« Il y a donc, dans le libéralisme comme dans le racisme, une part qui relève du naturalisme » (Achille Mbembe, Critique de la raison nègre, éd. La Découverte, 2015 [2013 pour la première édition], p. 122)
Le chemin à prendre,
une langue fourchue
La route qui mène à Cayenne a des écailles comme les insignes du gendarme et elle a des anneaux comme des fourgons de gendarmerie. Mais, surtout, comme la langue d'un serpent, la route de Cayenne est fourchue.
Il y a, d'un côté, le sentier emprunté par le chemineau des temps nouveaux qui bégaient des époques plus archaïques. L'étranger originaire d'Afrique subsaharienne fuit ainsi le centre de rétention administrative, camp pour migrants identifiés comme « irréguliers » institué à l'époque du seul président socialiste de la 5ème République, François Mitterrand. Les chemins sentent bon la France bucolique, mais la brume du matin ne saurait, en dépit de ses beautés virgiliennes, apaiser aucune faim. Et puis il y a, de l’autre côté, le salon bourgeois où devisent les cervelles alcoolisées appartenant à ceux qui s'enivrent aussi des paroles doctes de la violence nécessaire à maintenir leurs têtes sur des hauteurs capitales. On croirait ces figures suantes et rancies d'un autre temps, ils sont pourtant du nôtre qui s'apparente à l’entêtement sénescent d'un ordre plus ancien. Christophe Clavert et son fidèle complice Olivier Coulon-Jablonka excellent dans l'exercice. La charge est féroce mais le trait est suffisamment stylisé pour lisser le fiel sur la lame effilée de l’interprétation ; ils excellent aussi parce qu'ils se sont visiblement imbibés de leur rôle et c’est drôle.
La langue est fourchue, donc, en croisant les lieux et en faisant fourcher les temps. La langue est fourchue aussi parce qu'elle n'est pas la même en différant selon que l'on est le vagabond qui, en off, parle un français frotté des rugosités d'une origine africaine lointaine ou bien selon que l'on appartient au groupe des représentants d'une classe sociale conscients plein cadre et jusqu’à l’ivresse que la bourgeoisie est une vieillerie qui sait malgré son agonie devoir faire mourir, quand il ne s’agit pas de tuer pour continuer mordicus à ne pas rejoindre le musée ou le magasin des antiquités.
La langue est fourchue en déroulant l'apparence formelle d'un montage parallèle. Mais les parallèles se touchent quand le réel des différences sociales touche au nerf des divisions de classe haussées à l'époque postcoloniale, qui est aussi celle d'un néocolonialisme assumé. Entre l'alcool faisant tourner la tête de ceux qui n'ignorent pas que la prochaine émeute révolutionnaire pourrait bien la faire rouler dans ce bon vieux panier à guillotine et la faim qui tourne et retourne le ventre d'un prolétariat cosmopolite difficile à organiser en raison même de son nomadisme, il y a une route fourchue qui fait bégayer la langue quand elle ne la fait pas fourcher, tout simplement. Comme l’apparente double bande d’un vrai ruban de Möbius où Cayenne, qui a longtemps nommé la destination des vaincus des soulèvements populaires à Paris comme en Kabylie, se prononcerait peut-être CRA aujourd'hui.
La fourche pique la peau nègre et pourrait même en lacérer le cuir quand l'alambic faisant suinter l'alcool maison fait également monter une humeur obsidionale qui se mêle aux vagues de l’histoire où se superposent, dans la blancheur battue de sa brûlante écume, l'image des bagnes ultramarins d'hier et celle des camps pour migrants contemporains.
Héritages de ce temps
Une fusée baudelairienne ouvre le bal qui est aussi pour ses antiques hostilités celui des trous de balles : « Peuples civilisés, qui parlez toujours sottement de Sauvages et de Barbares, bientôt (comme dit d'Aurevilly), vous ne vaudrez même plus assez pour être idolâtres ». La Route de Cayenne indique la configuration actuelle, laborieuse car obscurcie, où la bourgeoisie est une antiquité dix-neuvièmiste cramoisie qui se sait telle et où le prolétariat est une jeunesse qui vient de loin, de très loin mais s'ignore ainsi de vivre dans le présent de sa survie. Classique division de l’ignorance des dominés et du savoir des dominants dira-t-on, et tout à fait contestable depuis les enquêtes sur la vie des hommes infâmes de Michel Foucault et l’archive ouvrière constituée par Jacques Rancière.
