Le léger doit posséder suffisamment de densité pour éviter les alourdissements fautifs de la gravité. Guillaume Brac en expérimente les boitements avec le documentaire qui enthousiasme (L'Île au trésor) quand la fiction en joue autrement et plus balourdement les gammes (Contes de juillet). Lui qui est favorablement disposé au léger devrait en densifier les puissances plutôt qu'en plomber les élans vitaux par volonté de sérieux. C'est aussi cela respirer qui est l'apprentissage de toute existence quand elle ne cède pas sur son enfance.
La carte et le territoire, le game et le play
Pour l'été 2017, Guillaume Brac a fait coup double avec la sortie de L'Île au trésor suivi quelques semaines plus tard de Contes de juillet. Dans les faits, le second des deux films a été réalisé une bonne année avant le premier, précisément au cours d'un atelier de trois semaines durant le mois de juillet 2016 en compagnie de seize élèves du Conservatoire national supérieur d'art dramatique ayant alors pour professeure l'actrice Maryline Canto. En sont sortis deux courts-métrages tournés en cinq jours chacun avec le concours de trois techniciens (et même un troisième court qui n'aura finalement pas été retenu), L'Amie du dimanche sous l'inspiration avouée d'Eric Rohmer (le film a reçu le Prix Jean-Vigo) et Hanne et la fête nationale qui ne l'affirme pas moins en s'approchant davantage cependant des dérives alcoolisées du cinéma de Hong Sang-soo.
Si le deuxième segment a élu résidence parisienne pas loin de la Cité universitaire, le premier aura trouvé son espace privilégié dans le petit royaume offert par la base de loisirs de Cergy-Pontoise que l'on voyait déjà dans L'Ami de mon amie (1987). Outre la référence rohmérienne (les deux films sont par ailleurs distribués par les Films du Losange), cette base a été durant l'enfance du réalisateur et de son frère un terrain de jeu estival habituel. Ce retour à l'enfance placé sous la condition de la fiction a ainsi appelé sa répétition documentaire avec la réalisation, tournée exactement un an après Contes de juillet, de L'Île au trésor, un film qui est non seulement dédié au frère de l'auteur mais qui bénéficie aussi des petites ritournelles composées par Jongjin Jeong, le musicien des films de Hong Sang-soo entre 2006 et 2014.
Le calendrier estival de la sortie des films de Guillaume Brac impose pourtant de bousculer l'ordre des chronologies en commençant avec le documentaire. Comme si le spectateur était invité à rêver la possibilité de pistes – mieux, à hasarder la virtualité imaginaire de récits que la fiction aurait ensuite pour mission d'actualiser. Il se trouve qu'un espace à l'instar de cette base de loisirs est sans forcer un vivier de fictions petites et grandes, avec les enfants qui plein cadre se réjouissent autant des loisirs disponibles que de la transgression des règles encadrant cette mise à disposition, et avec des adultes qui racontent in ou off des histoires témoignant diversement des grandes offenses et petites misères du monde.
Sous couvert d'une balade impressionniste accordée aux enfantillages balisés ou non par l'institution accueillante, L'Île au trésor se fait ainsi fort de multiplier aux quatre coins les points de vue afin d'abonder l'écart décisif déjà conceptualisé par Donald Winnicott du game et du play, autrement dit des jeux réglés par l'institution et des jeux proposés dans l'imagination d'une énergie constituante. L'écart appartient bien à la différence de la carte et du territoire et il recoupe la différence entre les loisirs organisés par l'institution et les pratiques privilégiées par les usagers.
