Nous disons révolution (2021)

d’Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz

Cantiques transatlantiques

(surrection insurrection)

Nous disons révolution inventerait un genre, celui de la science-fiction anthropologique, refusant de jouer l’imagination contre le documentaire parce qu’il s’agit différemment de la même chose – sun et ra. Afro-futurisme créole. Nous disons révolution, sa puissance de monstration est une puissance monstre pour l’histoire et la géographie, à un axe Paris-Barça et sur un autre Brésil-Brazza. Dans le tissage rhapsodique des vivants et des morts comme des récits et des supports, Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval ont composé un chant de la terre pour après l’apocalypse – les cantiques transatlantiques qui font rimer surrection et insurrection.

Don de sang, temps donné

 

(six ans, l’âge d’un enfant)

 

 

 

 

 

2015-2021. Six ans, c’est le temps engagé à faire un film dégagé du timing industriel de la production. Du temps délivré, autrement dit du temps donné dont le don comme de sang advient en un souverain différé.

 

 

 

Six ans font la différence : le contretemps est du temps contre. Le temps, quand il se soustrait ainsi de la tyrannie des horloges du capital pour être librement vécu dans l’indistinction du gain et de la perte, est un jeu auquel jouent des adultes qui, ni n’ont oublié l’enfant qu’ils ont été, ni le martyrisent au nom des rudes obligations de la société.

 

 

 

Le temps contre, contre celui que l’on perd à vouloir gagner sa vie, est un art de vivre et d’aimer.

 

 

 

Six ans comme l’âge d’un enfant qui entre à l’école primaire en découvrant comme Ernesto qu’on lui apprend ce qu’il ne sait pas. Six années scandent le temps nécessaire d’une dépense somptuaire pour les praticiens qui le sont devenus en étant à la fois les propriétaires des appareils employés et les usagers des techniques déployées. La propriété quand elle est d’usage est la condition nécessaire mais non suffisante d’une pratique qui la dépasse en extrayant du noir du temps qui passe l’or des formes qui pensent, irisation de la surface des images et écume dans l’intervalle des plans, nappes de matières en fusion, dislocations et déterritorialisations, couleurs-événements.

 

 

 

2015-2021 : six ans, l’âge d’un enfant, l’enfance d’un monde qui agonise aussi, fuite en avant et volonté de néant. Six ans font voir que l’avenir redevient possible dès lors que l’origine est devant nous – l’origine, cet enfant. Comme le cinéma qui n’est pas une école puisqu’on n’y apprend rien sinon ceci qu’on expérimente avec ce que l’on entend et ce qu’on voit que l’éternel retour est un magma cosmique qui, avant de crépiter en pixels, palpite en nous en remuant nos nerfs, fusion franche en attendant, promise, la vaporisation – chaos-monde, tout-monde.

 

 

 

 

 

L’oubli de nos métamorphoses, en avoir la garde

 

(nègres à l’origine nous le sommes, nègres à l’avenir nous le serons)

 

 

 

 

 

Nous vivons dans l’oubli de nos métamorphoses, le vers est d’Éluard, son trésor est à tout le monde comme la propriété exclusive de personne. Celui et celle qui vivent et travaillent en cinéma se savent, eux, dans l’oubli de nos métamorphoses comme dans sa garde. Giorgio Agamben dit : illatence. Une quadrature géographique ouverte à de vastes puissances de créolisation, d’un côté un axe Barça-Paris de l’autre un axe Brazza-Brésil, offre la façade atlantique d’un vaste devenir-nègre dont l’esclavage est un moment historique et le Big Bang le foyer cosmologique.

 

 

 

Dialectique hégélienne mais elle retourne l’aigle de la philosophie en le mettant sur la tête comme la révolution française remise à l’endroit à Haïti : l’esclavage est historiquement le premier des crimes contre l’humanité, le premier acte de la transformation intégrale du corps humain en marchandise consommable et jetable. Mais l’acte fondateur de la modernité lui aura également révélé qu’elle n’avait pas d’autre destin, depuis l’origine, que celui d’une sortie de l’esclavage – l’émancipation est un marronnage. S’émanciper de nos maîtres est notre errance désirée, notre destin ou rien puisqu’ils n’ont pas d’autre programme à nous imposer que celui de nous enchaîner à eux en nous entraînant dans le trou de leur mort.

