Une maison pour Buster Keaton (2019-2021)

de Lamine Ammar-Khodja

Ceux que tu aimes bien demeurent

LAK est un marabout dont les rhapsodies sont un jeu d'enfant conjuratoire. Mais de quoi ? Entre soi et soi je est un autre, celui qui ne cesse pas de pulluler en images pas sages et en mots comme des animaux – en animots. Ceux que tu aimes bien demeure : le cinéma est un refuge, sur le fil, un asile, sur la tranche. Les images comme les ailes d'un mobil-home. Même s'il faut recommencer à chaque ouragan, et tout refaire à chaque film. Le marabout a des images et des paroles qui font son bagage. Il a des ficelles qui disent aussi qu'il est un artiste de la faim, chat qui pelote, loups en meute et Odradek.

Sur la tranche

 

(l'entre-images)

 

 

 

 

 

Imaginez, un jour vous recevez une lettre et découvrez, stupéfait, que c'est vous-même qui vous l'êtes envoyée. Un drôle de remake de La Lettre volée d'Edgar Allan Poe quand la lettre en question a pour voleur son destinateur découvrant qu'il est aussi son destinataire. La lettre volée, littéralement elle vole, elle bat des ailes comme l'image se divise en deux pour mieux avérer les dédoublements du même, image accueillante par ailleurs pour toutes sortes de volatiles, pigeons et corneilles. La lettre n'arrive alors à destination qu'à partir des divisions du sujet comme il en existe au foot et c'est après tout le terrain de jeu où se jouent celles qui affectent le lecteur de la lettre en découvrant qu'il en est l'auteur à contretemps. La lettre est la surface d'écriture de notre schizophrénie et l'image n'est pas en reste quand le lecteur a des dédoublements placés sous le regard critique et tyrannique d'un surmoi qu'il faut fuir (on lui tranche la gorge dans Lost Highway de David Lynch qui démarre il est vrai sous de semblables auspices).

 

 

 

L'impulsion d'Une maison pour Buster Keaton est une fantaisie, celle de la fabrique solitaire de notre schizophrénie comme on le dit dans A peine ombre de Nazim Djemaï. C'est une fiction, un jeu qui consiste à tourner en bourrique le narcissisme d'un réalisateur qui est aussi le personnage principal de ses films. Tourner en bourrique c'est mieux en effet que tourner en rond dans son nombril. Une facétie mieux qu'une coquetterie, une insolence contournant le piège du moi dans la préférence de la cause de soi. On parle beaucoup dans les films de Lamine Ammar-Khodja (on continuera à l'appeler LAK pour jouer), on parle, ça parle. Soi parle, autrement dit on est parlé quand soi est l'abri des paroles d'autrui qui sont des images parlantes. Avec LAK, l'assurance tient à ce que la personne de l'acteur-réalisateur figure le site mobile et volubile de puissances impersonnelles qui ont à voir et à faire avec le destin des gens vivant dans l'entre-deux, ici et ailleurs, toujours sur la tranche qui est aussi l'entre-images. L'entre-images cher à Raymond Bellour nomme le passage entre les images et leurs régimes, ici prises de vue documentaires et reprises d'images plus anciennes, archives personnelles et actualités ayant fait date, photographies vernaculaires et cartes postales, publicités et vidéos amateurs.

 

 

 

La cause du soi – la cosa de LAK – la chose qui soutient son désir. Le désir qui le fait marcher (il lit en marchant et, pour lui, il semblerait bien que tout a commencé par les pieds), celui qui le fait sortir de son lit (la cinéphilie s'apparente parfois à une forme de clinophilie). Le désir marchant plutôt que marchand, celui d'un cinéma parlant pour autant qu'il soit parlé, parce que sans cesse on parle dehors et parce que dedans ça parle autant. Désir d'un cinéma parlant qui doive aussi témoigner pour le muet, autrement dit pour l'infans, c'est-à-dire l'enfant qui n'est pas encore entré dans la parole, pour les burlesques aussi bien mais l'hommage tiendra davantage ici de l'adresse fraternelle. Citations, digressions et incrustations, toute une prolifération, tout un bourgeonnement certes encore marqué d'un peu d'adolescence mais, dans notre schizophrénie, l'enfant le dispute vaillamment à l'adolescent comme au vieux croûton qui leur fait la leçon (le seul cinéaste auquel on pense c'est Mohamed Soueid). Des fragments tirés pour tisser des correspondances, des collages avec pieds de nez, des coq-à-l'âne comme les morceaux d'une mosaïque bien sûr. Des phylactères aussi, qui rappellent forcément les bulles de la bande dessinée mais qui auraient encore en mémoire leur sens originel, à savoir celui de talisman égyptien, d'amulette magique protégeant des mauvais sorts. Le marabout-de-ficelle, il faut le prendre au pied de la lettre : le marabout est un soigneur qui n'a pas beaucoup d'argent.