Œuf de Colomb
C'est pourquoi L'Île au trésor est en dépit de sa modestie d'une grande richesse. Il propose déjà de documenter un petit précis de « macrosphérologie » en montrant comment une « île anthropogène » (Peter Sloterdijk) est à la fois l'objet d'une organisation locale au carrefour de la décentralisation territoriale et des loisirs de masse, ainsi que l'abri d'usages sociaux et culturels différenciés. En ce sens, le grand précurseur de L'Île au trésor se trouve moins du côté de la littérature d'aventure (le titre est évidemment repris de Robert Louis Stevenson) que du côté de la peinture avec Un dimanche après-midi à l'Île de la Grande Jatte (1884-1886) de Georges Seurat. Moyennant quoi, le film de Guillaume Brac déploie un sens de l'observation comique qui ne se suffit ni des dérèglements ludiques à la Jacques Tati et ni des moments de drague foireuse à la Jacques Rozier. Ce sens trouve en effet à s'exercer aussi du côté de l'administration dont le pouvoir de surveillance panoptique a des contrariétés qui font rire (les agents pris au dépourvu d'un gardiennage insuffisant, quand ce ne sont pas les animateurs eux-mêmes qui transgressent les règles afin de séduire leurs invitées qu'ils emmènent dans les angles aveugles de la base) comme de son jargon technocratique (c'est le point désopilant concernant ces drôles de bêtes que sont les NAC, à savoir les « nouveaux animaux de compagnie »).
Devant L'Île au trésor, il est difficile également de ne pas penser au cinéma de Claire Simon. En raison du fait, d'une part, que la bulle de l'hétérotopie qui invente artificiellement une image urbaine de la nature accueille la mousse écumante de petites bulles collectives et individuelles appartenant aux manières, récits et pratiques des usagers (et Le Bois dont les rêves sont faits tournés à Vincennes en 2015 s'impose ici comme un modèle possible). Quand, d'autre part, le regard de Guillaume Brac se met à hauteur d'enfants dont les efforts poussent le ludique au niveau de l'épique (et l'ultime séquence offerte à une fratrie aventurière qui gravit une colline comme des alpinistes auraient escaladé une montagne fait irrésistiblement penser à la fin de Récréations en 1998).
Et puis encore ceci : L'Île au trésor et Contes de juillet forment un diptyque consacré à explorer un lieu sur les versants respectivement documentaire et fictionnel comme l'avaient précédemment fait Géographie humaine et Gare du Nord de Claire Simon en 2013. Et, d'un diptyque l'autre, on notera en passant que le documentaire emballe toujours davantage que la fiction, notamment parce qu'il y a plus de fiction dans l'un que de documentaire dans l'autre. C'est enfin par le biais de l'observation attentive des habitus ou gestus populaires, ajointant combines éprouvées d'enfants fraudeurs et secrets préservés d'adultes solitaires (on pense en particulier à cet homme solitaire qui aime nager auprès des cygnes, volatiles pourtant peu sympathiques), que L'Île au trésor se distingue des précédents rohmériens.
Mine de rien, le film de Guillaume Brac se présente comme une sorte d'œuf de Colomb, qui fait mieux qu'être la bulle célébrant les beautés quelconques du petit peuple de l'âge des loisirs compensant faussement le temps de travail subordonné (la limite de l'exercice serait plus nette avec le court intitulé Le Repos des braves en 2016 et ses vieux retraités pratiquant le cyclisme). Des enfants qui contournent les règles et pénètrent l'enceinte sans payer ; des adolescents un peu lourdingues dans l'exercice de la drague ; des familles qui viennent d'horizons différents (y compris géographiquement comme le Portugal et l'Afghanistan) ; des hommes qui se fendent de récits plus sombres (un Guinéen ayant fui son pays pour des raisons politiques, un professeur à la retraite se félicitant d'avoir joui sans être allé plus loin de la présence d'une jeune femme intéressée à profiter de ses privilèges) : cet monde-là qui est réel pourrait ressembler au cauchemar fantasmé des éditorialistes qui s'offusquent d'une société intoxiquée par la pression des origines étrangères, de la culture de masse et des sauvageons multirécidivistes dans l'incivilité.
Il n'en est cependant rien, la République de la laïcité, de la scolarité obligatoire et des congés payés tient semble-t-il assez bien le supposé choc de la jeunesse populaire d'ascendance postcoloniale en assurant malgré la « crise migratoire » qui fait la une des journaux l'intégration des nouveaux venus.