Il n’en reste pas moins vrai que les classe qui luttent le font avec une inégalité structurelle de ressources, et parmi celles-ci il y a en particulier la capacité à se représenter, notamment dans le langage, son conatus et ses intérêts. L'objet du film de Christophe Clavert pourrait tout à fait se rapporter à cette bonne vieille idéologie dont la langue fourchue sépare, depuis L'Idéologie allemande de Marx et Engels, la Critique de la raison dialectique de Jean-Paul Sartre et la sociologie de la domination de Pierre Bourdieu, avec la « classe en soi » qui manque de se représenter comme telle dans l'injuste dynamique des rapports sociaux et la « classe pour soi » qui ne manque pas quant à elle de savoir qu'il lui faut organiser le non-savoir de ceux qu'elle exploitent pour reproduire l’ordre de sa domination.
L’idéologie est concrète et elle est incarnée de part et d’autres des bandes parallèles qui forment un seul ruban au déroulé tordu : c’est le français qui est différemment parlé par les uns qui ont faim et survivent et par les autres qui s’enivrent de vivre en fonction de la survie qu’ils imposent aux premiers. L'idéologie est donc une langue fourchue qu'il s'agirait de tenter de faire claquer comme un fouet, tout en la faisant fuir comme une rivière vagabonde qu’il s’agirait en l'espèce d’enfourcher, mais à seule fin d'en faire fourcher le lit.
Si l'on voulait ressortir du placard théorique l'appareil conceptuel nourri de structuralisme linguistique introduit par Christian Metz lors du Festival de Pesaro dédié en 1966 au cinéma nouveau, on parlerait alors à propos du montage de La Route de Cayenne de « grande syntagmatique » en déduisant des deux séries parallèles et alternées des effets de sens et de conjonction disjonctive, de simultanéité et d’homologies. Ceux-ci oscillent entre des différences qui s'attirent en suscitant des rapprochements et des différences qui se repoussent en poussant les ressemblances à fonctionner comme des dissemblances.
On verrait ainsi qu'il y a la série du dedans. Ses habitants y sont des bourgeois sédentaires et blancs. Interprétés par des acteurs du 21ème siècle, ils incarnent la persévérance obscène du 19ème siècle, boivent et parlent une même soûlographie, et sont entourés d'animaux comme deux chiens, un chat noir et un oiseau, Gris du Gabon ou perroquet jaco, ce volatile forcément associé au psittacisme. Et puis il y a la série du dehors. Son arpenteur est un vagabond noir et solitaire. Il est un paria du 21è siècle héritier dans son corps de plusieurs siècles d'esclavagisme et d’engagisme, de colonialisme et d'impérialisme. Il erre et a faim et croise sur son chemin de survie un frère de galère, et puis aussi des vaches qui refusent de se laisser traire, ainsi qu’un chien noir moins menaçant que ses maîtres.
S'il y a montage parallèle, ce serait alors comme les barres du même nom, c’est-à-dire qu’elles peuvent être aussi des barres asymétriques. Entre les deux séries, les points de contact sont d'abord éloignés dans l'espace et le temps, figures d'une simultanéité troublée par une non-contemporanéité ainsi que l'aurait qualifié Ernst Bloch dans Héritage de ce temps (1935), avant un ultime point de contact en forme de raccord aussi intempestif qu’effrayant. Dans le placard de l'antique bourgeoisie, il y a toujours un Noir pour rappeler aujourd'hui que les colonies d'esclaves ont été l'une des régions maîtresses de l'accumulation primitive du capital pour le monde occidental. Achille Mbembe rappelle en effet que « le Nègre représente donc l’une des figures troublantes de notre modernité, dont il constitue au demeurant la part d’ombre, la part de mystère et la part de scandale » (Critique de la raison nègre, éd. La Découverte, 2015 [2013 pour la première édition], p. 63). Et c’est à ce titre que le Nègre est « le revenant de la modernité » (ibidem, p. 192).