 

 

 

On sait aussi ce qui est arrivé aux chamans, Taha Djaout et Cheb Hasni, haïs par les fanatiques de l'unique inique, nation ou église.

 

 

 

Le sort d'être sur la tranche comme la pièce qui refuse de choisir entre le côté face et le côté pile (le sortilège est un gag). La tranche qui est un passage entre les images, entre les mots comme entre les mondes. Qui fait mal aussi quand il y a parmi les proches des amis passés de l'autre côté du monde et qui y sont restés (ce n'est plus un gag quand la tranche indique le tranchant d'une blessure).

 

 

 

 

 

Comment soi se passe, comment ça passe les images

 

(des animots)

 

 

 

 

 

« Moi et toi  : soi et soi, comment ça se passe ? ». C'est par cette question intime et pénétrante que Jean-Luc Nancy ouvre son nouvel essai, Cruor (éd. Galilée, 2021), qui est comme la suite de Corpus (éd. Métailié, 2000). Son dernier essai qui est aussi l'ultime, le dernier qui est aussi le tout-dernier. Entre soi et soi il y a moi et il y a bien plus que moi. Dans la perspective du soi, moi ne suffit pas. Soi nommerait ainsi et tout à la fois la condition d'émergence du sujet et l'écart indiquant pour lui l'impossibilité de coïncider exactement avec lui-même. Et si moi se comporte quelquefois à l'égard de soi comme un tyran ironique et persifleur, soi engage à creuser l'écart au nom d'une désertion, à tirer une ligne de fuite comme un fil. La tranche, encore, autrement dit aussi tous les coq-à-l'âne faisant tourner en bourrique les braiments du surmoi, complaisance et ressentiment, détestation de soi et aquoibonisme.

 

 

 

Entre soi et soi il y a une foultitude de créatures, des multitudes, un bestiaire, des vies personnelles et impersonnelles, des jardins et des chantiers, des multiplicités conflictuelles quand elles manquent de s'accorder, des disputes continuelles et acharnées. Des amitiés aussi qui trament des communautés en marge des peuples et à distance des nations et des États. Des images qui comme les lettres se conjuguent au futur antérieur dans la promesse de donner un peu de force et d'avenir à quelques souvenirs. Entre soi et soi comment ça se passe, comment ça passe dans et entre les images, comment elles passent les images. Si le moi n'est rien sinon une solitude peuplée, le peuplement est d'images mais aussi de déchets, sacs poubelles et clichés. Les tissages du sujet emporté par ce qui se trame en lui et l'excède font les filages du sujet rapiécé, pris dans ses emportements rhapsodiques, hérissé de pointes, percé de ses ferrailles d'attente. Le fil rouge de laine d'une pelote avec laquelle s'amuse un chat mais la pelote est aussi un corps et tirer le fil c'est défaire le corps, c'est s'en refaire un autre, à chaque film, encore. LAK évoque une nouvelle fois La Métamorphose, on pense cependant à une autre nouvelle de Franz Kafka, « Le souci du père de famille » où apparaît Odradek, étrange créature faite de fils colorés, aussi insaisissable qu'elle barre le chemin à tous ceux qui croient tenir enfin une place sûre en ce monde s'assombrissant.