Fusées et cailloux
L'idéalisme eudémonique d'une pareille vision (l'intégration républicaine, ça marche encore) pourrait être légitimement critiquée mais autrement alors qu'avec le point de vue réactionnaire hégémonique. Le refus de céder à tout alarmisme a de quoi permettre d'aérer un pays confiné, à l'atmosphère viciée par les effets de serre xénophobes et anxiogènes cultivés par les chantres de la nation française et fluidifiés à l'ère de la viralité télé-technologique.
L'anxiété contemporaine reviendra plus fortement du côté de la fiction (Guillaume Brac s'y était déjà essayé avec Tonnerre en 2014 mais en forçant le naturalisme du récit d'une obsession par une scénarisation rigide et convenue). C'est ce que vérifie en effet Contes de juillet, particulièrement avec son second segment, Hanne et la fête nationale qui est une nouvelle histoire de harcèlement masculin par ailleurs affectée par l'écho de l'attentat de Nice du 14 juillet 2016. La bonne idée d'avoir en termes de distribution inversé la chronologie de la production consiste à vérifier qu'il faut définitivement rompre avec le réflexe proto-platonicien et hiérarchique voulant que le documentaire est la matière première dans l'attente de sa sublimation par l'élévation de la fiction. Si l'on reconnaît, en passant du film documentaire au film de fiction, des situations qui exemplifient la vie estivale et ludique dans la base de loisirs de Cergy (le coin retiré pour draguer et seulement connu du dragueur, le rapport fluctuant aux règles de certains de ses jeunes usagers), ce n'est certes pas par imitation du premier par le second mais bien par connaissance empirique (et même ici biographique) d'un lieu dont les scènes du réel se jouent toujours déjà comme des scènes de fiction. C'est bien pourquoi, concernant le diptyque de Guillaume Brac, le film documentaire est plus convaincant que le film de fiction parce qu'il fait davantage mousser l'écume de la fiction quand le film de fiction ne frôle que la surface du documentaire sans réussir à en brouiller les effets de miroitement.
Le sens de l'observation comique de Guillaume Brac s'épanouit avec plus de fermeté quand il bénéficie d'une écriture extrayant de la circulation mal négociée des désirs quelques moments grâce ou de d'absurdité donnant de l'air et du jeu à au rituel conventionnel de la séduction. Dans les deux films, la promesse des rencontres amoureuses entre de bien belles filles et de bien beaux garçons se casse ainsi systématiquement le nez, tantôt parce que les séducteurs sont bourrés de maladresse, tantôt parce que les séductrices souffrent de l'inconséquence de leurs indécisions (mais Hanne échoue sur le plan éthique à se hisser à faire du non-choix un choix comme le héros de Conte d'été d'Eric Rohmer en 1996). La chose est drôle quand, dans L'Amie du dimanche, le séducteur emmène sa conquête dans son petit coin de paradis rempli de cailloux qui font mal aux fesses et finit à l'eau poussé par sa petite amie légitime, tandis que Hanne et la fête nationale voit dans son héroïne d'origine norvégienne une figure d'impuissance dans la décision qui finit esseulée. On repère les marques (si peu rohmériennes) d'une violence des corps, coups de pieds et chute provoquée faisant mal au dos dans L'Amie du dimanche, nez cassé et empoignades cassant l'ambiance dans Hanne et la fête nationale qui commence avec les célébration officielles du 14 juillet pour finir avec l'évocation radiophonique de l'attentat de Nice. Le talent de Guillaume Brac s'exprime alors diversement, avec quelques belles idées (la vendeuse de chaussures qui tapait du pied après avoir été embêtée par une mauvaise cliente réapprend à marcher avec un jeune escrimeur rencontré par hasard) et d'autres plus comiques (la métaphore du caillou qui fait caca pour aider à faire du ski nautique, le dragueur pénible de l'étudiante norvégienne qui lui fait une leçon de morale après avoir blessé au nez l'un de ses rivaux). Et même un vrai moment de grâce (avec l'acteur Sipan Mouradian, grande révélation du film en pompier timide dont le regard étonnant finit par l'emmener sur des sommets où le comique se fond en une belle chorégraphie toute en mélancolie).
