Chez Howard Hawks (Allez coucher ailleurs, 1949) comme chez Billy Wilder (Certains l'aiment chaud, 1959), la comédie règne en n'excluant pas qu'il y ait dans les coins quelque chose de la tragédie des identités. Pour l'un, l'égalité des sexes facilite, avec la mascarade des genres, la préférence du masculin pour lui-même – pour le même. Avec l'autre, la parade révèle, avec l'imperfection masculine, qu'il est plus facile pour un homme d'être une femme que pour une femme d'être elle-même.
La femme ?
Un homme comme les autres
Avec Howard Hawks, l'inversion des positions est son sport favori et celui des rôles dévoile ce qu'engage l'appartenance de genre.
Si Catherine Gates (Ann Sheridan) porte le pantalon, c'est dans l'exigence d'une égalité de son sexe avec l'autre sexe dont le fendard est l'attribut familier. Quand Henri Rochard (Cary Grant) porte en guise de ruse bas, perruque et jupe afin de pouvoir la rejoindre aux USA, c'est en révélant que le féminin tient de la mascarade, et le masculin aussi bien. Si la comédie a pour théâtre l'époque nouvelle de l'après-guerre, et pour machine exemplaire le side-car (la femme est le conducteur, l'homme est conduit et les deux ne cessant de s'éconduire), c'est en ajointant une demande (féminine) d'égalité avec l'exhibition (masculine) des parades du genre.
Howard Hawks touchant à l'os des structures, la comédie a pour lui valeur structurale : la modernité est celle d'une dénaturalisation des rapports sociaux de sexe, dont un versant est égalitaire, et l'autre moins destructeur que déconstructeur. L'égalité est un engagement sérieux que travestissent toutefois les hommes qui n'aiment en les femmes que les fétiches qui représentent leur âme.
La femme ?
Une comédie pour les hommes, pour les autres une tragédie
Avec Billy Wilder, la comédie pastichant l'essentialité des identités fait autant bidonner que le rire qu'elle suscite se montre cruel.
Si le saxophoniste Joe (Tony Curtis) et le contrebassiste Jerry (Jack Lemmon) se griment en Joséphine et Géraldine afin de fuir la mafia qui cherche à éliminer les témoins gênants de ses forfaits, la ruse est une guise exerçant des effets différenciés. Pour Joe, l'habit d'occasion accentue son goût des combines (il endosse ensuite le rôle de Junior le millionnaire), avant de tomber le masque pour les beaux yeux de Sugar Cane (Marilyn Monroe). Pour Jerry, le travestissement est autrement plus excessif en l'obligeant à des contorsions d'identité (« je suis une femme », « je suis un homme »). D'un côté, Jerry a les yeux gourmands du loup-garou de Tex Avery ; de l'autre, il prend son pied à jouer non plus Géraldine mais Daphné dont s'est épris un vrai millionnaire celui-là, Osgood Fielding III.
Billy Wilder s'offrant aux forçages du rire, la comédie montre les dents en avérant sa fonction autant existentielle que mortifiante. Rien ni personne n'échappe au pastiche et si le film de gangster est pastiché, c'est parce que les gangsters sont aussi des praticiens roués du simulacre (un office funéraire cache un speakeasy, une rencontre d'amateurs d'opéra italien une rencontre entre mafiosi). Mais le pastiche est cruel et sa cruauté fait tantôt s'esclaffer (Lemmon est une femme à qui son riche prétendant dit que l'imperfection est masculine), tantôt attriste (Marilyn Monroe est déjà lasse, l'icône alourdie d'incarner une féminité fétichisée).
Masculin féminin,
sans jamais revenir au même
Chez Hawks comme chez Wilder, la comédie règne en n'excluant pas qu'il y ait dans les coins quelque chose de la tragédie des identités. Pour l'un, l'égalité des sexes facilite, avec la mascarade des genres, la préférence du masculin pour lui-même – pour le même. Avec l'autre, la parade révèle, avec l'imperfection masculine, qu'il est plus facile pour un homme d'être une femme que pour une femme d'être elle-même.
25 octobre
2022