 

 

 

LAK est une autre créature étrange et son étrangeté n'est rien que l'expression de l'étranger qu'il y a en chacun de nous. L'étranger qui ressemble à celui d'Albert Camus tout en lui étant dissemblable. Son double, son frère qui est aussi son ombre, son génie à la fois bon et mauvais, le traître qu'il lui faut pour mettre à l'épreuve de la colonialité la littérature française. Son jumeau placentaire.

 

 

 

Entre soi et soi il y a donc des images, tout un monde d'images, muettes et parlantes, notations et citations, métaphores et correspondances. Toute une intelligence dont la sensibilité avère qu'elle est une affaire de mise en relation (inter-ligere). Entre soi et soi il y a déjà la mère dont le coup d'œil assure au couscous son goût inimitable et il y a le frère, Fayçal, autre double qui est à la fois une autorité et un ami, le gardien fraternel d'un secret que se partagent les exilés de l'intérieur, tous ceux qui nomadisent même sur place. Entre soi et soi il y a des oiseaux et des chats, un chien aussi, il y a encore des déchets, des restes qui font le festin des poissons et des fourmis. Un bourdon enfin butine en délivrant naturellement l'image de celui qui fait son miel du bourdon dont l'aiguillon le titille. Entre soi et soi il y a des idées qui surgissent comme d'une pochette-surprise. Avec d'un côté le montage pop des images de l'indépendance algérienne avec celles de l'alunissage, l'Algérie qui a le goût des bonbons de marque Caprice et dont les dirigeants ressemblent parfois à Dracula. Et de l'autre la critique des clichés fétichisés (« La pietà de Bentalha » de Hocine Zaourar) ajointée à l'éclat des tableaux de la peintre algérienne Baya. Tahar Djaout disait d'elle qu'elle était comme une sœur de Shéhérazade, « tisserande des mots qui éloignent la mort ». LAK est un autre tisserand dont les rhapsodies sont un jeu d'enfant conjurant la mort.

 

 

 

Entre soi et soi je est un autre, l'autre ne cesse pas de pulluler en images pas sages et en mots comme des animaux (avec Jacques Derrida, celui de L'Animal que donc je suis, on parlerait d'une chimère qui va bien dans le bestiaire de LAK, celle des animots).

 

 

 

Entre soi et soi il y a un pays qui n'existe pas, autre chimère : l'intermonde entre la France et l'Algérie, la zone d'une double absence, l'interzone où la sociologie d'Abdelmalek Sayad se surimpressionne avec la littérature de William Burroughs. Un festin nu de ferrailles d'attente dont on ne sait si elles sont de la région parisienne ou de la banlieue d'Alger. Un aveu touche : les grands de la littérature algérienne, Nedjma de Kateb Yacine, Écoute et je t'appelle de Malek Haddad, L'Étoile d'Alger d'Aziz Chouaki, L'Arbre à dires de Mohammed Dib, La Répudiation de Rachid Boudjedra, Le Dernier été de la raison de Tahar Djaout, tous ont été découverts non pas à Alger mais à Paris, bibliothèque Faidherbe. Si Paris est la « gueule du loup » selon un mot de Kateb Yacine, le loup est aussi l'animal de la meute et du ban, celui d'une jeunesse émeutière et marginalisée. L'animal qui tient encore dans les secrets de son étymologie l'anglais love et le latin libido. L'animal qui se love comme le chat qui pelote, comme la pelote de laine, marabout, bout de ficelle, etc.

 

 

 

 

 

La maison du Ch'hâ qui pelote

 

(sas et sassements)

 

 

 

 

 

Sur le pas d'Une maison pour Buster Keaton on trouve une parole de vérité de Mahmoud Darwich qui est comme un seuil : Bayt dit en arabe à la fois le vers et la maison. Le poème est en effet un refuge pour les sans-domicile, un abri pour les sans-patrie, une demeure pour les exilés. Le cinéma pourrait l'être aussi bien comme la pensée qui depuis les Grecs est une errance pour la vérité à l'épreuve de la non-vérité. D'autant que le monde abrité par les images de LAK est divisé entre souterrains dostoïevskiens et toits rivettiens, avec les caves où la jeunesse prolétarisée d'Alger a pour terribles ivresses ses impuissances et les images qui sont comme des aérations permettant de respirer. De sortir par le haut depuis ce qui nous travaille tout en bas, notamment les émeutes qui se suivent en écrivant l'histoire parallèle de l'Algérie contemporaine, 1988, 2011, 2019. Des émeutes qui brûlent aussi dans l'esprit des supporters émigrés de l'équipe algérienne (et l'on sait que l'un des chaudrons du Hirak a été le stade Omar Hamadi et l'USMA avec l'Union sportive de la Médina d'Alger qui en a forgé l'hymne, « La casa del Mouradia »). Des meutes prêtes aux émeutes.