Bagne et CRA nomment ainsi les dispositifs historiques spécifiques d'une même violence de classe trans-historique, la race. Qu'un film tente de construire une image de vérité de l'idéologie contemporaine en en faisant fourcher la langue dominante – 19ème siècle et 21ème siècle, bagne et CRA, divisions nationales de classe et division internationale du travail, classes populaires disloquées entre classes laborieuses, sédentaires et blanches et classes dangereuses, nomades et colorées –, et la route de Cayenne devient paradoxalement aussi celle d'une éclaircie dans tout ce qui participe à obscurcir notre actualité intoxiquée comme une mauvaise ivresse par l’antienne éthylique de la pseudo-crise des migrants et la rengaine républicaine des crises d'identité comme des crises de foie relancée à chaque attentat qui serait une atteinte à l’intégrité d’une francité fantasmée.
Ruminations et psittacisme
Si Christophe Clavert filme des vaches avec une pareille affection quand il ne s’agit pas de tendresse, c'est qu'il nourrit aussi des ruminations sincères dont ses films seraient l'une des modalités d’expression privilégiées. La violence dans la langue, qui est la violence même du langage, est entre autres une blessure lancinante dont les lacérations qui ne sont pas que symboliques circulent entre des films aussi différents qu'Un voyage en Italie (2007), une fiction courte d'après Franz Kafka (dans lequel joue déjà Olivier Coulon-Jablonka) et le moyen-métrage documentaire Little President (2020) dont La Route de Cayenne représenterait à cet égard une extension vicinale sur le versant de la fiction. C'est pourquoi on n'hésitera pas davantage à écarter l'hypothèse théorique de la « grande syntagmatique » de Christian Metz pour mieux apprécier La Route de Cayenne parce que la linguistique structurale relèverait probablement aussi de ce qui peut blesser le sens d'un film quand il est arraisonné ainsi à l'ordre strict du langage. C'est une violence en effet que de réduire la vérité du sens à la seule sphère du signifiant mais cela n'empêche cependant pas, loin de là, qu'un film organisant une certaine configuration du sensible ait également la puissance esthétique d’inviter à la signifiance comme c’est ici le cas.
Parler sans faire violence au film qui nous y invite, voilà l'idée à laquelle il nous faut tenir. Voilà le sentier à emprunter, la piste à suivre, et attention à la police du message. Parce que parler est une violence pour qui ne maîtrise pas la langue (le « monolinguisme de l’autre » nomme pour Jacques Derrida la nature coloniale de la langue et de la culture en général). Et c'en est une autre pour qui la maîtrise tant qu'en en tirant un mauvais alcool, il s'enivre jusqu'à la folie paranoïaque et au coup de sang qui relaie dans les têtes l’appel au meurtre.
Donc, pas de grande syntagmatique mais des séries faussement parallèles comme des barres réellement asymétriques. Le montage formellement parallèle et réellement alterné des deux séries narratives l'est jusqu'au point de contact qui, singulièrement, fait l’événement d’un court-circuit. Premier effet : on n'est pas sorti du naturalisme. Le croisement des inspirations littéraires, avec d'un côté avec la nouvelle de Guy de Maupassant Le Vagabond (1887) et le Jean Guenille des 21 jours d’un neurasthénique (1901) d'Octave Mirbeau (pour ce qui a trait au chemineau), mais aussi Le Voleur (1882) de Guy de Maupassant et Le Jardin des supplices (1899) d'Octave Mirbeau (pour ce qui concerne les bourgeois), est un puissant montage textuel. Ce qu'il montre, c'est que l'on n'est pas sorti du naturalisme parce que l'on est toujours pas sorti du 19ème siècle, ni du côté des pulsions, ni sur celui de nos dispositions sociales qui sont des déterminations de classes dont la bestialité n'est pas là où l'on pense. On n'est pas sorti du naturalisme parce que l’on n’est pas sorti d’un libéralisme qui aura fait si bon accueil au racisme.
