont le souvenir le fait tenir. Le cinéaste taïwanais ne cède pas sur le désir de l'enfant qu'il a été en sachant puiser dans le fond de ressources imaginaires qu'il aura dans l'intervalle constitué de quoi cultiver la jeunesse dont se nourrissent ses films.
Taipei Story d'Edward Yang contient plusieurs histoires de solitude et l'une des plus belles concerne l'ami Hou Hsiao-hsien qui y tient le rôle principal. Le documentaire d'Olivier Assayas consacré à Hou Hsiao-hsien est beau aussi en témoignant, avec l'absence de l'ami Edward Yang, d'une génération héroïque qui n'existe plus que dans le paradis des souvenirs.
Le cinéma de Maurice Pialat a le désir du réel. Le réel est ce qui fait mal, c'est la blessure dont la douleur est un indicateur de vérité, intraitable et indicible. La puissance d'authenticité de ses films tient à l'arrachement du vrai depuis la facticité des conditions de leur fabrication. Quand le réel survient en marqueur des trouées du vrai, c'est toujours contre : le tournage contre le scénario puis le montage contre le tournage ; les acteurs contre eux-mêmes et le documentaire contre la fiction. Le cinéma contre lui-même : une agonistique. Le cinéma de Maurice Pialat est celui où les raccords tracent au couteau les cicatrices entre lesquelles on lit que le mal est fait autant que l'amour existe.
Les burlesques sont nos accompagnateurs originaires, ils sont en cinéma nos premiers doubles placentaires. Ce sont leurs films qui, très tôt, ont donné figure à la voix de l'ami qui a toujours précédé la nôtre en nous avertissant de ceci : la vie est invivable mais pas moins risible. La vie est une comédie dont le secret entretenu par les burlesques tient au rire de nos fautes parce qu'elles n'en sont définitivement pas.
Nous disons révolution inventerait un genre, celui de la science-fiction anthropologique, refusant de jouer l’imagination contre le documentaire parce qu’il s’agit différemment de la même chose – sun et ra. Afro-futurisme créole. Nous disons révolution, sa puissance de monstration est une puissance monstre pour l’histoire et la géographie, à un axe Paris-Barça et un autre Brésil-Brazza. Dans le tissage rhapsodique des vivants et des morts comme des récits et des supports, Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval ont composé un chant de la terre pour après l’apocalypse – les cantiques transatlantiques qui font rimer surrection et insurrection.