 

 

 

Les émeutes sont enfin ceux de la faim, de toutes les faims, des faims qui ont fait se soulever la jeunesse et dont l'insurrection a tissé la toile de fond de la prime enfance de LAK. LAK qui ressemble à Odradek et aime tant les burlesques, Buster Keaton évidemment mais Charlie Chaplin non moins également, est un autre artiste de la faim. C'est ainsi que ses marabouts (de ficelles) témoignent pour la réalité persévérante de son désir, aussi indestructible que son porteur est effiloché, toujours obligé de tout reprendre à zéro, contraint de toujours tout recommencer. On dira alors : LAK ressasse, oui, il y a des images qui reviennent de film en film, oui, mais ce sont les archives qui progressivement constituent l'image étoilée de son désir. Et puis le ressassement est toujours déjà et d'abord un sassement, tamis et crible, autrement dit criterium et critique. Le sassement qui nomme l'action réitérée de faire passer par un sas parce que les images ne sont pas une affaire de frontière mais toujours une question de seuil, de passage et d'intensité.

 

 

 

Entre soi et soi il y a l'exil et le royaume (Albert Camus, l'écrivain français avec qui LAK ne cesse pas de s'entretenir et se disputer). L'exil comme un royaume, celui des apatrides qui demandent asile à la poésie. Au cinéma aussi même si les burlesques nous ont entretenus de quelques vérités qui, comme gags, nous restent en travers de la gorge comme le bâillon qui donne le sens premier du terme anglais. Dans Steamboat Bill jr. la maison s'envole, éparpillée par l'ouragan. Ailleurs, et en rappel d'une fameuse séquence chaplinesque, la Terre est un ballon qui flotte avec légèreté, le même ballon peut tomber aussi sur le sol comme une vieille crêpe, dégonflé.

 

 

 

LAK est un chat qui retombe sur ses pattes en suivant le fil rouge d'une pelote, celle de l'étranger qui est le gardien de notre étrangeté. La pelote de l'exilé dont le seul royaume est fait de ses images vagabondes, son petit bagage. Un chat qui pelote comme la maison d'une nouvelle d'Honoré de Balzac, un enfant qui joue avec ses images et ses animots qui sont tous devenues avec le temps un peu les nôtres. Un chat, un loup, un démon comme Ch'hâ, cette « figure comique protéiforme, omniprésente depuis des siècles dans tout le Bassin Méditerranéen et au delà, personnage mi-fou mi-sage, parfois cruel, comparable à Panurge ou à Renart ou à Till Eulenspiegel ou à Lazarillo de Tormes (…) » (Marc Scialom, Les autres étoiles, éd. Artdigiland.com, 2015, p. 98).

 

 

 

Au bout du marabout-de-ficelle il y a quoi ? Une maison pour Buster c'est la maison du Ch'hâ qui pelote. Mais une maison d'un type particulier, le mobil-home que chaque ouragan soulève et éparpille et il faut alors reprendre à chaque film les morceaux nécessaires à reconstruire la mosaïque. Le cinéma donne asile aux images le temps d'un film et les suivants se font cruellement attendre parfois.