 

 

 

S’émanciper de nos maîtres en devenant les praticiens de notre émancipation et les usagers de notre autonomie, voilà une autre manière de dire ce qu’il en est quand on parle d’art de vivre et d’aimer. Art de vivre et d’aimer, c’est une danse de vie, de la Commune de Paris à la Jungle de Calais.

 

 

 

Le nègre figure la part maudite de la modernité, part de scandale, part mal vue mal dite – une part colossale si l’on se souvient que le kolossos est l’effigie gigantesque enfermée dans le tombeau vide du défunt dont la dépouille a disparu. Si nous sommes modernes, notre modernité ne peut pas ne pas s’écrire colossalement, avec l’encre du mauvais sang du poète aux semelles de vent : Oui, j’ai les yeux fermés à votre lumière. Je suis une bête, un nègre. Mais je puis être sauvé. Vous êtes de faux nègres, vous maniaques, féroces, avares. Marchand, tu es nègre ; magistrat, tu es nègre ; général, tu es nègre ; empereur, vieille démangeaison, tu es nègre : tu as bu d’une liqueur non taxée, de la fabrique de Satan. — Ce peuple est inspiré par la fièvre et le cancer. Infirmes et vieillards sont tellement respectables qu’ils demandent à être bouillis. — Le plus malin est de quitter ce continent, où la folie rôde pour pourvoir d’otages ces misérables. J’entre au vrai royaume des enfants de Cham.

 

 

 

Nègre n’est plus depuis longtemps l’insulte des négrophobes patentés mais sa parodie par exemple donnée par les africains-américains eux-mêmes. Le racisme commence à la maison, on le sait, avec l’extermination de l’autre qui se double toujours déjà de l’étrange étranger qu’il y a en soi. Nègres à l’origine nous le sommes et à l’avenir nous le serons. Nègres nous le devenons et si nous le comprenons pas, les éclairs LBD du foudre de l’Élysée ne cessent pas de le rappeler en faisant des yeux des Gilets jaunes les œufs nécessaires à ses omelettes jupitériennes. Nègres, nous le sommes en fait à l’origine qui est celle d’une naissance dans la sphère des besoins, grosse de l’attente d’une renaissance dans celle de nos désirs. Nègres nous le sommes en redevenant dignes de l’événement de notre naissance, le noir du temps d’où a surgi l’or de nos formes – Big Bang.

 

 

 

Avec Nous disons révolution, le cinéma délivre enfin sa Critique de la raison nègre.

 

 

 

 

 

L’enfant noir, l’enfant battu qu’il y a en nous

 

(l’enfant trouvé que vous avez perdu)

 

 

 

 

 

Et Nous disons révolution de s’adresser à nous un par un et il n’y a pas un seul de ces uns qui ne soit pas aussi un on, un nous, un plus d’un, un contr’un : nous tous, surtout vous les créoles qui s’ignorent, laissez donc monter en vous la native créolité, autrement dit cessez de la réprimer comme on bat un enfant. Le devenir-nègre est une danse et une prière, DeLaVallet le sait autant que William Faulkner, Paul B. Préciado autant que la chanteuse japonaise d’un karaoké brésilien. Le devenir-nègre est un jeu d’enfant et une fugue chamanique quand l'avenir se colore du marron. La schizoïdie de la séquence barcelonaise en atteste, tournée à l’heure du loup, éclairée à distance par une lune luisant depuis Fécamp et son havre de cinéma, un feu de camp. Le devenir-nègre est enfin une samba processionnaire, une coulée magmatique dont, par la force du contexte, le poème bariolé et extatique se voit dédié au peuple brésilien deux fois martyrisé aujourd’hui, par le coronavirus et par l’État qui en serait par bêtise comme l’allié objectif.

 

 

 

Une samba à Bela Vista dont le sang a le goût du candomblé et du quilombo. Une fête païenne où la communauté célébrant sa créolité arc-en-ciel organise la fête dont le caractère autogestionnaire témoigne aussi, et sublimement, de l'abolition joyeuse de toute police.