Le CRA est ainsi un sérieux rappel fait aux tenants intoxiqués par la mauvaise bibine de la Start-up nation : le 21ème siècle répète mécaniquement le 19ème comme un perroquet le ferait. Psittacisme on vous dit.
Un cinéaste contemporain rumine et il y a de quoi préférer en effet ruminer plutôt que répéter mécaniquement comme le ferait un perroquet. Sauf que l'oiseau est beau et le froufrou des plumes du perroquet jaco relaie les feulements du chat noir afin d'adoucir un peu les jets acides d'une jactance bourgeoise qui dit tout le mal nécessaire au maintien souverain de ses jouissances voluptueuses et obscènes. En ruminant, Christophe Clavert propose un autre alambic qui distille des alcools d'une meilleure qualité : Luis Buñuel (qui a adapté Guy de Maupassant avec Une femme sans amour en 1951 d'après Pierre et Jean et Octave Mirbeau avec Le Journal d'une femme de chambre en 1964) et Porcherie (1968), le film le plus buñulien de Pier Paolo Pasolini. Sans oublier Jean Renoir, bien sûr, qui a adapté Maupassant avec Partie de campagne (1936) et Le Journal d'une femme de chambre (1946). On y retrouve, au carrefour des inspirations assumées et des correspondances non programmées, le grand motif naturaliste qui n'est autre que la faim. La faim des bêtes et des animaux humains que son insatisfaction abêtit.
En cinéma, l'artiste de la faim reste Charlie Chaplin qui en demeure aussi le vagabond universel. Luc Moullet à sa modeste façon lui aura emboîté le pas. Le chemin de la faim a été autrement emprunté par Pier Paolo Pasolini, par exemple avec Uccellacci e uccellini – Les Oiseaux, petits et grands (1966) et il l'a été avant et après lui par Luis Buñuel en lançant sur les chemins de campagne les bourgeois sémillants du Charme discret de la bourgeoisie (1972). En passant, il est fou de constater aujourd'hui que la marche des bourgeois buñuliens dont la faim reste inassouvie préfigure étonnamment les jeunes-vieux loups de la République en Marche.
Et LaREM, si elle n'a pas rouvert la route de Cayenne, n'en a pas moins refusé de fermer les CRA qui en représentent les lointains succédanés, ouvrant une voie royale pour Marine Le Pen en 2022. Octave Mirbeau a fait entendre la langue ordinaire du racisme national, banalisé à l’ombre de la République impériale, et elle n’a guère changé entre hier et aujourd'hui : « Les chemineaux... tous ceux qui n’ont pas un pays à eux... tous ceux qui ne paient pas de contributions dans un pays à eux... on devrait les envoyer à Cayenne... tous... tous... » (Dingo, éd. de Maule, 1988 [1913 pour la première édition], p. 80).
La faim et l'ivresse
« Randel avait faim, une faim de bête, une de ces faims qui jettent les loups sur les hommes » lit-on dans Le Vagabond de Guy de Maupassant. La faim est le chemin d'errance du jeune prolétaire noir évadé du CRA et son sentier est coupé par l'éthylisme huileux des jeunes vieux bourgeois. Lui coupe à travers champ en tentant de boire le lait directement du pie des vaches qui ne se laissent pas téter (à la différence de la nouvelle). Mais il ne coupera cependant pas le chemin de la laitière incarnant une autre source de vie dont s'abreuver entraîne à la profaner (c'est l'autre différence, majeure, par rapport à la nouvelle de Maupassant et le réalisateur peut ainsi tenir à distance l'hypothèse de la reprise avant de lui couper avec sagacité l'herbe sous le pied). La faim est là, toujours, mais le viol quant à lui n'aura pas lieu, ne se reproduira pas.
Ruminer l'éternel retour du naturalisme associé au libéralisme, c'est pour le cinéaste trahir aussi le texte original en sachant que la trahison est impérative dans un monde de représentations actuellement saturées du stéréotype de l'étranger voleur et violeur. Ruminer ce qui se répète mécaniquement entre hier et aujourd'hui n'autorise donc pas de montrer que tout bégaierait et que, partant, tout ne serait donc que psittacisme.