 

 

 

 

 

Ce que tu aimes bien demeure

 

(la maison, le cinéma, le monde)

 

 

 

 

 

Bla cinima se dédiait du côté de Meissonnier au forum populaire d'une communauté temporaire composée le temps d'un film tentant de conjurer le manque de peuple et de cinéma dans un pays asphyxié, otage de son État. Une maison pour Buster Keaton c'est l'autre placette, l'autre agora, celle qu'il y a dans le cœur et la tête de LAK, ce sas par où passent des images, images sur le fil et d'autres tranchantes qui évitent de rabattre le moi sur le surmoi en les faisant passer du côté du soi. Au risque assumé du ça, du déchet, des disputes pour de vrai (avec le groupe d'Alger à l'époque de Demande à ton ombre) ou simulées (avec l'acteur Samir El Hakim), les rebuts humains qui s'accumulent dans les films burlesques et les livres de Franz Kafka. La hantise qui innerve la vis comica de LAK.

 

 

 

Découvrir Une maison pour Buster Keaton c'est voir le film et l'apprécier dans le réseau des relations tissant son contexte. Alors son spectateur a eu pour lecture le dernier numéro de la revue Trafic. Trente ans, 120 numéros : le dernier numéro est aussi l'ultime, le tout-dernier. Une revue de cinéma pour revoir le cinéma, l'une des plus importantes qui soient, cesse et c'est un fil rompu dans notre histoire de cinéma. On voudrait en être sûr pourtant, on y tient comme à la prunelle de nos yeux : le cinéma meurt et ressuscite à chaque image comme un battement de paupière, chaque raccord comme un battement de cœur. En frontispice de la revue fondée en 1991 par Serge Daney dont la plupart des textes ont été publiés sous le titre générique de La Maison cinéma et le monde, il y a un canto d'Ezra Pound, le 81ème élu par lui en épigraphe du premier numéro. Sylvie Pierre-Ulmann le propose à nouveau au frontispice du dernier numéro en rappelant l'inspiration lointaine de Jean-Claude Biette afin de ramasser la poésie qu'il y a dans le projet d'une revue dédiée sans illustrations au désir d'écrire non pas sur mais avec le cinéma (et puis en plus il y a sur la couverture dudit numéro un clin d'œil au finale des Temps modernes, ça tombe bien).

 

 

 

Ce canto, le voici (du moins sa première partie) :

 

« Ce que tu aimes bien demeure,

le reste est déchet

Ce que tu aimes bien ne te sera pas arraché

Ce que tu aimes bien est ton véritable héritage »

 

 

 

Y repensant, Sylvie Pierre-Ulmann avait retenu une version alternative, et très suggestive, du premier vers : « Ce que tu aimes bien te protège » (éd. P.O.L. hiver 2021, p. 8). D'autres contributeurs du dernier numéro de Trafic ont également joué avec les possibilités induites par la traduction française de ce vers d'Ezra Pound qui résonne alors avec l'introduction du film placée sous l'amitié poétique de Mahmoud Darwich. Ainsi Jean-Michel Frodon : « La demeure, c'est la maison. Cela que tu aimes bien, si tu l'aimes bien, sera ta maison, ne dit pas mais laisse entendre le poème » (p. 18) ; Pierre Gabaston : « Ceux que tu aimes bien demeurent ton véritable héritage » (p. 35) ; Frédéric Sabouraud : « De ce(ux) que tu aimes bien, deux meurent » (p. 148). La demeure de ce et ceux que LAK aime bien les protège tous, comme un talisman, un phylactère, même si la demeure garde aussi trace de ceux qui passent. La dédicace finale d'Une maison pour Buster Keaton tient à cet égard lieu d'épitaphe à laquelle répond par un jeu inattendu d'échos l'épigraphe du canto d'Ezra Pound.

 

 

 

L'ange Gabriele et les copains de la Cité du 8 mai 1945 de Bab Ezzouar qu'ils surnomment Sorecal, une maison leur est donc dédiée qui n'existe qu'au cinéma. Le seul héritage, celui que l'on recommence à chaque ouragan de l'Histoire, celui que l'on rejoue à chaque film comme on rebat les cartes, les images pas sages qui jouent à saute-mouton et les animots qui font le petit bagage de LAK. Comme un chat qui pelote, chat ou loup, Odradek et Ch'hâ.

 

 

 

« Si le feu brûlait ma maison, qu'emporterais-je ? J'aimerais emporter le feu » (Jean Cocteau cité par Erik Bullot, Trafic, p. 59).

 

 

 

15 décembre 2021


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