 

 

 

En chacun de nous il y a un enfant battu. Il y a la voix d’un petit enfant noir que l’on étouffe. Pas pire maître que celui que nous sommes toujours déjà à nous-mêmes, pas pire maître que celui du système plantationnaire de notre être. Le racisme n’a pas d’autre fond, exténuant, qui exacerbe la tradition moderne du nihilisme placentaire. Sortir de la nuit fœtale invite ainsi au débarras du délivre jeté à la poubelle, premier compagnon superflu avant que ne viennent d’autres corps jetables, que s’amoncellent d’autres vies précaires, les sans-parts qui sont les sans deuil, les parias qui ne sont personne d’autre que nos jumeaux placentaires.

 

 

 

Répondre à la panique mimétique des racistes et des essentialistes consiste à voir Pan partout, les dieux païens que nous sommes quand nous chantons et nous dansons, divins que nous sommes seulement dans la joie de notre ignorance. Pan l’enfant maquillé de la chanson de Bernard Dimey, l’enfant trouvé que vous avez perdu et qu’il vous faut moins réprimer que retrouver. Mais pour être Pan encore faut-il savoir faire accueil à l’autre en le reconnaissant comme le double de l’étranger que nous sommes. Car, si l’on ne reconnaît pas l’enfant noir en nous, c’est autre chose alors qui sort du ventre. C’est l’alien dont un sample hante un mobile musical d’Ulysse Klotz, le xénomorphe néofasciste contre lequel se bat vaillamment DeLaVallet comme un boxeur avec son ombre.

 

 

 

 

 

Tectonique des peuples, ivresse lysergique

 

(cent soleils, sun et ra)

 

 

 

 

 

Dans le noir du monde, dans la nuit du vivant qui est un archipel, dans la constellation des espèces qui s’acoquinent et s’enchevêtrent plutôt qu’elles ne s’exterminent, chacun-e représente pour l’autre une singularité quelconque et tout le monde fait peuple mais en précisant décisivement qu’il s’agit d’un peuple sans substance ni identité, interspécifique. Des multitudes rassemblées et coagulées pour faire voir et valoir l’égale exemplarité de n’importe qui. Comme le visage d’une petite gamine dans le cortège brésilien dont l’apparition est une surrection. Coïncidence poétique de la surrection et de l’insurrection, du soulèvement de l’écorce terrestre et du soulèvement populaire. Surrection insurrection résurrection : le peuple manque, l’abîme se repeuple. La tectonique des plaques est celle des multitudes qui font et refont peuple par-delà les barbelés de l’État-nation.

 

 

 

On nous dit, on nous redit, les années 30 sont devant nous, fascisme viral, l’actuel rétropédale. Avec Nous disons révolution, ce sont les années 60 qui reviennent, nouveau psychédélisme, nouveau baroquisme, nouveau tiers-mondisme, Jean Rouch et Pier Paolo Pasolini et Glauber Rocha y font la noce et y sont à la fête. Ivresse lysergique des couleurs (le film est le contrechamp documentaire du Livre d’image, on y goûte des oranges qui électrisent les sens, un véritable jardin des Hespérides), décollements, fusions et dislocations (le film est un Festin nu pour aujourd’hui, sa chair est celle d’une interzone carnavalesque), coulées créoles et magmatiques (comme si Sun Ra avait réinterprété Sans soleil de Chris. Marker en le retitrant Cent soleils et autant de cous coupés en suivant l’aimant Césaire).

 

 

 

Nous disons révolution inventerait presque un genre, celui de la science-fiction anthropologique, refusant de jouer l’imagination contre le documentaire parce qu’il s’agit différemment de la même chose – sun et ra. Afro-futurisme créole. Nous disons révolution, sa puissance de monstration est une puissance monstre. Dans le tissage rhapsodique des vivants et des morts comme des temps, des supports et des récits, Nicolas Klotz et Élisabeth Perceval ont composé un nouveau chant de la terre pour après l’apocalypse, quand il sera temps de faire rimer surrection et insurrection.

 

 

 

 

 

Sabbat astral du cinéma

 

(NKEP, une pharmacopée)

 

 

 

 

 

Nous disons révolution est le film le plus solaire d’Élisabeth Perceval et Nicolas Klotz, placé sous le signe du lion Sun Ra. Le sabbat du cinéma y est zoroastrien, l’astre philosophal qui accomplit leur transsubstantiation alchimique : NKEP, un agencement non-binaire d’expression en cinéma.