Ssurtout, La Route de Cayenne suit jusqu'au bout le chemin de la dialectisation de ses matériaux fictionnels. Là où Mirbeau représente par rapport à Maupassant le moment de politisation du naturalisme par l'anarchisme, le film qui s'inspire des deux écrivains délivre décisivement le noyau de réel forclos par l'un comme par l'autre : la division des classes populaires entre classes laborieuses et sédentaires et classes nomades et dangereuses recoupe une division de race constitutive de l'histoire impériale de la (troisième) république. Achille Mbembe rappelle ainsi à la raison que sa part nègre est celle du scandale des mêlées historiques du racisme et du capitalisme : « Pour pallier les crises de l’accumulation, le capital ne peut guère se passer de subsides raciaux » (op. cit, p. 117).
La fin du 19ème siècle est l'époque où Guy de Maupassant, missionné par le journal Le Gaulois pour un reportage critique portant sur la répression d'émeutes dans le Constantinois par les autorités coloniales en juillet 1881, peut se jeter par ailleurs, et avec quelle ivresse, dans les bordels où se pratique la consommation sexuelle des femmes algériennes (cf. Olivier Le Cour Grandmaison, « Ennemis mortels ». Représentations de l’islam et politiques musulmanes en France à l’époque coloniale, éd. La Découverte-coll. « Sciences humaines », 2019, en particulier le chapitre 4 intitulé Islam : « sensualisme » et sexualités coupables des musulman.e.s). Sortir du 19ème siècle invite donc aussi à mettre à jour la forclusion de la question coloniale et raciale jusque dans la meilleure littérature naturaliste, y compris la plus politisée et anarchiste. Et la perpétuation de cette forclusion se joue dans la représentation biaisée que les classes populaires ont actuellement d'elles-mêmes, dès lors que le biais s'apparente à l'alambic social où coule en abondance le fiel bourgeois javellisant le sang du prolétariat international.
Entre la faim qui tenaille le ventre du nouveau prolétaire et l'ivresse qui tourne la tête des vieux bourgeois, il y a des sentiers qui peuvent bifurquer. C'est une autre fourche, un autre carrefour avec, d'un côté, le rappel de l'assassinat de Sadi Carnot en 1894 à Lyon par Sante Geronimo Caserio et, de l'autre, une chanson entonnée par les immanquables complices de Christophe Clavert que sont les sœurs Taffin, Juliette (au chant) et Lucie (à l'accordéon et l'accordéoniste qui a pris le son de Little President est devenue ici l'assistante du réalisateur). Avec l'anarchiste boulanger d'origine italienne et le feulement d’un chat noir comme celui de la Confédération nationale du travail, la faim peut éclater dans le four à pains de dynamite de la propagande par le fait. Avec L'Enfant maquillé de Bernard Dimey, l'exigence intraitable du soulèvement s'affirme comme un jeu d'enfants jamais sages.
Enfourcher la langue de l'idéologie pour en faire fuir l'histoire et la faire fourcher en relevant ses contradictions, c'est voir enfin comment la faim peut devenir explosive comme le moteur à explosion de la 628-E8 d'Octave Mirbeau ou une machine infernale des anarchistes. Que la faim devienne explosive afin de ne pas être liquidée dans les ivresses de la classe qui sait dominer en organisant le non-savoir et l'errance de celle qu'elle domine, exploite et réprime. Sortir du 19ème siècle, du libéralisme et de son naturalisme biaisé quand il est le récit de la forclusion de la question raciale dans la question sociale est l'impératif des classes populaires. Et elles ne deviendront, ne redeviendront révolutionnaires qu'à cesser d'errer dans l’obscurité idéologique de la fourche divisant le destin des classes laborieuses, sédentaires et blanches, de celui des classes dangereuses, nomades et colorées.
Sortir du 19ème siècle implique non seulement de préférer la CNT au CRA mais aussi de redevenir l'enfant maquillé de la chanson, « l'enfant trouvé que vous avez perdu ».
7 octobre - 1 novembre 2020