Pourtant, Guillaume Brac croit bon de malmener la finesse de ses observations qui en font un modeste ethnographe du proche en forçant abusivement l'expression du trait afin de toucher au nerf de pulsions supposément mal rentrées (le naturalisme à la Maurice Pialat ne lui sied franchement pas). Jusqu'à faire vraiment n'importe quoi. Ainsi l'évocation de l'attentat de Nice est absolument catastrophique, avec cette multiplication de plans tous azimuts, à l'extérieur et à l'intérieur, sur des façades d'immeubles et un couloir vide, avec la voix d'une journaliste off et l'actrice qui surjoue maladroitement la douleur, tout cela témoignant que le réalisateur aura été bel et bien incapable de construire un point de vue. C'est alors que la bulle qui permet de respirer (la base de loisirs) en projetant haut les fusées de l'enthousiasme (avec le feu d'artifices c'est le bal des pompiers tant attendu mais qui finalement ne viendra pas) retombe aussi sec, non seulement dans les cailloux qui font mal aux fesses ou font caca, mais encore et surtout dans les corps fauchés par une « violence hyper-subjective » (Étienne Balibar) dont Guillaume Brac semble ne rien comprendre. La bulle soufflée par les films de Guillaume Brac enfle et crève quand elle rate le moment des courts-circuits de la violence, tantôt parce qu'elle est mal jouée (l'animatrice jalouse qui pousse son copain à l'eau en bousculant sa rivale), tantôt parce qu'elle est trop forte pour eux (le réel de l'attentat). Hong Sang-soo s'en sortirait peut-être mieux avec les éclats denses mais contractés et crépitants de crises de nerf avérant le partage égalitaire d'une hystérie indifférente à la différence des genres.
Le léger doit posséder suffisamment de densité pour éviter les alourdissements fautifs de la gravité. Guillaume Brac en aura expérimenté les boitements avec le documentaire qui enthousiasme (L'Île au trésor) quand la fiction en joue autrement et plus balourdement les gammes (Contes de juillet). Lui qui est favorablement disposé au léger devrait en densifier les puissances plutôt qu'en plomber les élans vitaux par volonté de sérieux. C'est aussi cela respirer qui est l'apprentissage de toute existence quand, en effet, elle ne cède pas sur son enfance.
26 juillet 2018
Il y a quelques années, Pascale Ferran a popularisé l'expression de cinéma du milieu pour alerter des difficultés de financement des films français à budget modéré. L'industrie du cinéma français étant portée à la surfacturation, le milieu disait-elle alors est devenu une faille. Le cinéma du milieu peut-il être sauvé par les animateurs d'un centre aéré ? Le centre aéré qualifierait un cinéma voulant aérer le jeu des micro-fictions habituelles par les vents légers du documentaire et de l'amateurisme. Mais le centre aéré dit aussi que du documentaire comme de la fiction point trop n'en faut, juste ce qu'il faut au risque que la bonne mesure chère au boy-scout s'apparente à la moyenne d'une neutralisation réciproque.
Morale de boy-scout
Guilllaume Brac serait le héraut du cinéma français de centre aéré et À l'abordage vient confirmer toutes les hypothèses soulevées à l'époque d'Un monde sans femmes (2011), moyen-métrage plébiscité pour sa ténuité narrative accordée à un impressionnisme sentimental et vacancier. Le centre aéré, les parents y emmènent leurs enfants pour qu'ils puissent y passer une journée bien remplie par les petites activités ludiques proposées par les adultes qui en sont les animateurs. Le centre aéré qualifierait ainsi un cinéma qui voudrait aérer le jeu des micro-fictions habituelles par les vents légers du documentaire de amateurisme. Mais le centre aéré dit aussi que du documentaire comme de la fiction point trop n'en faut, juste ce qu'il faut au risque que la bonne mesure s'apparente à la moyenne d'une neutralisation réciproque. C'est ainsi que le réalisateur cinéphile qui apprécie pourtant les films d'Eric Rohmer et Jacques Rozier s'évite, presque trop consciencieusement, la construction des intrigues du cœur servie par des dialogues exigeants et la dérive improvisée invitant la fabrique du film à relever de l'aventure et de la piraterie pour de vrai.