 

 

 

Non seulement NKEP fait le bond du tigre dans le passé, mais il en profite aussi pour sauter dans le volcan d’Empédocle. Du cœur des ténèbres – l’effrayant tumulte du fleuve Congo, ce fleuve blanc en géniale conséquence du surex – NKEP en ramène la pierre philosophale, pierre zoroastrienne pour un sabbat de cinéma astral. La pierre d’orientation qui, non seulement permet de ressaisir les origines africaines forcloses de la littérature du vieux père Faulkner, mais encore donne à voir jusqu’à l’hallucination qui élargit les rétines la transmutation des récits secrets des antiques blessures en chants de la terre et en danses de vie mêlées, entremêlées, créoles, enlacés-délacés.

 

 

 

Les coulées magmatiques de Nous disons révolution sont la relève sidérante des suppurations qui, depuis trop longtemps, tétanisent. Mieux qu’une pharmacie pour temps toxiques, le film de NKEP est une pharmacopée.

 

 

 

Les cendres continentales de La Question humaine ont laissé place désormais aux braises d’un peuple volcanique-océanique. Braises d’un peuple transatlantique, bribes éparses et gerbes d’intensité, champ d’îles : dans la diagonale des failles de l’Histoire, Kinshasa et Barcelone, Paris et São Paulo – et Fécamp dans les intervalles – les éclats ont des cordons souterrains et ombilicaux reliant tous les dieux noirs à tous les diables blonds, sœurs et frères, tous jumeaux placentaires.

 

 

 

 

 

Appunti pour une Orestie afropolitaine

 

(la région sauvage du cinéma)

 

 

 

 

 

Nous disons révolution, les appunti à une Orestie afropolitaine. Le fugitif persécuté par ses Furies, esclavagisme et racisme, colonialisme et impérialisme, capitalisme et néocolonialisme, passe la frontière des images en repassant le plat des récits transmis mais à l’envers. Le fugitif alors se dédouble, il brouille les frontières en en faisant des seuils pour des sauts d’intensité, il se dissémine et se multiplie en faisant éclater la roche des églises de Barcelone la prostituée, pareil aux plantes saxifrages. Faune congolais dont le chamanisme soigne à distance l’alien de la race et l’aliénation parisienne, gémellités baroques à Barcelone éclairées sous la lune de Fécamp à l’heure du loup, chien de berger qui claudique comme Tristana et revient de l’enfance russe comme celui de Nostalghia. Restes de la Jungle après son arasement comme un agglutinement de tipis indiens, magma d’un carnaval populaire dont la coulée possède une authentique puissance vaccinale face au fascisme rétroviral.

 

 

 

Toute une géographie bouleversée par le grand fleuve noir des forces anonymes et impersonnelles, des puissances charriées par les veines d’une cartographie intime, les meutes et peuples de NKEP, ses enfants et ses monstres, ses ritournelles et ses ribambelles. Toute sa schizophrénie. Les images sont forcément non binaires en passant la frontière de la fiction et du documentaire. Elles sont mobiles aussi parce qu’elles sont errantes et migrantes comme la pensée, irrégulières et clandestines comme un sans-papier. Elles migrent-émigrent-immigrent comme de nouvelles formes vivantes, comme les histoires dont le sang créole abreuve, irrigue et colore les milliers de sillons ridant l’écorce terrestre, sa peau réticulaire.

 

 

 

Nous disons révolution commence directement avec DeLaVallet comme naguère Jean Renoir et le faune Boudu – Renoir, ce fils de la Révolution. Avec l’homme qui danse, on entre tout de suite dans le vif du sujet, qui est d’une incandescence folle. Le danseur est un nouveau Pan dont la transe répond à la panique des identitaires de tout poil. Boxer avec son ombre, c’est mettre au tapis l’identitaire en le relevant comme un frère ou une sœur de galère. C’est le soigner du nihilisme placentaire qui le pousse à brimer la petite fille noire qui dans son ventre a trouvé un refuge.

 

 

 

Et puis il y a les chiens et les enfants, on n’en a jamais vu autant chez NKEP, c’est la région la plus sauvage de son cinéma, la plus primitive comme son avenir. Et puis c’est l’orange – on n’en aurait jamais vu comme ça au cinéma – qui est celui de la Terre quand elle s’ouvre aux puissances tectoniques des brassages créoles, aux forces telluriques des éruptions populaires.

 

 

 

 

 

Sainteté du créole

 

(au bout de la supernova, Néfertiti)

 

 

 

 

 

Nous disons révolution est le contrechamp documentaire du Livre d’image, son prolongement transatlantique. Un documentaire de science-fiction anthropologique plutôt que mythologique. L’astre Solaris au-dessus de leurs têtes folles, les Maîtres fous ont dorénavant atteint le level five et l’heure du loup Bergman annonce l’aurore de Murnau. Que Sans soleil devienne Cent soleils.

 

 

 

Le monde finit dans le spectacle du tout-visible, il recommence avec le parti pris du devenir-nègre et des animaux imperceptibles. L’apocalypse est l’implosion d’une étoile en fin de vie, une supernova ; le Royaume est le déjà-là des identités frangées, relations multiples et rhizomatiques.

 

 

 

Quatre courses scandent les marronnages de Nous disons révolution. La partie congolaise s’impose d’emblée avec la musique d’Ulysse Klotz et la danse de DeLavallet. La partie barcelonaise – sommet baroque qui ne pouvait pas mieux s’épanouir qu’en Espagne – a des univers parallèles qui s’emboîtent de telle manière que ses circulations sanguines y sont très fluides. Et cette fausse cicatrice de cinéma qui passe comme un bouquet de roses, un sourire – schibboleth, un mot de passe.

 

 

 

La partie brésilienne est l’un des sommets de Nous disons révolution, toutes choses vues. Tendresse infinie pour l’inépuisable variété des visages de l’humanité. Auto-organisation des multitudes festives qui se passent à l’aise de toute présence policière. Autoportrait facétieux avec le couple de japonais qui se font des scènes par le biais rigolo du karaoké. Danseuse fauve qui est comme la sœur du faune congolais. Apparition d’un visage, celui d’une enfant Néfertiti comme la naissance d’une montagne ou d’une étoile, sainteté du créole au nom de la joie enfantine et divine du vivant.

 

 

 

Le finale enthousiasme, avec les images en infra-rouges qui prennent le parti pris des animaux cher à Jean-Christophe Bailly (les loups y font signe vers les magots de l’atlas algérien au début du prochain Archipel) et le texte programmatique de Paul B. Preciado (l’anaphore y excède tout vouloir-dire en signifiant à la racine porter encore – ἀναφορά est la reprise du rapport, aussi le pic de la Liturgie de l’eucharistie pour les églises d’orient, encore la joie des baladins du Moyen-Âge).

 

 

 

C’est sûr, Nous disons révolution va emmerder aux entournures, cris d’orfraie avec la repentance du côté des racistes et l’appropriation culturelle pour les antiracistes. Le nègre est la part d’ombre de la modernité, part maudite et si mal dite qu’elle invite aux mauvais procès tous azimuts. C’est une Critique de la raison nègre qui parle pour NKEP en parlant une langue créole – les langues transatlantiques de tous ceux qui, Faulkner inclus, parlent le nègre sans parler à leur place.

 

 

 

Que les Noirs et les Blancs qui se fantasment en majuscules essentielles s’abandonnent alors à la commune créolité qui est le don, le legs d’or du Big Bang, c’est élémentaire et il n’y a rien d’autre à faire avant que le cosmos ne reprenne ses droits sur les poussières d’étoiles que nous sommes même si nous l'oublions.

 

 

 

Nous disons révolution est un recueil poétique de cantiques transatlantiques. Sa puissance de surrection tectonique est proprement insurrectionnelle, dédiée à l’impropriété générique de l’épars et du divers qui est une fête pour la pensée quand coïncident sensibilité et intelligibilité comme l’imagination danse la samba avec le documentaire. Pour suivre les poètes brésiliens centenaires, l’esthétique qui s’y joue, décisivement, est une politique anthropophage, résolument.

 

 

 

24 novembre 2021


Commentaires: 0