Moyennant quoi, Apollon triomphe et les critiques applaudissent sans constater la disparition corrélative de Dionysos qui est comme une mutilation de son jumeau placentaire.
À l'abordage, le titre est excessif et le seul pirate du film de Guillaume Brac est une femme qui amuse les enfants du village avant de jouer au bord de la rivière drômoise les ondines inoffensives. De fait l'abordage n'excédera pas le cadre d'un programme digne en effet d'un centre aéré. Au centre aéré, il y a des garçons et des filles de toutes origines, il y a des amours qui fleurissent en rédimant les malentendus et des amitiés qui naissent en faisant respirer une société française mal embouchée par les difficultés du racisme et de la précarité. Au centre aéré, il y a de la mixité qui n'est pas l'égalité mais sa représentation consensuelle. Du camping au canyoning en passant par l'incontournable karaoké, tout est bon dans le cochon pour faire plaisir à peu de frais sans troubler ni égarer. Au centre aéré du cinéma, la France post-confinement se ressource en se rassurant à peu de frais : au milieu des contradictions qui deviennent des failles, l'hystérie est la seule petite affaire des filles qui heureusement se reprennent tandis que le racisme est une série de réflexes vite matés. La morale du centre aéré, pire que l'idéalisme de l'intégration républicaine comme y croit encore L'Île au trésor (2018), est celle du scoutisme.
Une odeur de pipi
Les acteurs trouvés au Conservatoire national supérieur d'art dramatique sont les corps privilégiés du centre aéré. S'ils ne sont pas mauvais, ils sont insuffisamment bons pour susciter autre chose qu'un intérêt vague ou poli. On retiendrait quand même Édouard Sulpice qui a des airs grognons à la Albert Dupontel. Quand celui-ci interpelle Eric Nantchouang et Salif Cissé en les appelant ses frangins, la sympathique utopie post-raciale ramène à l'horizon apolitique de SOS racisme. C'est aussi cela le cinéma comme centre aéré : le racisme est là mais il est aussi vite évacué parce qu'il faut se et nous faire du bien, on a besoin de respirer même si le souffle est court et l'air pas très frais.
Il est alors significatif que Guillaume Brac ait signé sa meilleure réussite avec un documentaire (L'Île au trésor) parce que la base de loisirs de Cergy-Pontoise est un monde sous cloche abritant diverses alvéoles dont l'écume excède le regard des surveillants chargés d'en contrôler le fonctionnement. Tout aussi symptomatique est l'échec cinglant de Tonnerre (2016), tentative de noircissement de la toile de fond naturaliste qui bute sur la scénarisation convenue des reflux pulsionnels. Sans même parler de Contes de juillet (2018) qui n'entend littéralement rien aux déflagrations du terrorisme contemporain. D'un côté, Guillaume Brac aime trop ses personnages pour les bousculer, il n'y croit pas lui-même quand il s'y est essayé. Mais, de l'autre, il est insuffisamment confiant dans la possibilité qu'ils puissent échapper à sa bienveillance qui peut se confondre aussi avec une forme de complaisance. Il est vrai qu'ici les rondouillards emportent à l'aise le cœur des filles inaccessibles qui répondent à leurs désirs en coupant court à cette immaturité qu'elle partage par ailleurs si bien entre elles (Alma est pénible mais sa sœur Helena est pire encore en rappelant le personnage de Laure Calamy dans Un monde sans femme).
Il y a pourtant un indice qui est la seule saillie d'À l'abordage : la tente récupérée du centre aéré sent la pisse. Le confinement concerne aussi une certaine tendance du cinéma français qui, s'il se refuse à la pyrotechnie pornographique du moment à l'instar de celle qui cartonne à Cannes, s'épuise à ne pas rafraîchir son idée du naturel. L'animation devrait pourtant se comprendre aussi en ce sens-là.
30 juillet 2021